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Comment menez-vous un train qui exige cent mille livres de rentes? s'écria Mathias atterré.

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Notre fille nous a coûté les yeux de la tête. D'ailleurs, nous aimons la dépense. Enfin, vos jérémiades ne nous feront pas retrouver deux liards.

Avec les cinquante mille francs de rentes qui appartenaient à mademoiselle Natalie, vous pouviez l'élever richement sans vous ruiner. Mais si vous avez mangé de si bon appétit quand vous étiez fille, vous dévorerez donc quand vous serez femme.

- Laissez-nous alors, dit Solonet, la plus belle fille du monde doit toujours manger plus qu'elle n'a.

Je vais dire deux mots à mon client, reprit le vieux notaire. - Va, va, mon vieux père Cassandre, va dire à ton client que nous n'avons pas un liard, pensa maître Solonet qui dans le silence du cabinet avait stratégiquement disposé ses masses, échelonné ses propositions, élevé les tournants de la discussion, et préparé le point où les parties, croyant tout perdu, se trouveraient devant une heureuse transaction où triompherait sa cliente.

La robe blanche à nœuds roses, les tire-bouchons à la Sévigné, le petit pied de Natalie, ses fins regards, sa jolie main sans cesse occupée à réparer le désordre de boucles qui ne se dérangeaient pas, ce manége d'une jeune fille faisant la roue comme un paon au soleil avait amené Paul au point où le voulait voir sa future bellemère : il était ivre de désirs, et souhaitait sa prétendue comme un lycéen peut désirer une courtisane; ses regards, sûr thermomètre de l'âme, annonçaient ce degré de passion auquel un homme fait mille sottises.

- Natalie est si belle, dit-il à l'oreille de sa belle-mère, que je conçois la frénésie qui nous pousse à payer un plaisir par notre

mort.

Madame Évangélista répondit en hochant la tête : - Paroles d'amoureux! Mon mari ne me disait aucune de ces belles phrases; mais il m'épousa sans fortune, et pendant treize ans il ne m'a jamais causé de chagrins.

Est-ce une leçon que vous me donnez? dit Paul en riant. Vous savez comme je vous aime, cher enfant! dit-elle en lui serrant la main. D'ailleurs, ne faut-il pas vous bien aimer

donner ma Natalie!

pour vous

¿Me donner, me donner, dit la jeune fille en riant et agitant

un écran fait en plumes d'oiseaux indiens. Que dites-vous tout bas?

Je disais, reprit Paul, combien je vous aime, puisque les convenances me défendent de vous exprimer mes désirs.

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-Oh! vous avez trop d'esprit pour ne pas savoir bien monter les joyaux de la flatterie. Voulez-vous que je vous dise mon opinion sur vous?... Eh! bien, je vous trouve plus d'esprit qu'un homme amoureux n'en doit avoir. Être la fleur des pois et rester très spirituel, dit-elle en baissant les yeux, c'est avoir trop d'avantages: un homme devrait opter. Je crains aussi, moi!

- Quoi ?

Ne parlons pas ainsi. Ne trouvez-vous pas, ma mère, que cette conversation est dangereuse quand notre contrat n'est pas encore signé?

- Il va l'être, dit Paul.

Je voudrais bien savoir ce que se disent Achille et Nestor, dit Natalie en indiquant par un regard d'enfantine curiosité la porte d'un petit salon.

Ils parlent de nos enfants, de notre mort et de je ne sais quelles autres frivolités semblables; ils comptent nos écus pour nous dire si nous pourrons toujours avoir cinq chevaux à l'écurie. Ils s'occupent aussi de donations, mais je les ai prévenus.

Comment? dit Natalie.

Ne me suis-je pas déjà donné tout entier ? dit-il en regardant la jeune fille dont la beauté redoubla quand le plaisir causé par cette réponse eut coloré son visage.

Ma mère, comment puis-je reconnaître tant de générosité?

Ma chère enfant, n'as-tu pas toute la vie pour y répondre? Savoir faire le bonheur de chaque jour, n'est-ce pas apporter d'inépuisables trésors? Moi, je n'en avais pas d'autres en dot.

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Aimez-vous Lanstrac? dit Paul à Natalie.

Comment n'aimerais-je pas une chose à vous? dit-elle. Aussi voudrais-je bien voir votre maison.

-Notre maison, dit Paul. Vous voulez savoir si j'ai bien prévu vos goûts, si vous vous y plairez. Madame votre mère a rendu la tâche d'un mari difficile, vous avez toujours été bien heureuse; mais quand l'amour est infini, rien ne lui est impossible.

:..

Chers enfants, dit madame Évangélista, pourrez-vous rester à

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Bordeaux pendant les premiers jours de votre mariage? Si vous vous sentez le courage d'affronter le monde qui vous connaît, vous épie, vous gêne, soit! Mais si vous éprouvez tous deux cette pudeur de sentiment qui enserre l'âme et ne s'exprime pas, nous irons à Paris où la vie d'un jeune ménage se perd dans le torrent. Là seulement vous pourrez être comme deux amants, sans avoir à craindre le ridicule.

- Vous avez raison, ma mère, je n'y pensais point. Mais à peine aurai-je le temps de préparer ma maison. J'écrirai ce soir à de Marsay, celui de mes amis sur lequel je puis compter pour faire marcher les ouvriers.

. Au moment où, semblable aux jeunes gens habitués à satisfaire leurs plaisirs sans calcul préalable, Paul s'engageait inconsidérément dans les dépenses d'un séjour à Paris, maître Mathias entra dans le salon et fit signe à son client de venir lui parler.

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Qu'y a-t-il, mon ami ? dit Paul en se laissant mener dans une embrasure de fenêtre.

- Monsieur le comte, dit le bonhomme, il n'y a pas un sou de dot. Mon avis est de remettre la conférence à un autre jour, afin que vous puissiez prendre un parti convenable.

à part.

Monsieur Paul, dit Natalie, je veux vous dire aussi mon mot

Quoique la contenance de madame Évangélista fût calme, jamais juif du moyen âge ne souffrit dans sa chaudière pleine d'huile bouillante, le martyre qu'elle souffrait dans sa robe de velours violet. Solonet lui avait garanti le mariage, mais elle ignorait les moyens, les conditions du succès, et subissait l'horrible angoisse des alternatives. Elle dut peut-être son triomphe à la désobéissance de sa fille. Natalie avait commenté les paroles de sa mère dont l'inquiétude était visible pour elle. Quand elle vit le succès de sa coquetterie, elle se sentit atteinte au cœur par mille pensées contradictoires. Sans blâmer sa mère, elle fut honteuse à demi de ce manége dont le prix était un gain quelconque. Puis, elle fut prise d'une curiosité jalouse assez concevable. Elle voulut savoir si Paul l'aimait assez pour surmonter les difficultés prévues par sa mère, et que lui dénonçait la figure un peu nuageuse de maître Mathias. Ces sentiments la poussèrent à un mouvement de loyauté qui d'ailleurs la posait bien. La plus noire perfidie n'eût pas été aussi dangereuse que le fut son innocence.

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