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cessaire que pour le peuple. La seconde remferme ceux qui admettent la nécessité d'une religion pour tous les hommes, mais qui rejettent la révélation. La troisième enfin, se compose des indifférens mitigés, qui reconnoissent la nécessité d'une religion révélée, mais permettent de nier les vérités qu'elle enseigne, à l'exception de certains articles fondamentaux.

Après quelques réflexions sur chacun de ces systèmes, réflexions qui suffiront pour en montrer l'inconséquence et l'absurdité, nous ferons voir qu'en dernière analyse, ils aboutissent tous au même point, c'est-à-dire à l'indifférence absolue pour la vérité en matière de religion. Nous nous attacherons donc à combattre cette indifférence monstrueuse, en renversant les seuls principes sur lesquels le raisonnement puisse essayer de l'établir; en sorte que tous les indifférens, quelque modification que chacun d'eux juge à propos de mettre à la doctrine générale de l'indifférence, se trouveront réfutés ensemble par ce qui sera dit de cette doctrine, que nous prouverons leur être commune à tous.

Que ceux à qui cet ouvrage est destiné souffrent que je les conjure d'écarter, en le lisant, tout esprit de contention. A quoi sert-il de se tromper soi-même? On ne détruit point la vérité en s'opiniâtrant à la méconnoître; elle n'en reste pas moins ce qu'elle est, et son jour arrive tôt ou tard. En ce jour inévitable, et

déjà près de nous, la vanité d'avoir repoussé la lumière sera de peu de consolation. Recevonsla donc avec joie, de quelque part qu'elle nous vienne. Honorons l'intelligence qui nous a été donnée, en l'élevant jusqu'à la contemplation de la vérité éternelle, infinie. Notre perfection est de la connoître, et notre bonheur est de l'aimer. Créés pour elle et pour l'immortalité, songeons que la vie va nous échapper, nous échapper pour toujours: levons plus haut nos regards; et, voyageurs d'un moment dans des régions étrangères, ne mettons pas un triste orgueil à nous persuader que nous n'avons point de patrie.

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Considérations sur le premier système d'indifférence ou sur la doctrine de ceux qui, ne voyant dans la Religion qu'une institution politique, ne la croient nécessaire que pour le peuple.

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On trouve la Religion près du berceau de tous les peuples, comme on trouve la philosophie près de leur tombeau. Aucun État, dit Rousseau, ne fut fondé que la Religion › ne lui servît de base (1). Et quand la philosophie, récemment, a voulu fonder un Etat sans religion, elle a été forcée de lui donner pour base des ruines; elle a établi le pouvoir sur le droit de le renverser, la propriété sur la spoliation, la sûreté personnelle sur les intérêts sanguinaires de la multitude, les lois sur ses caprices. Cet ordre social philosophique a existé quelques mois, pendant lesquels l'Europe a vu s'accumuler en son sein plus de calamítés et de forfaits que n'en offre l'histoire des dix siècles précédens; et si Dieu n'avoit abrégé ces jours affreux, je ne sais s'il seroit demeuré un être humain vivant, pour recueil

(1) Contrat social, liv. IV, chap. vII.

lir le fruit de la plus terrible leçon qui ait jamais effrayé la terre.

Quoi qu'en aient dit quelques sophistes, il est donc prouvé, par le fait, qu'un peuple athée ne sauroit subsister (*), puisque la seule tentative de substituer l'athéisme à la Religion, a bouleversé de fond en comble la société en France. Aussi l'opinion contraire, avancée d'abord comme un simple paradoxe, par des hommes d'une imagination déréglée, n'at-elle pu devenir une croyance que pour un petit nombre d'insensés, non moins dépourvus de lumières que pleins d'orgueil, et si profondément pervertis, qu'en eux chaque pensée étoit un crime.

Dans tous les temps, on a senti que la Religlon étoit l'unique fondement des devoirs, comme, à leur tour, les devoirs sont l'unique lien de la société. Rien ne peut suppléer la

(*) L'athée Diderot, appréciateur non suspect de sa propre doctrine, convient de ceci ; et son aveu a d'autant plus de poids, qu'il est consigné dans une correspondance qui, n'étant point destinée à voir le jour, doit représenter plus fidèlement que ses autres ouvrages les véritables sentimens, de l'auteur. Voici ses paroles: « On a dit quelquefois qu'un peuple chrétien, » tel qu'il doit être suivant l'esprit de l'Evangile, ne » sauroit subsister. Cela seroit bien plus vrai d'un peuple philosophe, s'il étoit possible d'en former un; il trouveroit sa perte, au sortir du berceau, dans le » vice de sa constitution. » Correspondance littéraire, etc., par Grimm et Diderot, t. I, pag. 492.

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conscience, qui elle-même supplée tout. On a beau parler aux hommes de bien public d'intérêt général, l'intérêt particulier sera constamment leur mobile; et la puissance même de la Religion consiste en ce qu'elle montre à chacun un intérêt immense à concourir au bien général. Il ne faut que du bon sens pour voir cela. Les législateurs de l'antiquité ne s'y méprirent point; au lieu de raisonner follement contre la Religion, ils s'en servirent pour consolider l'édifice social; ils la placèrent partout, dans la famille, près des foyers domestiques, et dans l'Etat, comme partie de la constitution et du gouvernement. Ils firent descendre les lois du ciel, et attachérent, par l'opinion, quelque chose de divin à tous les événemens de la vie humaine, à toutes les institutions civiles, aux objets inanimés même, aux bois, aux fleuves, aux pierres destinées à séparer les héritages; et, si l'on y regarde de près, on se convaincra que le paganisme ne multiplia les dieux à l'infini, qu'à cause du besoin infini que l'homme a de la Divinité.

Quand les mœurs se corrompirent, quand la raison commença d'examiner ses croyances avec aversion, il lui fut aisé sans doute de reconnoître la fausseté du polythéisme; mais ce n'étoit pas ce qu'il y avoit de faux dans la Religion, qui contrarioit les penchans du cœur, et par conséquent excitoit sa haine : aussi la philosophie, laissant l'idolâtrie en paix, dirigea principalement ses attaques contre

Essal. TOME 1.

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