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me l'on fait, confidérablement plus grande fous cette zone torride que dans tous les autres climats; & c'eft de la fomme de ces deux chaleurs toujours réunies, qu'eft compofée la chaleur locale de chaque région : les terres fous Péquateur jufqu'aux deux tropiques, fouffrent par ces deux caufes un excès de chaleur qui influe non-feulement fur la nature des animaux, des végétaux & de tous les êtres organifés, mais agit même fur les matières brutes, particulièrement fur la terre végétale qui eft la couche la plus extérieure du globe; auffi les diamans, rubis, topazes & faphirs ne fe trouvent qu'à la furface ou à de très-petites profondeurs dans le terrein de ces climats très-chauds: il ne s'en rencontre dans aucune autre région de la terre. Le feul exemple contraire à cette exclufion générale, eft le faphîr du Puy-en-Velai, qui eft fpécifiquement aufli & même un peu plus pefant que le faphir d'Orient (d): & qui prend, dit-on, un auffi beau poli; mais j'ignore s'il n'a de même qu'une fimple réfraction, & par conféquent fi l'on doit l'admettre au rang des vraies pierres précieuses, dont la plus brillante propriété eft de réfracter puiffamment la lumière & d'en offrir les couleurs dans toute leur intenfité; la double réfraction décolore les objets & diminue par conféquent plus ou moins cette intenfité dans les couleurs, & dès-lors toutes les matières tranfparentes qui donnent une double réfraction, ne peuvent avoir autant d'éclat que les pierres précieufes dont la fubftance ainfi que la réfraction font fimples.

Car il faut diftinguer dans la lumière réfracté par les corps tranfparens, deux effets différens, celui de la réfraction & celui de la difperfion de cette méme lumière; ces deux effets ne fuivent pas la même loi, & paroiffent même être en raifon inverfe l'un à l'autre: car la plus petite réfraction se trouve accompagnée de la plus grande difperfion, tandis que la plus grande réfraction ne donne que la plus petite difperfion. Le jeu des couleurs qui provient de cette difperfion de la lumière eft plus varié dans les ftras, verres de plomb ou d'antimoine, que dans le diamant; mais ces couleurs des ftras n'ont que trés-peu d'intensité en comparaifon de celles qui font produites par la réfraction du diamant.

La puiffance réfractive eft beaucoup plus grande dans le diamant que dans aucun autre corps tranfparent: avec des prifmes dont l'angle eft de 20 degrés, la réfraction du verre blanc eft d'environ 10; celle du flint-glaff de 114; celle du cristal de roche n'eft tout au plus que de 10; celle du fpath d'Llande d'environ 11; celle du péridot de 11; tandis que la réfraction du faphir d'Orient eft entre 14 & 15; & que celle du diamant eft au moins de 30. M. l'abbé Rochon qui a fait ces obfervations, préfume que la réfraction du rubis & de la topaze d'Orient, eft auffi entre 14 & 15, comme celle du faphir; mais il me femble que ces deux premières pierres ayant plus d'éclat que la derniére, on peut penfer qu'elles ont auffi une réfraction plus forte & un peu moins éloignée de celle du diamant: cette grande force de réfraction produit la vivacité, ou pour mieux dire la forte intenfité des couleurs dans le spectre du diamant, & c'eft précisément parce que ces couleurs

(d) La pefanteur fpécifique du faphir d'Orient bleu, eft de 39941; du faphir d'Orient blanc; de 39911; & la pefanteur fpécifique du faphir du Puy, eft de 40769. Tables de M. Brisson.

confervent toute leur intenfité que leur difperfion eft moindre. Le fait con firme ici la théori, car il eft aifé de s'affurer que la difperfion de la lu mière eft bien plus petite dans le diamant que dans aucune autre matière tranfparente.

Le diamant, les pierres précieufes & toutes les fubftances inflammables ont plus de puiffance réfractive que les autres corps tranfparens, parce qu'elles ont plus d'affinité avec la lumière, & par la même raifon il y a moins de difperfion dans leur réfraction, puifque leur plus grande affinité avec la lumiére doit en réunir les rayons de plus près. Le verre d'antimoine peut ici nous fervir d'exemple; fa réfraction n'eft que d'environ 11, tandis que fa difperfion eft encore plus grande que celle du ftras ou d'aucune autre matière connue, en forte qu'on pourroit égaler & peut-être furpasfer le diamant pour le jeu des couleurs avec le verre d'antimoine, mais ces couleurs ne feroient que des bluettes encore plus foibles que celles do fras ou verre de plomb, & d'ailleurs ce verre d'antimoine, est trop tendre pour pouvoir conferver long-temps fon poli.

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Cette homogénéité dans la fubftance du diamant & des pierres précieuses, qui nous eft démontrée par leur réfraction toujours fimple, cette grande denfité que nous leur connoiffons par la comparaifon de leurs poids fpécifiques; enfin leur très-grande dureté qui nous eft également démontrée par leur réfistance au frottement de la lime, font des propriétés effentielles qui nous préfentent des caractères tirés de la Nature, & qui font bien plus certains que tous ceux par lefquels on a voulu défigner & diftinguer ces pierres : ils nous indiquent leur effence, & nous démontrent en même temps qu'elles ne peuvent provenir des matières vitreufes, calcaires ou métalliques, & qu'il ne refte que la terre végétale ou limoneufe dont le diamant & les vraies pierres précieuses aient pu tirer leur origine. Cette préfomption très-bien fondée acquerra le titre de vérité lorsqu'on réfléchira fur deux faits généraux également certains; le premier, que. ces pierres ne fe, trouvent que dans les climats les plus chauds, & que cet excès de chaleur eft par conféquent néceffaire à leur formation; le fecond, qu'on ne les rencontre qu'à la furface ou dans la première couche de la terre & dans le fable des rivières, où elles ne font qu'en petites maffes ifolées, & fouvent recouvertes d'une terre limoneufe ou bolaire, mais jamais attachées aux rochers, comme le font les criftaux des autres pierres vitreufes ou calcaires..

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D'autres faits particuliers viendront à l'appui de ces faits généraux, & l'on ne pourra guère fe refufer à croire que les diamans & autres pierres précieufes ne foient en effet des produits de la terre limoneufe, qui, confervant plus qu'aucune autre matière la fubftance du feu des corps organifés dont elle récueille les détrimens, doit produire & produit réellement par-tout des concrétions combuftibles & phofphoriques, telles que les pyrites, 1.s fpaths pefans,. & peut par conféquent former des diamans également phofphoriques & combuftibles dans les lieux où le feu fixe contenu dans cette terre, eft encore: aidé par la plus grande chaleur du globe & du foleil.

Pour répondre d'avance aux objections qu'on pourroit faire contre cette opinion, nous conviendrons volontiers que ces faphirs trouvés au Puy en Vê

Tay, dont la denfité eft égale & celle du faphir d'Orient, femblent prouver qu'il fe rencontre au moins quelqu'une des pierres que j'appelle précieufes, dans les climats tempérés; mais ne devons-nous pas en même temps obferver que quand il y a eu des volcans dans cette région tempérée, le terrein peut en être pendant long-temps auffi chaud que celui des régions du midi: le Vélay en particulier eft un terrein volcanifé, & je ne fuis pas éloigné de penfer qu'il peut fe former dans ces terreins, par leur excès de chaleur, des pierres précieufes de la même qualité que celles qui fe forment par le même excès de chaleur dans les climats voifins de l'équateur, pourvu néanmoins que cet excès de chaleur dans les terreins volcanifés foit conftant, ou du moins affez durable & affez uniformément foutenu pour donner le temps néceffaire à la formation de ces pierres en général, leur dureté nous indique que leur formation exige beaucoup de temps, & les terres volcanifées ne confervent pas leur excès de chaleur pendant plufieurs fiècles, il ne doit pas s'y former des diamans, qui de toutes les pierres font les plus dures, tandis qu'il peut s'y former des pierres tranfparentes moins dures. Ce n'eft donc que dans le cas très-particulier où la terre végétale conferveroit cet excès de chaleur pendant une longue fuite de temps, qu'elle pourroit produire ces ftalactites précieufes dans un climat tempéré ou froid, & ce cas eft infiniment rare, & ne s'eft jufqu'ici préfenté qu'avec le faphir du Puy.

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On pourra me faire une autre objection; d'après votre fyftème, me dira-ton, toutes les parties du globe ont joui de la même chaleur dont jouiffent aujourd'hui les régions voifines de l'équateur, il a donc dû fe former des diamans & autres pierres précieufes dans toutes les régions de la terre, & l'on devroit y trouver quelques-unes de ces anciennes pierres, qui par leur effence réfiftent aux injures de tous les élémens; néanmoins on n'a nulle part, de temps immémorial, ni vu ni rencontré un feul diamant dans aucune des contrées froides ou tempérées: je réponds en convenant qu'il a dû se former en effet des diamans dans toutes les régions du globe lorfqu'elles jouiffoient de la chaleur néceffaire à cette production; mais comme ils ne fe trouvent que dans la première couche de la terre & jamais à de grandes profondeurs, il eft plus que probable que les diamans & les autres pierres précieuses ont été fucceffivement recueillies par les hommes, de la même manière qu'ils ont recueilli les pépites d'or & d'argent, & même les blocs du cuivre primitif, lesquels ne fe trouvent plus dans les pays habités, parce que toutes ces matières brillantes ou utiles ont été recherchées ou confommées par les anciens habitans de ces mêmes con rées.

Mais ces objections & les doutes qu'elles pourroient faire naître, doivent également difparoître à la vue des faits & des raifons qui démontrent que les diamans, les rubis, topazes & faphirs ne fe trouvent qu'entre les tropiques, dans la première & la plus chaude couche de la terre, & que ces mêmes pierres étant d'une denfité plus grande & d'une effence plus fimple que toutes les au tres pierres transparentes vitreufes ou calcaires, on ne peut leur donner d'autre origine, d'autre matrice que la terre limoneufe, qui raffemblant les débris des autres matières, & n'étant principalement comme pofée que du détriment des êtres organifés, a pu former des corps pleins de feu, tels que les pyrites

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les fpaths pefans, les diamans & autres concrétions phofphoriques, brillantes & précieufes: & ce qui vient victorieufement à l'appui de cette vérité, c'est le fait bien avéré du phosphorifme & de la combuftion du diamant: toute matière combuftible ne provient que des corps organifés ou de leurs détrimens, & dès-lors le diamant qui s'imbibe de lumière, & qu'on a été forcé de mettre au nombre des fubftances combuftibles, ne peut provenir que de la terre végétale, qui feule contient les débris combuftibles des corps organifés.

Javoue que la terre végétale & limoneufe eft encore plus impure & moins fimple que les matières vitreufes, calcaires & métalliques; j'avoue qu'elle eft le réceptacle général & commun des pouffières de l'air, de l'égoût des eaux, & de tous les détrimens des métaux & des autres matières dont nous faifons ufage: mais le fond principal qui conftitue fon- effence, n'eft ni métallique, ni vitreux ni calcaire, il eft plutôt igné; c'est le réfidu, ce font les détrimens des animaux & des végétaux dont la fubftance eft fpécialement compofée: elle contient donc plus de feu fixe qu'aucune autre matière; les bitumes, les huiles, les graiffes, toutes les parties des animaux & des végétaux qui fe font converties en tourbe, en charbon, en limon, font combuftibles, parce qu'elles proviennent des corps organifés: le diamant, qui de même eft combuftible, ne peut donc provenir que de cette même terre végétale d'abord animé de fon propre feu, & enfuite aidée d'un furplus de chaleur qui n'existe actuellement que dans les terres de la zone torride.

Les diamans, le rubis, la topaze & le faphir font les feules vraies pierres précieuses, puifque leur fubftance eft parfaitement homogène, & qu'elles font en même temps plus dures & plus denfes que toutes les autres pierres transparentes, elles feules, par toutes ces qualités réunies, méritent cette dénomination: elles ne peuvent provenir des matières vitreufes, & encore moins des fubftances calcaires ou métalliques, d'où l'on doit conclure par exclufion & indépendamment de toutes nos preuves pofitives, qu'elles ne doivent leur origine qu'à la terre limoneufe, puifque toutes les autres matières n'ont pu les produire.

J'AI

DIAMANT.

'AI cru pouvoir avancer & même affurer quelque temps avant qu'on en eût fait l'épreuve (a), que le diamant étoit une fubftance combuftible; ma préfomption étoit fondée fur ce qu'il n'y a que les matières inflammables qui donnent une réfraction plus forte que les autres relativement à leur denfité refpective: la réfraction de l'eau, du verre & des autres matières tranfparentes folides ou liquides, eft toujours, & dans toutes, proportionnelle à leur denfité; tandis que dans le diamant, les huiles, l'efprit-de-vin, & les autres fubftances

(•) Supplément à l'Hiftoire Naturelle, tame I, article de la Lumière, de la Chaleur & du For

folides ou liquides qui font inflammables ou combuftibles, la réfraction est toujours beaucoup plus grande relativement à leur denfité. Mon opinion, au fujet de la nature du diamant, quoique fondée fur une analogie auffi démonftrative, a été contredite jufqu'à ce que l'on ait vu le diamant brûler & fe confumer en entier au foyer du miroir ardent: la main n'a donc fait ici que confirmer ce que la vue de l'efprit avoit aperçu, & ceux qui ne croient que ce qu'ils voient, feront dorénavant convaincus qu'on peut deviner les faits par l'analogie, & que le diamant, comme toutes les autres matières tranfparentes, folides ou liquides, dont la réfraction eft relativement à leur densité plus grande qu'elle ne doit être, font réellement des fubstances inflammables ou combuftibles.

En confidérant ces rapports de la réfraction & de la denfité, nous verrons que la réfraction de l'air, qui de toutes eft la moindre, ne laiffe pas que d'être trop grande relativement à la denfité de cet élément, & cet excès ne peut provenir que de la quantité de matière combuftible qui s'y trouve mêlée, & à laquelle on a donné dans ces derniers temps la dénomination d'air inflammable; c'eft en effet cette portion de fubftance inflammable mêlée dans l'air de l'atmosphère, qui lui donne cette réfraction plus forte relativement à fa denfité: c'eft auffi cet air inflammable qui produit fouvent dans l'atmosphère des phénomènes de feu. On peut employer cet air inflammable pour rendre nos feux plus actifs, & quoiqu'il ne réfide qu'en très-petite quantité dans l'air atmofphérique, cette petite quantité fuffit pour que la réfraction en foit plus grande qu'elle ne le feroit fi l'atmofphère étoit privée de cette portion de matière combuftible.

On a d'abord cru que le diamant expofé à l'action d'un feu violent fe diffipoit & fe volatilifoit fans fouffrir une combuftion réelle; mais des expériences bien faites & très-multipliées, ont démontré que ce n'eft pas en fe difperfant ou fe volatilifant, mais en brûlant comme toute autre matière inflammable, que le diamant fe détruit au feu libre & animé par le contact de l'air (b).

On n'a pas fait fur le rubis, la topaze & le faphir autant d'épreuves que fur les diamans: ces pierres doivent être moins combuftibles, puifque leur réfraction eft moins forte que celle du diamant, quoique relativement à leur denfité cette réfraction foit plus grande, comme dans les autres corps inflam mables ou combuftibles; & en effet, on a brûlé le rubis au foyer du miroir ardent on ne peut guère douter que la topaze & le faphir qui font de la

(b) J'ai compofé en 1770, le premier volume de mes Supplémens; comme je ne m'occupois pas alors de l'Hiftoire Naturelle des pierres, & que je n'avois pas fait de recherches hiftoriques fur cet objet, j'ignorois que dès le temps de Boyle on avoit fait en Angleterre, des expériences fur la combuftion du diamant, & qu'enfuite on les avoit répétées avec fuccès en Italie & en Allemagne: mais Mrs. Macquer, Darcet & quelques autres favans Chimiftes qui doutoient encore du fait, s'en font convaincus Mrs. de Lavoifier, Cadet & Mitouard ont donné fur ce fujet un très-bon Mémoire en 1772, dans lequel on verra que des diamans de toutes couleurs, mis dans un vaiffeau parfaitement clos, ne fouffrent aucune perte ni diminution de poids, ní par conféquent aucun effet de la combuftion, quoique le vaiffeau qui les renferme, tut exposé à l'action du feu le plus violent; ainfi le diamant ne fe décompofe ni ne se vo latilise en vaiffeaux clos, & il faut l'action de l'air libre pour opérer fa combustion.

Mémoires de Mrs. Lavoifier & Cadet. Académie des Sciences, année 1772.

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