très-oppo concluant, il le feroit tout au plus en faveur des genies qui ont fait ces découvertes. Car de ce qu'un Allemand aura trouvé quelque chofe de nouveau dans la Nature, ou qu'un Anglois aura mieux éclairci quelque point d'anatomie qu'on n'avoit fait avant lui, il ne s'enfuit pas de-là que moi j'en doive être meilleur Poëte. De plus tout ce qui regarde la Phyfique peut & doit même nécesfairement fe perfectionner dans le cours des fiecles. Mais d'imagination & le genie, les feuls Maîtres de la Poéfie, ne font point du reffort des temps. Rien n'eft même fi contraire à la Poéfie que ces fortes d'appli cations, dont ces découvertes Phyfique font le fruit, & j'ofe affûrer fée à la que plus un fiecle fera phyfiFoéfie. cien, plus il fera éloigné de la Poéfie. Sur ma parole, ceux i dont on vante tant les nouvelles dé découvertes, auroient été de fort méchans Poëtes. peut fub l'admira inoGe qu'il y a de fingulier, c'eft L'émulaqu'en nous défendant cette ad- tion ne miration, on nous recomman-fier fans de l'émulation, comme fi l'é- tion. mulation pouvoit fubfifter fans l'admiration. Il me femble que P'on ne fe propofe d'imiter & de furpaffer, que ce que l'on re-garde comme digné de louange, & que l'on admire par conféquent. Mais, dit-on, nous nous renfermons dans la poffibilité. Eftce s'y renfermer que d'affurer que les temps d'Homere & de Virgile, de Pindare & d'Horace étoient l'aurore de la Poéfie & que le nôtre en eft le grand jour ? Cette défaite est même très-inutile. Qui eft l'infenfé qui ait jamais douté que Dieu puiffe créer des hommes plus excellens que ceux qu'il a faits? Et pour prouver qu'il le peut, eft e 4 route fût bonne & fûre, nous deviendrions Orateurs & Poëtes fort aisément; car qu'y a-til de plus facile que de préfumer beaucoup de foi-même, & de ne point admirer ce qui eft le plus digne d'admiration? Les plus petits esprits en font les plus capables; mais je crains fort qu'elle ne foit très-mauvaife & très-dangereufe. Il me femble même qu'un de nos plus excellens Poëtes modernes, &. de ceux qui ont le plus admiré & imité les anciens, l'a affez décriée. Moliere dans fa Princeffe d'Elide introduit une espece de fou qu'il nomme Moron, qui fe plaint de ce qu'il ne fait pas chanter. Morbleu, que n'aije de la voix ! Ah, Nature marâtre, pourquoi ne m'as-tu pas donné de quoi chanter comme à un autre? Un moment après il reconnoît l'injustice de fes fes plaintes, & fait ces folides réflexions: Mais, pourquoi eftce que je ne puis pas chanter? N'ai-je pas un eftomac,un gofier & une langue comme un autre ? Oui, oui, allons, je veux chanter, il n'y a qu'à avoir de la hardieffe. phy C'est précisément le même langage que ces modernes tiennent aujourd'hui, & pour en établir la verité, voici les belles preuves dont ils l'accompagnent. Ils citent les belles dé- Les découcouvertes que les derniers fie-fiques des cles ont faites. On a inventé derniers la bouffole; on a trouvé les Lu- inutiles nettes d'approche, qui devoi-prouver la lent le firmament à nos regards rochie curieux; on a démêlé le laby-moderne. rinthe que le fang fait dans le corps; donc nous pouvons être plus grands Poëtes que les an ciens. La conféquence ne me paroît pas bien juste. Si cela étoit e 3 con ficcles, beauté de eft-il néceffaire de recourir aux nouvelles découvertes? I ne s'agit point du tout de ce qui eft poffible, il s'agit de ce qui eft: c'eft une question purement de fait. Ceux qui admirent les anciens, croyent que dans le moderne il n'y a ni Orateur qui égale Ciceron ou Demosthene; ni Poëte qui approche d'Homere, de Virgile, de Pindare, d'Horace, de Theocrite, & des autres grands Poëtes de l'antiquité. On n'efti Je dis des autres grands Poëme pas tes, car les partisans des anciens n'eftiment les Poë tes an ciens, parce pas les Poëtes, parcequ'ils font anciens; mais par qu'ils font cequ'ils font bons. Et la preuve anciens. de cela eft qu'ils n'eftiment pas tous les anciens, ils n'eftiment que ceux, qui avec l'admiration de leur temps, ont remporté les fuffrages de tous les fie cles. Lycophron, Apollonius de |