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teur n'a-t-il pas sagement fait d'exclure d'abord la raison de son système?

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Autre contradiction. Après un magnifique éloge de l'Evangile, il ajoute : « Avec tout cela, ce même Evangile est plein de choses incroyables, de » choses qui répugnent à la raison, et qu'il est impossible à tout homme sensé de concevoir ni d'admettre (1). » Cela vous semble positif? Attendez un peu; oh yous dira que « le Christianisme, non pas celui d'aujourd'hui, mais celui de l'Evangile........ est une Religion sainte, su» blime, véritable (2). » Ainsi le Christianisme est une Religion sainte, sublime, et il est impossible à tout homme sensé de l'admettre; le Christianisme répugne à la raison, et le Christianisme est une Religion véritable. Dociles admirateurs de cet inconséquent sophiste, que vous avez bonne grâce à reprocher aux chrétiens leur obéissante foi! Le Christianisme, examiné soigneusement, leur paroît, comme à votre maître, une Religion véritable, et ils y croient: pauvres gens que les préjugés aveuglent au point de ne pas voir qu'il est impossible à tout homme sensé d'admettre cette Religion sainte, sublime, véritable, attendu qu'elle répugne à la raison!

Au reste, le système d'indifférence adopté par J.-J. Rousseau ne lui appartient pas même en

(1) Emile, tom. III, pag. 187. (2) Contrat social, pag. 194.

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propre. Jusque dans ses contradictions, il n'est que le copiste de Chubb et des autres déistes anglais. Celui-ci reconnoît «< qu'on ne peut expliquer » l'établissement du Christianisme, qu'en admet» tant la vérité du récit évangélique; que le minis>>tère de Jésus-Christ et le pouvoir qu'il déploya, » ayant, au moins en général, été favorables » au bien public, il est vraisemblable que Dieu » étoit le premier agent de ce pouvoir, et en dirigeoit l'exercice. » Et après quelques autres réflexions de même nature, il ajoute : « Il suit de là, ce me semble, qu'il est probable que Jésus» Christ avoit une mission divine (1)»; ce qui pourtant n'empêche pas Chubb de penser qu'il y a aussi des motifs plausibles d'attribuer à la Religion de Mahomet un caractère divin (2). Qu'on rapproche ces passages de celui où Rousseau parle ainsi des fondateurs des différens cultes : « Ils se » sont dits les envoyés de Dieu ; cela peut être et » n'être pas: >> on conviendra que l'identité de principes est parfaite. La conséquence est semblable aussi, car, selon l'auteur anglais : « Passer du Ma» hométisme au Christianisme, ou du Christia»nisme au Mahométisme, c'est uniquement aban» donner une forme extérieure de Religion pour une autre forme; démarche qui n'offre pas plus

(1) Voyez Chubb's posthumous Works, vol. II, pag.

41, 42, 43.

(2) Ibid., pag. 40.

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d'avantage réel, qu'il n'y en a pour un homme » à changer la couleur de ses vêtemens, en quit>> tant, par exemple, un habit bleu pour en pren» dre un rouge (1); » et ce que Chubb dit ici des Mahométans, il le dit également des Païens (2) qui embrassèrent le Christianisme à son origine. L'indifférence absolue des Religions est donc le fondement de ce système, cent fois plus injurieux à la Divinité que l'athéisme, et plus humiliant pour l'homme, à qui l'on ose dire: « Etre borné, » imbécile mortel, incapable de découvrir la vérité, d'où te vient l'inexcusable présomption de » chercher à la connoître? Qu'elle existe ou non, » que t'importe? Elle n'existe pas pour toi. Ton devoir est d'obéir aveuglément à tous les fourbes quí se diront envoyés de Dieu. Quelque erreur qu'ils enseignent, tu dois l'aimer; quelque culte qu'ils établissent, tu dois le pratiquer sincère» ment. Le sort t'a-t-il fait naître dans une contrée païenne? adore les Dieux de ton pays, sacrifie » à Jupiter, à Mars, à Priape, à Vénus; initie pieusement tes filles aux mystères de la bonne » déesse. Tu rendras, en Egypte, les honneurs >> divins aux crocodiles sacrés et au boeuf Apis; >> chez les Phéniciens, tu offriras tes enfans à Mo» loch; au Mexique, tu prendras les armes pour

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(1) Voyez Chubb's posthumous Works, vol. II, pag. 33, 34.

(4) Ibid., pag. 33.

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conquérir des victimes humaines à l'affreuse » idole qu'on y révère; ailleurs, tu te prosterneras >> humblement devant un tronc d'arbre, devant » des pierres, des plantes, des débris d'animaux, » restes impurs de la mort. As-tu vu le jour à Constantinople? répète du fond du cœur: Dieu » est Dieu, et Mahomet est son prophète! A Rome, » tu mépriseras ce même Mahomet comme un im» posteur. Toutes ces Religions et mille autres, » sont autant d'institutions salutaires qui ont leur raison dans le climat, dans le gouverne» ment, dans le génie du peuple, ou dans quelque » autre cause locale qui rend l'une préférable à » l'autre. Voilà l'unique différence; et, sans se >> tourmenter pour choisir, le sage s'en tient à » celle que le hasard lui a donnée. »

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Telle est, dans sa simplicité, la doctrine de Jean-Jacques; car la seule restriction qu'il y apporte est visiblement chimérique. « Le devoir de » suivre et d'aimer la Religion de son pays ne s'é» tend pas, dit-il, jusqu'aux dogmes contraires à

la bonne morale. » Fort bien; mais quels sont les peuples qui, en obéissant à leurs lois religieuses, s'imaginent blesser les devoirs de la bonne morale? Au contraire, en violant ces lois, ils croiroient commettre un crime et s'attirer le courroux du ciel. Lorsque les disciples de Mahomet parcouroient l'Asie, tenant d'une main le cimeterre et de l'autre l'Alcoran, pense-t-on qu'ils missent en doute s'ils avoient le droit d'égorger les rebelles à

l'autorité de leur prophète? Loin d'éprouver des remords en les massacrant, ils se persuadoient faire une œuvre agréable à Dieu. L'histoire est pleine de pareils exemples. En sacrifiant leurs enfans à Saturne, les habitans de Carthage n'étouffoient pas apparemment les sentimens de la nature, pour le plaisir de se croire coupables d'un crime affreux. Disons-le, car il n'est point de vérité plus méconnue et plus importante: la Religion des peuples est toute leur morale; et c'est ce qui fait, en partie, le danger du système que je combats. En consacrant tous les cultes, il consacre tous les vices, et même tous les forfaits. La polygamie, la prostitution, tout, et jusqu'au meurtre, et jusqu'au meurtre, devient non-seulement pernais, mais salutaire, selon le climat, le gouvernement, le génie du peuple. Grand Dieu! où en sommes-nous, s'il est nécessaire de réfuter une telle doctrine? Et sera-t-on quitte envers l'humanité, quand, avec un art perfide, on aura, dans de séduisantes phrases, entouré ces maximes exé– crables des mots flatteurs de concorde, de tolérance et de paix?

Remarquez en outre que Rousseau ne veut pas qu'on examine les dogmes, pour savoir s'ils sont vrais, mais s'ils sont conformes à la bonne morale; comme si cet examen étoit plus facile que l'autre, plus à la portée de tous les hommes. Combien en est-il qui soient capables d'apercevoir la liaison souvent éloignée, quoique très-réelle, qui existe entre les devoirs de la morale et des dogmes spé

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