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le fond des dogmes, sans se perdre dans d'interminables disputes avec les hérésiarques, les conciles prononçoient la sentence irrévocable, et l'Eglise entière disoit anathème à Arius, à Nestorius, à Eutychès, à tous les insensés qui osoient mettre les rêves de leur propre esprit à la place de l'antique

croyance.

Avant la Réformation, pas un sectaire n'attaqua directement l'autorité de l'Eglise, pas un ne lui contesta le droit de juger de la foi, et ne révoqua en doute l'infaillibilité de ses décisions. Ils incidentèrent sur la forme des jugemens; ils nièrent que les conciles qui les condamnoient fussent de vrais et légitimes conciles, qu'on y eût observé les règles indispensables; mais jamais aucun d'eux ne murmura, même à voix basse, le mot fatal d'indépendance, et ne prétendit n'avoir d'autre jugé que sa raison; tant étoit vive encore la terreur qu'inspiroient ces foudroyantes paroles: «< S'il n'écoute » pas l'Eglise, qu'il vous soit comme un païen et >> un publicain (1). »

Luther même, au commencement, protestoit avec une sincérité, au moins apparente, de sa soumission au jugement de l'Eglise ; il sollicitoit à grands cris la convocation d'un concile, et cet homme emporté, dont l'âme sembloit n'être qu'un assemblage de passions violentes que nourrissoit

(1) Si autem Ecclesiam non audierit, sit tibi sicut ethnicus et publicanus. Matth., xvui, 17.

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un orgueil sans bornes, se montra d'abord résolu à courber son front superbe sous l'autorité des premiers pasteurs et de leur chef. La constante pratique de tous les siècles, fondée sur des textes formels de l'Ecriture, qu'on ne s'étoit point encore permis de détourner de leur vrai sens, ne lui laissoit pas même concevoir l'idée qu'on pût détruire cette puissante barrière que Jésus-Christ avoit opposée aux innovations. Mais lorsque ses erreurs eurent été proscrites à Rome, lorsque le rapide accroissement de son parti eut porté son audace au comble, ne prenant désormais conseil que de ses sombres ressentimens, il changea tout à coup de langage, et, ne gardant plus de mesure, lança, dans sa fureur, anathème contre anathème, et arbora l'étendard de la rébellion.

Alors s'ouvrit en Europe comme un vaste cours de Religion expérimentale; car, dans l'espace de trois siècles, il n'est pas une seule doctrine religieuse dont on n'ait fait l'application à quelque société. Toutefois, au premier moment, l'ancienne croyance avoit de trop profondes racines dans le cœur des peuples, et dans l'esprit même des chefs de la Réformation, pour que le système d'erreurs qu'ils s'efforçoient d'y substituer se développât sans obstacles dans toute sa plénitude. Quelques hommes pénétrans, et de caractère à ne reculer devant aucune conséquence, en aperçurent d'un coup d'œil les dernières limites, et les atteignirent. Mais la multitude, se traînant avec lenteur sur leurs tra

ces, découvrant de loin le but fatal qu'ils lui marquoient, et s'en approchant à regret, se voyoit devancée par eux avec une inquiète indignation. Les sectes primitives tenoient encore fortement à plusieurs vérités principales du Christianisme; et, chose remarquable, plus elles conservoient de ces vérités, plus aussi elles montroient de penchant à retenir le principe d'autorité, si nécessaire, que rien sans lui ne subsiste ni dans l'ordre politique, ni dans l'ordre moral, ni dans l'ordre religieux. Rousseau, qui l'exclut en théorie, dès qu'il veut établir des préceptes positifs, lui rend tout son pouvoir dans la pratique, et même en abuse jusqu'à détruire entièrement la raison, en contraignant chacun de suivre, sans examen, la Religion de son pays, quelque évidemment absurde qu'elle soit. Il n'anéantit pas l'autorité, il la déplace, et elle existe de fait partout où se trouvent des dogmes quelconques, un culte quelconque, une loi morale quelconque. La différence n'est jamais que de l'autorité légitime à l'autorité usurpée, de l'anarchie ou du despotisme à la monarchie constituée. LE'glise anglicane, dans son essentielle nisation, n'est qu'une société religieuse gouvernée despotiquement; un seul y entraîne tout par sa volonté et par ses caprices (1). La Réforme en général est, par la loi même de son existence, une république ou plutôt une anarchie religieuse, où

(1) Esprit des Lois, liv. II, chap. 1.

orga

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ESSAI SUR L'INDIFFÉRENCE

le pouvoir, sans stabilité et sans règle, appartient au plus habile ou au plus audacieux. Mais, malgré les maximes qui le proscrivent, le principe d'autorité y demeure, et y demeurera aussi longtemps qu'on y croira à quelque chose (*). Il ne périt qu'avec la dernière vérité; et je doute qu'aucun homme crût fermement en Dieu, si le témoignage de sa raison n'étoit confirmé par l'autorité du genre humain. Voilà pourquoi tout système religieux fondé sur l'exclusion de l'autorité, renferme en son sein l'athéisme et l'enfante tôt ou tard.

Les théologiens réformés admettoient, à l'origine, les premiers conciles œcuméniques, et en opposoient les décisions aux ariens et aux sociniens. Ils ne parloient même, pour la plupart, qu'avec respect des anciens Pères ; ils les citoient avec honneur, cherchoient à s'appuyer de leur autorité, et leur en attribuoient une fort grande dans la décision des controverses (**). Il est en

(*) L'absence d'une autorité générale fait même, selon la remarque de Burke, que l'autorité personnelle de chaque pasteur y est beaucoup plus grande que chez les catholiques. Un protestant ne croit pas à l'Eglise, mais il croit à son ministre. Voyez Edmund Burke's Letter to his son. Orthodox Journal, vol. IV, no 37, june, 1816.

(**) Stillingfleet, quoiqu'un des défenseurs de la doctrine de l'inspiration particulière, avoue que les Pères sont d'un merveilleux secours, were admirable helps,

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effet aisé de sentir qu'ou la Religion chrétienne n'est qu'un vain mot, ou l'on doit la retrouver telle que Jésus-Christ l'établit dans les écrits des saints docteurs qui vécurent si près des apôtres; autrement il faudroit dire que la doctrine du salut, cette céleste doctrine que le Fils de Dieu est venu annoncer aux hommes, on n'a commencé de. l'entendre que quinze siècles après sa prédication; que Luther a été le premier chrétien, mais chrétien encore dans l'enfance et prodigieusement imparfait, puisque ses disciples ont si étrangement modifié son symbole. Le sens commun frémit de tant d'absurdités; et voilà pourtant ce que la Réforme s'est vue obligée de soutenir, au moins implicitement, lorsque, accablée par les témoignages des Pères, elle a été contrainte de reconnoître que la foi de ces illustres défenseurs du Christianisme ne différoit en rien de la foi qu'elle attaquoit; qu'ils avoient cru, enseigné tout ce qu'elle reprochoit à l'Église d'enseigner et de croire, et qu'elle ne pouvoit ouvrir leurs ouvrages immortels sans y lire à chaque page son expresse condamnation.

pour interpréter l'Ecriture. Vid. Catholicon, vol. III, pag. 100. Vid. etiam Daillé, De vero usu Patrum, lib. II, c. vi; et Cave, Grabe, Reeves, Blakwal, Pearson, Beveridge, Bullus, Hammond, Fell, etc., et Mosheim lui-même, Vindic. antiquit. Christian. disciplinæ advers. Tolandi Nazarenum. Sect. 1, ch. v, vers. 3 et 4. -- Disc. sur l'Hist. ecclés., sect. ix, tom. I, P. 238.

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