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Par rapport aux conciles, l'embarras des novateurs n'étoit pas moins grand. Ils avoient à se défendre à la fois contre les catholiques, et contre une foule de théologiens de leur propre parti. Ou vous regardez, disoient les catholiques, les anciens conciles comme infaillibles, ou vous pensez qu'ils · ont pu errer; dans le premier cas, leur infaillibilité ne peut avoir d'autre fondement que les promesses de Jésus-Christ; promesses indéfinies, et dont il ne dépend pas de vous d'arrêter l'effet à un point quelconque de la durée de l'Eglise. Si elle a été infaillible pendant six siècles, elle l'est encore aujourd'hui, elle le sera toujours; et en résistant à ses décisions, vous résistez à Jésus-Christ même; car des objections que vous faites contre les conciles postérieurs, et spécialement contre celui qui vous condamne, il n'en est pas une qu'on ne pût appliquer avec autant de vraisemblance aux conciles que vous recevez. En ébranler un seul, c'est les renverser tous; ils tombent ou ils subsistent ensemble. Les disciples d'Eutychès et de Dioscore parloient du concile de Calcédoine comme vous parlez de celui de Trente; ils disoient comme vous, que leurs ennemis y dominoient, que la vérité avoit succombé sous l'intrigue et la cabale. On ne les écouta pas, et l'on eut raison, de votre aveu. Quelles disputes finiroient jamais, s'il falloit que le jugement, pour demeurer ferme, eût l'approbation de chaque partie intéressée? La foi étant incompatible avec la plus légère incer

titude, ou il n'existe point de tribunal pour terminer les contestations sur la foi, ou ce tribunal est infaillible. Vous ne sauriez donc admettre l'autorité d'un seul concile œcuménique, sans les reconnoître tous pour infaillibles, et, par une conséquence inévitable, sans vous déclarer rebelles à l'Eglise et à Dieu.

Que si, pour vous soustraire à ces difficultés accablantes, vous refusez l'infaillibilité aux anciens conciles généraux, quel avantage en tirerezvous contre les ariens et les sociniens? Leur ferezvous un devoir d'obéir à des décisions humaines? Ne vous opposeront-ils pas vos principes et votre propre exemple? Et, en effet, où est le motif de déférer en matière de foi au jugement de qui peut errer? Ne seroit-ce pas évidemment abandonner son salut au hasard, et croire par pur caprice, sans certitude et sans règle? Mais, quoique sujets à l'erreur, les premiers conciles n'ont point erré, dites-vous. Dieu a permis qu'ils conservassent dans sa primitive intégrité le dépôt des vérités saintes. Voilà précisément, répondront les disciples de Socin, ce que nous contestons; vous posez en fait la question même. Prouvez-nous par la raison et l'Ecriture les dogmes que nous rejetons, alors il sera superflu d'alléguer l'autorité des conciles; que si vous ne pouvez les prouver de la sorte, c'est encore plus inutilement que vous alléguez, pour nous convaincre, ou pour nous fermer la bouche, des conciles que vous convenez avoir

pu enseigner l'erreur. Que répliquerez-vous, continuoient les catholiques, aux sectaires qui vous tiendront ce langage? Il en faudra revenir, malgré vous, à discuter la doctrine au fond, indépendamment de ce qu'a cru et défini l'antiquité; et, au risque de s'égarer à chaque pas, poursuivre, pour ainsi parler, l'une après l'autre toutes les vérités du Christianisme, dans le ténébreux labyrinthe du raisonnement; car, ôtez l'autorité, il ne reste plus que cela; et, en matière de foi, toute autorité faillible est nulle de droit.

D'un autre côté, les tolérans et les unitaires, plus conséquens dans les principes de la théologie protestante, se plaignoient avec chaleur que, pour les forcer d'admettre des dogmes qui répugnoient à leur raison, on renversoit le fondement de la Réforme, et l'on donnoit gain de cause aux papistes. Ou l'ancienne Eglise, disoientils, étoit infaillible, ou elle ne l'étoit pas. Si elle l'étoit, elle l'est encore, et l'on ne doit pas chercher la vraie foi ailleurs que dans ses décisions : nous taire et nous soumettre, voilà notre devoir incontestable. Mais si l'Eglise aujourd'hui n'est pas infaillible, elle ne l'a jamais été; on a toujours pu et dû examiner après elle; et se flatter qu'on nous obligera de captiver notre jugement sous l'autorité de quelques-uns de ses décrets, tandis qu'on s'affranchit soi-même de l'obéissance à tous les autres, qui ne sont ni moins importans, ni moins clairs, ni moins solennels, c'est

se faire aussi une illusion trop grossière. Eh quoi! n'avez-vous ròmpu avec l'Eglise catholique que pour vous mettre à sa place? Ne l'avez-vous accusée de tyrannie que pour établir sur ses ruines une tyrannie plus révoltante? Car enfin elle avoit au moins en sa faveur une longue et tranquille possession; et, en usant du pouvoir que vous prétendez usurper, elle ne contredisoit pas comme vous ses propres maximes. Vous recevez certains conciles, et vous en rejetez d'autres sur quels principes est fondé ce choix? Comment savez-vous qu'entre ces conciles, les uns ayant enseigné l'erreur, ceux que vous recevez aient fidèlement conservé la vraie doctrine? Quelle autre certitude en avez-vous, que votre jugement particulier, votre opinion? Au fond, c'est donc à votre autorité particulière que vous voulez nous assujettir. Mais ne vous y trompez pas; après nous avoir appris à nier l'infaillibilité des évêques de tous les siècles et de l'Eglise entière, vous ne nous déciderez pas aisément à reconnoître votre infaillibilité personnelle.

Jamais les doctrines ne remontent vers leur source, et c'étoit en vain que la Réforme s'efforçoit d'arrêter le cours du fleuve qui l'entraînoit. Il fallut tous ses membres, d'un commun acque cord, proclamassent ce grand principe: L'Ecriture est l'unique règle de foi, indépendamment de toute interprétation particulière, et à l'exclusion de toute autorité visible. « Pour connoître

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» la Religion des protestans, dit Chillingworth, » il ne faut prendre ni la doctrine de Luther, ni » celle de Calvin ou de Melanchthon, ni la Con>> fession d'Augsbourg ou de Genève, ni le ca» téchisme de Heidelberg, ni les articles de l'Eglise anglicane, ni même l'harmonie de toutes » les confessions protestantes; mais ce à quoi ils >> souscrivent tous comme à une règle parfaite » de leur foi et de leurs actions, c'est-à-dire, la » Bible. Oui, la Bible, la Bible seule est la Religion des protestans (1).

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Voilà où en étoit la Réforme, moins de deux siècles après sa naissance. Honteuse et lasse d'errer de symbole en symbole, elle les désavoue tous, ainsi que leurs auteurs. Ce n'est pas, disent les protestans, en lisant nos nombreuses professions de foi, que l'on connoîtra notre foi. Nous nous moquons de Luther, de Calvin, de Melanchthon, de toutes nos Eglises, de toutes nos Confessions, et même de leur harmonie: la Bible, la Bible seule est notre Religion.

Cependant la Bible, muette et souvent obscure, ne s'explique pas elle-même : qui l'expliquera ? Tous les hommes étant appelés à la connoissance de la vraie Religion, il est nécessaire que tous les hommes découvrent clairement dans l'Ecriture les vérités qu'ils doivent croire. Les réformés en

(1) La Religion des protestans, une voie súre au salut. Chap. vi, 56.

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