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lyse, elle écartera tout soupçon d'infidélité de ma part.

Montrons d'abord en quoi les principes de Rousseau diffèrent des principes des philosophes réfutés dans les chapitres précédens. Ce rapprochement aidera le lecteur à se former des uns et des autres une idée nette et précise.

Le système des indifférens politiques renferme l'athéisme, et renverse tous les devoirs et toutes les espérances de l'homme. Rousseau regarde l'existence de Dieu, la spiritualité de l'âme, l'existence d'une vie future, comme autant de dogmes sacrés et de vérités incontestables. Il s'indigne qu'on ose les ébranler. « Fuyez, dit-il, fuyez ceux qui, sous prétexte d'expliquer la nature, sèment dans les >> cœurs des hommes de désolantes doctrines, et » dont le scepticisme apparent est cent fois plus » affirmatif et plus dogmatique que le ton décidé » de leurs adversaires. Sous le hautain prétexte

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qu'eux seuls sont éclairés, vrais, de bonne foi, >> ils nous soumettent impérieusement à leurs dé»cisions tranchantes, et prétendent nous donner » pour les vrais principes des choses, les inintelligibles systèmes qu'ils ont bâtis dans leur imadétruisant gination. Du reste, renversant, » foulant aux pieds tout ce que les hommes res» pectent, ils ôtent aux aifflgés la dernière conso» lation de leur misère, aux puissans et aux riches » le seul frein de leurs passions; ils arrachent du fond des cœurs le remords du crime, l'espoir de

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» la vertu, et se vantent encore d'être les bienfai»teurs du genre humain. Jamais, disent-ils, la » vérité n'est nuisible aux hommes : je le crois » comme eux, et c'est, à mon avis, une grande » preuve que ce qu'ils enseignent n'est pas la vé» rité (1).

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Selon les indifférens politiques, la Religion et la morale sont des institutions humaines. Rousseau soutient que « les vrais devoirs sont indépen>> dans des institutions des hommes......., » et que » sans la foi, nulle véritable vertu n'existe (2): » et comme la vertu est de devoir pour l'homme, il admet qu'il y a « des dogmes que tout homme est obligé de croire (3): » proposition directement opposée au principe que la Religion n'est nécessaire qu'au peuple.

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Rousseau rejette donc le système entier des indifférens politiques. Il le juge, comme je l'ai jugé, tout ensemble faux et nuisible, et nuisible parce qu'il est faux; ce qui suppose qu'en matière de doctrine, la vérité est inséparable de l'utilité, ou, en d'autres termes, que toute doctrine avantageuse au genre humain, et, à plus forte raison, toute doctrine nécessaire, est une doctrine vraie.

(1) Emile, tom. III, pag. 197, édit. de la Haye, 1762.

(2) Ibib., pag. 196, 197.
(3) Ibid., pag. 187.

Je prie le lecteur de se souvenir de cette observa tion.

Jusqu'ici Rousseau n'est que l'organe de la tradition universelle. Sa raison est d'accord avec la raison de tous les peuples, d'accord avec l'expérience, d'accord avec toutes les autorités dignes d'être produites dans une si grande question; et, comme il arrive toujours lorsqu'on suit de pareils guides, fort de l'excellence de sa cause et de l'assentiment des âges, la vérité prend sous sa plume un tel caractère d'évidence, qu'on n'a pas même essayé de répondre à ses argumens.

Mais sitôt qu'il commence à n'écouter que son propre esprit, et que, resserré entre le Christianisme où le conduisent ses principes, et les doctrines désolantes qu'il a réfutées si éloquemment, il tâche de se frayer une route chimérique qui n'aboutisse à aucun de ces deux termes extrêmes; ses idées se troublent, et, s'égarant de sophisme en sophisme, il tombe presque à chaque pas dans de grossières inconséquences, que toutes les subtilités d'une adroite dialectique ne sauroient parvenir à déguiser.

On a vu qu'il convient de la nécessité d'une Religion pour tous les hommes. Or, cela posé, que reste-t-il, qu'à se décider entre les diverses Religions, après un examen suffisant pour déterminer un choix que la sagesse puisse avouer? Mais c'est positivement ce que Rousseau ne veut pas. « Si

» l'on s'égare, dit-il, on s'ôte une grande excuse » au tribunal du souverain Juge. Ne pardonnera>> t-il pas plutôt l'erreur où l'on fut nourri, que >> celle qu'on osa choisir soi-même (1)? »

Ou ce discours n'a aucun sens, ou l'auteur suppose qu'il existe une Religion véritable; car s'il n'en existoit point, où seroit le danger de s'égarer en la cherchant? S'égarer, c'est s'éloigner du but où l'on tend; or, si ce but est imaginaire, comment concevoir qu'on s'en éloigne? S'éloigne-t-on de ce qui n'est pas? Observez d'ailleurs que Rousseau avoue qu'en matière de Religion, l'erreur peut être criminelle aux yeux du souverain Juge; il faut donc qu'il avoue aussi qu'il existe une Religion vraie; car, s'il n'y avoit point de vérité, l'erreur seroit inévitable, et une erreur inévitable n'a besoin ni d'excuse ni de pardon.

De plus, deux doctrines contraires ne pouvant être vraies en même temps, dès qu'il existe une vraie Religion, il ne peut en exister qu'une, et Jean-Jacques l'avoue en termes formels : « Parmi » tant de Religions diverses qui se proscrivent et » s'excluent mutuellement, une seule est la bonne, » si tant est qu'une le soit (2). » Toutes les Reli-gions, hors une, sont donc fausses nécessairement; toutes les Religions, hors une, sont donc nuisibles, selon Rousseau, dont j'ai cité plus haut les paroles.

(1) Emile, tom. III, pag. 196.

(2) Ibid., pag. 158.

Or, des Religions nuisibles ne sont certainement pas nécessaires à l'homme : si donc une Religion est nécessaire, comme le soutient Rousseau, ce ne peut être que la seule Religion véritable. Par cela même qu'elle est la seule vraie, elle est la seule bonne, la seule nécessaire, la seule qui vienne de Dieu. Or est-il croyable qu'en imposant aux hommes le devoir de la suivre, il leur ait refusé les moyens de la discerner? Cela répugne, et néanmoins il faut que Rousseau le dise, ou qu'il abandonne ses maximes; et il ne peut le dire sans tomber, comme on vient de le voir, dans de palpables contradictions.

Pour sortir d'embarras, il se jette dans des contradictions nouvelles. Il résulte de ses aveux, qu'il y a une vraie Religion, et qu'il n'y en a qu'une: la conséquence, c'est que tous les hommes sont tenus de l'embrasser. Mais cette conséquence le meneroit directement au Christianisme, qu'il s'efforce de renverser. Que fait-il donc? Il prétend qu'on ne sauroit discerner la vraie Religion. Et comme il reconnoît d'ailleurs la nécessité d'une Religion pour tous les hommes, il conseille à chacun de suivre celle où il est né. Dans l'impuissance réelle de découvrir la véritable, ce seroit sans doute le plus sage parti, pourvu qu'elles remplissent toutes l'objet pour lequel Rousseau les juge nécessaires. Or l'erreur étant, selon lui, essentiellement nuisible, cet objet ne pourroit être rempli par des Religions fausses. Il est donc contraint de

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