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Phys20.11

JAN 261885

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AVANT PROPOS

L'établissement d'une physique reposant sur des bases solides est le plus grand fait scientifique des temps modernes. La prévision du chancelier Bacon a été glorieusement justifiée: le pouvoir de l'homme sur la nature s'est accru dans la proportion de son savoir. Les chemins de fer, le télégraphe électrique, et bien d'autres merveilles de l'industrie ne permettent à personne de méconnaître la valeur et l'utilité pratique des travaux de nos physiciens; mais les origines de la physique contemporaine, et les conséquences philosophiques qu'on peut légitimement déduire des découvertes de cette science sont fort souvent ignorées. Le lecteur trouvera dans les pages suivantes des renseignements relatifs à ces deux objets, et la rectification de quelques notions fausses assez généralement répandues. Il y trouvera aussi, si je ne me trompe, la justification des vues émises au sujet de la méthode scientifique, dans mon écrit relatif à la Logique de l'hypothèse.

Le travail dont ce volume est le résultat a été accompli avec l'aide des conseils bienveillants d'Auguste De La Rive. En rappelant les services que m'a rendus ce savant illustre, j'accomplis un devoir de justice et de reconnaissance, sans vouNAVILLE. PHYSIQUE MODERNE.

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loir me décharger, en aucune mesure, des erreurs dans lesquelles j'ai pu tomber.

Je dois aussi, en faisant la même réserve que pour Auguste De La Rive, témoigner ici ma reconnaissance à MM. Édouard Sarasin et Charles Soret qui ont bien voulu m'accorder le secours de leurs lumières.

Genève, 12 novembre 1882.

ERNEST NAVILLE.

PREMIÈRE ÉTUDE

LES CARACTÈRES DE LA PHYSIQUE MODERNE (1)

Le mot physique a reçu dans le cours des temps des significations diverses. Les anciens Grecs ont quelquefois désigné par ce terme toute la science des réalités, par opposition à l'étude des idées abstraites. Ils classaient alors l'ensemble des recherches de l'esprit humain sous trois chefs: la logique ou la science des lois de la pensée; la morale ou la science des règles de l'action; la physique ou la science des êtres. Cette dernière science avait donc pour objet, non-seulement la matière, mais les êtres vivants, les esprits et le principe du monde; elle renfermait notre histoire naturelle, notre psychologie et notre théologie. De nos jours, le mot physique a désigné une étude spéciale, « celle des propriétés générales des corps et des phénomènes qui n'entraînent pas de changements permanents dans leur composition intime », l'étude de ces changements étant renvoyée à la chimie. C'est la définition

1. Une première rédaction de cette étude a été publiée dans la Bibliothèque universelle (Juillet et Août 1872). M. De la Rive, qui du reste avait bien voulu prendre connaissance des parties les plus importantes du manuscrit, a approuvé ce travail. Sa mort, survenue le 27 novembre 1873, ne m'a pas permis d'avoir son opinion sur la manière dont les études suivantes, qui ont été publiées d'abord dans la Revue philosophique, la Revue scientifique et la Bibliothèque universelle, exposent des idées qui avaient fait souvent le sujet de nos entretiens.

donnée par M. Lamé dans son enseignement à l'École polytechnique. Dans la langue actuelle de la science, le mot physique tend à prendre une signification plus étendue. M. Robert Mayer s'en est servi pour désigner « la science entière de la matière inerte (1) ». Le mot a le même sens dans les sciences physiques de la classification d'Ampère, dans le titre des Archives des sciences physiques et naturelles, jointes à la Bibliothèque universelle, et dans le titre de l'ouvrage consacré par M. Émile Saigey à la théorie de l'unité des phénomènes naturels (2). Ainsi conçue, la physique commence à l'apparition de la matière, ce qui la sépare des sciences purement abstraites: la logique et les mathématiques; elle s'arrête à l'apparition de la vie, ce qui la distingue de la botanique et de la zoologie, deux sciences réunies maintenant, par un néologisme heureux, sous le titre de biologie. Elle renferme donc la mécanique, y compris la mécanique céleste, la chimie, la minéralogie, la physique au sens étroit du terme, la météorologie, et la partie de la géologie qui peut se passer de la considération des êtres vivants. Elle est une science auxiliaire pour la biologie, de même que les mathématiques sont une science auxiliaire à son égard. Toutes les sciences qui viennent d'être énumérées forment un groupe naturel, parce qu'elles ont un objet commun : la matière inorganique, et que l'unité des lois qui régissent les phénomènes dont elles s'occupent se manifeste toujours plus à mesure que l'étude fait des progrès. Le mot physique a dans cet écrit le sens général qui vient d'être indiqué.

L'expression de physique moderne n'est pas une désignation stérile, indiquant un état de la science aujourd'hui nouveau, et qui sera vieux demain, relativement à un autre qui deviendra vieux à son tour par rapport à celui qui lui succé

1. Discours au Congrès des naturalistes allemands réuni à Insbruck, en 1869. 2. La Physique moderne, essai sur l'unité des phénomènes naturels. Paris, Germer Baillière, 1867.

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