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modernes philosophes saisirent le protestantisme; et toujours réformant, ils en vinrent jusqu'à réformer Dieu même, et à vouloir réaliser la monstrueuse fiction d'un peuple athée, inventée par Bayle, et si chère à Diderot et à tous les sages de son école. On put se convaincre alors que l'impiété, si humaine et si douce dans ses paroles, sait, au besoin, s'aider également de la hache du bourreau et de la plume du sophiste.

Pendant les premières années qui suivirent cette sanglante époque, la philosophie, à peine descendue des échafauds où elle tenoit ses assises, et encore, si je l'ose dire, pleine de mort, ne fut guère qu'un hideux et fanatique athéisme. Peu à peu cependant l'on s'accoutuma à entendre, sans frémir, prononcer le nom de Dieu. Robespierre avoit donné l'exemple de tolérer l'Etre suprême et l'immortalité de l'âme, et l'on jugea sensément que personne n'avoit le droit de se montrer moins tolérant que Robespierre.

Aujourd'hui, l'opinion penche vers l'indifférence universelle. Les gouvernemens la favorisent de tout leur pouvoir, et, chose inouïe, s'efforcent d'entraîner le Christianisme dans ce système'; noùveau genre de persécution, dont nous sommes loin de connoître encore tous les effets. Le temps les développera, et, en décidant du sort des doctrines sociales, décidera du sort de la société et de l'existence du genre humain. Rentrons dans la dis

'cussion.

La souveraineté de la raison humaine en matière de foi, dogme fondamental du protestantisme, est aussi le fondement du déisme, et son caractère distinctif est l'exclusion absolue de toute révélation.

« Le déisme, dit un auteur anglais, n'est autre >> chose que la Religion essentielle à l'homme, la » vraie Religion de la nature et de la raison (1). » Rousseau tient le même langage. << Les plus

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grandes idées de Dieu nous viennent par la rai» son seule. Voyez le spectacle de la nature, écou>> tez la voix intérieure. Dieu n'a-t-il pas tout dit » à nos yeux, à notre conscience, à notre juge– » ment? Qu'est-ce que les hommes nous diront de plus? Leurs révélations ne font que dégrader Dieu, en lui donnant les passions hu» maines (2). »

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Reste maintenant à savoir en quoi consiste cette Religion de la nature et de la raison, cette Religion essentielle à l'homme, et dont néanmoins l'homme n'a jamais su se contenter; car c'est un fait remarquable, qu'il n'exista dans aucun temps de peuple déiste, que tous ont eu des Religions qu'ils croyoient révélées, des Religions par conséquent opposées à la raison et à la nature; ce qui n'empêche pas Rousseau de faire aux hommes un devoir de les suivre et de les aimer. N'importe, passons sur ce judicieux précepte; mettons-le, à

(1) Deism fairly stated, and fully vindicated, p. 5. (2) Emile, tom. III, pag. 132-133.

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l'exemple des disciples de Jean-Jacques, en oubli. Toute Religion se compose essentiellement de dogmes, de culte et de morale. Examinons la Religion naturelle sous ce triple rapport.

Premièrement, pour ce qui est des dogmes, la Religion de la nature semble laisser à chacun une pleine et entière liberté de choix; et nous verrons bientôt que cela ne peut être autrement. Autant de déistes, autant de symboles. Celui de lord Cherbury, le patriarche des déistes anglais, se réduit à cinq articles: 1° Qu'il existe un Etre suprême; 2° que nous devons lui rendre un culte; 3° que la piété et la vertu forment la partie principale de ce culte; 4° que nous devons nous repentir de nos fautes, et qu'en ce cas Dieu nous les pardonnera; 5° que les bons seront récompensés et les méchans punis dans une vie future (i).

On pourroit demander à lord Cherbury mille explications sur ce court symbole. Qu'entend-il par piété? Qu'entend-il par vertu? Comment saitil avec certitude que Dieu pardonnera au repentir? Il insinue que la Religion chrétienne est trop indulgente sur ce point (2); il connoît donc la mesure précise de repentir qui mérite le pardon : comme si un sentiment quelconque avoit une mésure appréciable. Aussi n'essaie-t-il pas de la fixer, et il laisse l'homme dans l'ignorance la plus terri

(1) De Religione Gentilium.

(2) Appendix ad op. de Relig. laic., qu. 6.

ble où une créature raisonnable et foible se puisse

trouver.

Le symbole qui précède vous paroît-il insuffisant? Blount vous en offre un en sept articles, que voici 1° Qu'il existe un Dieu éternel, infini, créateur de toutes choses; 2° qu'il gouverne le monde par sa providence; 3° qu'il est de notre devoir de lui rendre un culte, comme à notre Créateur et à notre maître; 4° que ce culte consiste dans la prière et les louanges; 5° qu'obéir à Dieu, c'est se conformer aux règles de la droite raison par la pratique des vertus morales; 6o que nous devons attendre, dans un état futur, des peines ou des récompenses, suivant que nous aurons agi durant cette vie, ce qui renferme l'immortalité de l'âme; 7° que lorsque nous nous sommes écartés des règles du devoir, nous devons nous en repentir, et nous confier, pour le pardon, dans la miséricorde de Dieu (1).

La raison de Blount est, comme on voit, un peu plus exigeante en matière de foi que la raison de lord Cherbury. Celui-ci n'admet point explicitement l'immortalité de l'âme dans son symbole; peut-être est-ce par oubli : on ne sauroit penser à

tout.

Au reste, tout en argumentant contre la révélation, Blount écrivoit à Sydenham: « Dans no» tre voyage vers l'autre monde, la route com

(1) The Oracles of Reason, p. 197.

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» mune est, sans aucun doute, la plus sûre; et, quoique le déisme soit une bonne préparation la conscience, si l'on nisme, elle produira une bien plus abondante >> moisson (1). »

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Bolingbroke, peu satisfait des symboles de ses devanciers, élargit étrangement la voie de la Religion naturelle. Il nie que Dieu puisse être offensé par l'homme, et attaque en conséquence la doctrine des peines et des récompenses futures (2). Tout se perfectionne avec le temps.

Si l'âme est immatérielle ou matérielle, si elle est distincte du corps, et si, dans ce cas, elle est périssable comme le corps, on doit lui survivre : Chubb ne décide point ces questions, parce qu'il n'aperçoit rien sur quoi on en puisse fonder la décision (3). Toutefois il paroît fortement incliner vers le matérialisme (4); et en supposant qu'il y ait des châtimens et des récompenses futures, chose au moins fort douteuse à son avis, la masse du genre humain n'a pas lieu de s'en inquiéter beaucoup; car ces récompenses et ces peines ne seront que pour les hommes dont les actions auront puissamment influé sur le bonheur ou le malheur

(1) The Oracles of Reason, p. 91.

(2) Bolingbroke's Works, vol. V, pag. 209, 356, 493, 495, 498, 507, 508, 510.

(3) Chubb's posthumous Works, vol. I, p. 312,

313.

(4) Ibid., pag. 317, 318, 324, 326.

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