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Si la conquête des richesses est pénible et dangereuse, le soin de les conserver et la crainte de les perdre le sont encore plus. Qu'il est triste d'être toujours en sentinelle auprès de son trésor ! La maison de Licinius est entourée de réservoirs (44) ses esclaves sont contraints de veiller pendant les nuits, de crainte que ses colonnes de marbre, ses tables d'ivoire, ses vases d'ambre et tant d'autres effets précieux ne deviennent la proie des flammes. Diogène ne craint point que le feu prenne à son tonneau d'argile: s'il vient à se briser, demain il en retrouve un autre, ou répare le même avec du plomb. Alexandre sentit, à l'aspect de la tonne qu'habitoit ce grand homme (45), combien un mortel sans desirs est plus heureux que celui qui, méditant de subjuguer la terre, se prépare autant de revers qu'il peut obtenir de succès.

Que peut la Fortune si nous sommes prudents? O Fortune! c'est nous qui t'avons déifiée (46). Voulez-vous savoir jusqu'où s'étend le nécessaire? écoutez : Tâchez d'avoir de quoi vous garantir du froid, de la soif et de la faim. Bornez-vous à ce que possédoient gaîment Epicure dans son petit jardin, et Socrate, son devancier, au sein de ses Pénates. Sur ce point la nature est d'accord avec la raison. L'austérité de ces modèles vous paroît-elle trop rigoureuse? puisez dans nos mœurs de quoi la tempérer acquérez la somme en vertu de la

Bis septem ordinibus quam lex dignatur Othonis.
Hæc quoque si rugam trahit, extenditque labellum,
Sume duos equites, fac tertia quadringenta.

Si nondum implevi gremium, si panditur ultra,
Nec Crosi fortuna unquam nec Persica regna
Sufficient animo, nec divitiæ Narcissi,
Indulsit Cæsar cui Claudius omnia, cujus
Paruit imperiis uxorem occidere jussus.

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quelle la loi d'Othon permet de s'asseoir sur l'un des quatorze gradins de l'amphithéâtre (47). Votre front se ride, vous faites la grimace? doublez, triplez cette somme. Si vous n'êtes pas contents, ni les trésors de Crésus, ni ceux des rois de Perse, ni les richesses de Narcisse, à qui le foible Claude accorda tout, jusqu'à lui sacrifier son épouse, ne seroient pas capables d'assouvir votre cupidité.

NOTES

SUR LA SATIRE XIV.

tôt ou

(1) ARGUMENT. Les moeurs, dit Juvenal, dépendent en quelque sorte de l'exemple. Les fils d'un père joueur, cruel, gourmand et prodigue; les filles d'une mère galante, tard leur ressembleront. On ne sauroit donc assez s'observer à l'égard de ses enfants. Par une fatalité trop ordinaire, loin de profiter de la répugnance naturelle qu'ils ont pour l'avarice, on se hâte de leur inspirer de bonne heure l'amour des richesses, dont les progrès ne tardent point à devenir aussi funestes aux maîtres qu'aux éléves.

Cette satire est encore l'une des arrière-pensées de Juvénal. On doit se rappeler qu'il a déjà fait sentir avec énergie le danger des commerces imprudents:

Aspice quid faciant commercia ?

Sat. 11, v. 164.

qu'il a montré combien l'exemple du souverain est contagieux :

Quæ non faciet quod principis uxor?
Sat. VI, V. 617.

Il lui restoit à parler des exemples domestiques, les plus puissants de tous; car ce sont les mobiles secrets des mœurs d'une nation. Que deviennent en effet les bonnes races chez un peuple dont les parents eux-mêmes corrompent les enfants dès le berceau? C'est alors que c'en est fait, sans retour, de la chose publique. Comment régénérer ce peuple

vicié jusque dans les premiers principes de son existence morale? Je n'y sache d'autres remèdes, affreux sans doute, mais nécessaires, que le malheur, la servitude ou l'anarchie. Triste condition des sociétés humaines, parcourant toujours le même cercle en dépit de nos vaines institutions! ne cessant, après bien des vicissitudes, de revenir au même point, c'est-à-dire, à leur primitive barbarie; et cela sans avoir pu trouver ce qu'elles cherchoient depuis l'origine des choses, des mœurs fixes et un bon gouvernement.

Laissons à nos lecteurs le soin, ou plutôt le plaisir d'apprécier cette satire, dont l'importance est assez reconnue. Qu'il suffise qu'elle offre un trait de lumière dont on sera frappé sans en être ébloui : je veux parler de l'une de ces maximes qui partent autant du cœur que de la raison, et retentissent en naissant dans l'univers, comme celle dont il s'agit. Cette sainte maxime, aussi simple que la vérité qu'elle exprime, la voici : « Un enfant, grands dieux! en peut-on » jamais assez respecter l'innocence? »

Maxima debetur puero reverentia.

Vers 47.

Le soleil, disoit Péréfixe, parlant de Henri iv, a des taches quelquefois. Je crois en avoir trouvé une dans la contexture de cette satire complexe. Au reste, le défaut dont il s'agit n'est que de forme. Comme si Juvénal avoit manqué d'haleine ou de matériaux dans un sujet si vaste et si fécond, il y en a péniblement cousu un autre qui fait perdre de vue sa première intention. (Voyez le vers 106, où commence, à l'aide d'une transition forcée, une autre satire dirígée contre l'avarice.) Cette faute, si c'en est une, est facile à corriger. Que l'on fasse une coupure idéale à l'endroit indiqué, que l'on y mette un nouveau titre; au lieu d'une satire on en lira deux très-distinctes, et dignes des précédentes.

(2) Son fils portant encore la bulle, etc. vers 4.] Voyez Tom. II.

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