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mêle artificieusement l'erreur avec la vérité, prête à ses adversaires des argumens ridicules, des sentimens qu'ils rejettent, pour se ménager à propos un triomphe brillant; échauffe, éblouit, fascine par des phrases, quand il ne peut convaincre par des preuves, et réussit ainsi à opérer une illusion qu'il ne partage pas. Jamais homme ne fit un plus habile usage des mots. Sans presque aucune pensée qui lui appartienne, il semble se plaire à recueillir des rêveries oubliées depuis long-temps, et à surprendre l'esprit en les lui offrant embellies des grâces d'une élocution enchanteresse. Tel est le charme de son style, qu'il s'empare des sens, comme une douce et suave mélodie: et cependant l'âme s'enivre des séduisantes maximes d'une philosophie qui promet une flatteuse supériorité de lumières à l'orgueil, l'indépendance à la pensée, et ne produit en effet que la servitude de la raison, et la mort de l'intelligence.

La principale cause des contradictions qui nous ont étonnés dans Rousseau, vient de ce qu'intimement convaincu qu'on détruiroit la société en abolissant les Religions positives, ses principes néanmoins le forçoient de les rejeter comme fausses, et par conséquent nuisibles. « Leurs révélations, » c'est lui qui parle, ne font que dégrader Dieu, » en lui donnant les passions humaines, Loin d'é» claircir les notions du grand Etre, je vois que >> les dogmes particuliers les embrouillent; que loin de les ennoblir, ils les avilissent; qu'aux

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mystères inconcevables qui l'environnent, ils ajoutent des contradictions absurdes; qu'ils ren» dent l'homme orgueilleux, intolérant, cruel; qu'au lieu d'établir la paix sur la terre, ils y » portent le fer et le feu. Je me demande à quoi >> bon tout cela, sans savoir me répondre. Je n'y vois que les crimes des hommes et les misères du » genre humain (1). »

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A s'en tenir strictement à ce tableau, il eût été difficile de faire à chaque homme un devoir d'aimer et de suivre la Religion de son pays, c'est-à-dire, de croire des contradictions absurdes, d'étre orgueilleux, intolérant, cruel; de suivre et d'aimer des doctrines qui, au lieu d'établir la paix sur la terre, y portent le fer et le feu, et dans lesquelles enfin Rousseau ne voit que les crimes des hommes et les misères du genre humain.

D'un autre côté, il sentoit qu'en proscrivant les cultes dont il trace ce portrait peu flatté, on anéantiroit toute Religion parmi les hommes; et une Religion est absolument indispensable aux hommes, dans son système. N'ayant, en conséquence, que le choix des contradictions, il a sagement préféré celle qui lui étoit utile dans le moment; et, cessant de représenter les Religions positives comme fausses et pernicieuses, il les a déclarées toutes également salutaires ou également vraies. Le devoir de profeșser sincèrement celle où l'on est né, se déduisoit

(1) Emile, tom. III, pag. 133.

de là sans peine, et c'est tout ce qu'il falloit à JeanJacques pour l'instant.

Toutefois, ne pensez pas qu'il abandonne pour cela ses premières maximes. Non; y renoncer, ce seroit admettre la révélation, qu'il combat. Il pose des principes pour le besoin, les laisse là quand il n'en a plus que faire, et reproduit gravement ses précédentes assertions.

Ainsi, après avoir avancé qu'un fils n'a jamais tort de suivre la Religion de son père, il ajoute : « Cherchons-nous donc sincèrement la vérité? ue

donnons rien au droit de la naissance et à l'au» torité des pères et des pasteurs, mais rappelons » à l'examen de la conscience et de la raison tout ce qu'ils nous ont appris dès notre enfance (1). D'où il résulte, ou que Jean-Jacques se contredit grossièrement, ou qu'un fils n'a jamais tort de ne pas chercher sincèrement la vérité.

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Après avoir promulgué, développé le précepte d'aimer et de suivre la Religion de son pays, il nous dit du plus grand sang-froid: «< Tant qu'on ne donne « >> rien à l'autorité des hommes, ni aux préjugés du pays où l'on est né, les seules lumières de la raison >> ne peuvent, dans l'institution de la nature, nous » mener plus loin que la Religion naturelle (2). » N'est-ce pas fortifier singulièrement le précepte dont il s'agit, que de nous apprendre qu'il n'a

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(1) Emile, tom. III, pag. 139.

(2) Ibid., pag. 204.

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aucune espèce de fondement dans la raison? Et cette proposition, Rousseau déjà l'avoit expressément établie au commencement de la seconde partie de la Profession de foi : « Vous ne voyez, » dans mon exposé, que la Religion naturelle : il est bien étrange qu'il en faille une autre! Par où connoîtrai-je cette nécessité? De quoi puis-je être >> coupable en servant Dieu selon les lumières qu'il » donne à mon esprit, et selon les sentimens qu'il inspire à mon cœur? Quelle pureté de morale, quel dogme utile à l'homme et honorable à son » auteur, puis-je tirer d'une doctrine positive que je ne puisse tirer sans elle du bon usage de mes » facultés? Montrez-moi ce qu'on peut ajouter » pour la gloire de Dieu, pour le bien de la société, » et pour mon propre avantage, aux devoirs de la » loi naturelle, et quelle vertu vous ferez naître » d'un nouveau culte, qui ne soit pas une consé>>quence du mien? Les plus grandes idées de la >> Divinité nous viennent par la raison seule. Voyez » le spectacle de la nature, écoutez la voix inté>> rieure. Dieu n'a-t-il pas tout dit à nos yeux, à » notre conscience, à notre jugement? Qu'est-ce >> que les hommes nous diront de plus?

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» Il falloit un culte uniforme; je le veux bien, >> mais ce point étoit-il donc si important qu'il >> fallût tout l'appareil de la puissance divine pour » l'établir? Ne confondons point le cérémonial de la Religion avec la Religion. Le culte que Dieu » demande est celui du cœur ; et celui-là, quand il

» est sincère, est toujours uniforme; c'est avoir une » vanité bien folle de s'imaginer que Dieu prenne

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un si grand intérêt à la forme de l'habit du prêtre, » à l'ordre des mots qu'il prononce, aux gestes qu'il fait à l'autel, et à toutes ses genuflexions. >> Eh! mon ami, reste de toute ta hauteur, tu seras toujours assez près de terre. Dieu veut être adoré » en esprit et en vérité; ce devoir est de toutes » les Religions, de tous les pays, de tous les » hommes. Quant au culte extérieur, s'il doit être » uniforme pour le bon ordre, c'est purement une » affaire de police; il ne faut point de révélation pour cela (1).

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En partant de ces principes et en les suivant jusqu'au bout, on arrive à un résultat opposé aux conclusions de Rousseau; mais ces conclusions étant, comme je l'ai montré, contradictoires dans les termes, ses disciples sont nécessairement poussés dans le système pur et simple de la Religion naturelle; c'est-à-dire, qu'envisageant toutes les Religions positives comme inutiles, absurdes, funestes, ils les rejettent toutes sans distineoir, et se dis pensent d'en pratiquer aucune.amblotaj

Jean-Jacques, il est vrai, distingue le cérémonial de la Religion de la Religion même, regarde le culte extérieur comme une pure affaire de pclice, et dans le cas où il doive étre uniforme, ce

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