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qu'au reste il ne décide pas, semble trouver bon qu'on s'y conforme pour le bon ordre. Mais cette condescendance est manifestement illusoire; car, en toute Religion, le culte, intimement lié au dogme, n'en est, pour ainsi dire, que l'expression, en sorte que l'on ne peut raisonnablement nier l'un et pratiquer l'autre. Ainsi, dans la Religion catholique, le sacrifice de la messe suppose la présence réelle de Jésus-Christ, sa divinité, etc. La confession suppose, dans les prêtres, le pouvoir de lier et de délier, et de même des autres sacremens. Pour pratiquer un tel culte, il faut donc être, ou catholique de bonne foi, ou le plus yil des hypocrites et le plus lâche des imposteurs: point de milieu. Or, Rousseau ne dira sûrement pas que le mensonge, l'imposture, l'hypocrisie, sont compatibles avec la bonne morale. D'ailleurs, quand il le diroit, l'embarras ne seroit pas moindre: car le philosophe qui se montreroit extérieurement catholique contre sa conscience, contribuant, par son exemple, à conserver et à propager des dogmes qui, selor asseau, rendent l'homme orgueilleux, intolérant, cruel, et portent le fer et le feu par toute la terre, commettroit un des plus grands crimes que la justice de Dieu puisse punir.

Pour donner le change au lecteur, Rousseau feint de confondre le culte avec ce qui n'en est qu'un très-léger accessoire, la forme de l'habit du prétre, ses gestes, ses génuflexions. Mais cette mé

prise volontaire prouve seulement qu'il a pressenti l'objection, et qu'il lui a semblé plus facile de la dénaturer que d'y répondre.

Son système, dégagé des contradictions hétérogènes dont il le surcharge, n'est donc que le pur déisme, espèce de secte qu'enfanta le socinianisme, vers le commencement du seizième siècle. Témoin des rapides progrès de la licence de penser parmi les protestans, Mélanchthon prévoyoit avec effroi de plus grands désastres, et qu'aucune vérité, aucun dogme n'arrêteroit les innovateurs (1). Luther avoit donné l'impulsion fatale; l'esprit humain étoit, pour ainsi dire, précipité; rien ne pouvoit désormais, ni le retenir, ni modérer sa chute; il falloit qu'il allât toujours tombant, jusqu'à ce qu'il eût atteint le fond de l'abîme. Quoique le calviniste Viret soit le premier qui, dans un ouvrage publié en 1563, fasse mention de certains sectaires qui prenoient le nom de Déistes (2), leur origine remonte plus haut; et l'on voit dans les écrits des fondateurs du protestantisme, et surtout dans leurs lettres confidentielles, que la Réforme se sentoit dès lors intérieurement travaillée de je ne sais quelle maladie terrible qui l'épouvantoit ellemême. De noirs pressentimens agitoient ses chefs: ils ne découvroient, dans l'avenir, que d'affreux combats d'opinions, et des guerres plus impitoyables

(1) Lib. IV, Epist. XIV.

(2) Voyez le Dictionnaire de Bayle, art. Viret.

que celle des Centaures. Bon Dieu, s'écrioit l'un d'eux, quelle tragédie verra la postérité (1)! Cependant la contagion se répandoit de proche en proche la sainte liberté évangélique préparoit infatigablement la destruction de l'Evangile; car la liberté étoit alors le cri de ralliement des sectaires, comme elle l'a été depuis des factieux; et la liberté d'agir, qui a renversé l'ordre politique, n'étoit qu'une conséquence de la liberté de penser, qui avoit renversé l'ordre religieux.

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Un siècle après Socin, le poison du déisme circuloit dans toutes les veines de la Réforme, et ses théologiens rigides, déjà peu nombreux à cette époque, ne parlent que des effrayans progrès de l'indifférence des Religions dans son sein. Mais ils déploroient le mal et ne pouvoient y appliquer de remède. L'arbre portoit son fruit; et bien que ce fruit parût chaque jour plus amer et plus dangereux, comment l'empêcher de naître et de mûrir, tandis que l'on conservoit, que l'on cultivoit avec amour l'arbre dont il étoit la production naturelle et nécessaire.

Aussi l'Angleterre et la Hollande, impurs réceptacles où fermentoit la lie des sectes qu'enfantoit incessamment l'ardeur d'innover, se peuploient d'une nouvelle espèce d'hommes qui, sous le nom de tolérans, de libres penseurs, sapoient tous les appuis de la société, et toutes les bases du Chris

(1) Histoire des Variat,, liv. V, no 31.

L

tianisme. Contenus par la crainte des lois, en France, où ils prenoient le titre d'esprits forts, ils s'y multiplièrent lentement, et s'environnèrent d'ombres épaisses pendant que Louis XIV vécut. Si un bruit sourd d'impiété venoit de temps en temps alarmer l'oreille attentive de Bossuet, et indigner sa grande âme, ce bruit n'étoit encore, pour ainsi dire, que souterrain, et la tremblante incrédulité se déroboit aux regards des évêques et des magistrats, gardiens des saines doctrines. Ce siècle fut, pour la France, celui de la gloire et de la Religion. Avec la régence s'ouvre un période bien différent. Les mœurs de Philippe et ses opinions connues avoient de bonne heure promis aux esprits forts un protecteur digne d'eux. A peine le vice eut-il saisi le pouvoir, qu'ils sentirent qu'ils alloient régner. L'exemple du prince, la vanité, l'attrait du libertinage, remplirent leurs rangs d'une multitude de prosélytes, sortis pour la plupart des hautes classes de la société. Leur audace, accrue par le succès, franchit les dernières bornes; ils attaquèrent de front toutes les croyances et toutes les institutions religieuses. Toussaint donna le signal par son livre Des Moeurs, qui souleva contre lui la France chrétienne. Mais des scandales plus grands firent bientôt oublier ce premier scandale. Un homme d'un esprit infini, mais dépravé, se persuada que sa renommée seroit incomplète, tant qu'il resteroit à Jésus-Christ un adorateur. L'incroyable activité de cet homme, ses rares ta

lens, sa haine implacable contre la Religion, tout concourut à le placer à la tête du parti philosophique, qu'il contribua plus que personne à grossir et à fortifier. La foule se pressa autour de sa gloire, et une violente conjuration s'ourdit publiquement contre le Christianisme. Elle existoit en secret depuis long-temps, au rapport de Jurieu, qui nous apprend que plusieurs des ministres réfugiés en Hollande, après la révocation de l'édit de Nantes, étoient de ces indifférens cachés qui

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formoient, dans les églises réformées de France, depuis quelques années, ce malheureux parti » où l'on conjuroit contre le Christianisme (1). » Le témoignage n'est pas suspect, et nous savons maintenant à quelle école appartenoient les premiers auteurs de la guerre contre la Religion révélée.

Cette école n'a pas un moment cessé de fournir des auxiliaires à la même cause. Bayle étoit protestant; Rousseau, né protestant, n'a fait que développer les principes des protestans; les déistes anglais, de qui Voltaire et ses disciples ont emprunté presque toute leur science anti-chrétienne, étoient protestans, et des protestans plus conséquens que les autres, comme je le prouverai. Ainsi l'on avoit commencé par réformer ou abolir certains dogmes, et l'on finit par les réformer tous, y compris la révélation. C'est à ce point que les

(1) Tableau du Socinianisme, Let. I, pag. 5,

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