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conviennent; car aussi comment nier une conséquence si manifeste? mais ils n'ont pu en convenir sans se jeter dans des difficultés inextricables, et des contradictions si étranges qu'on en rougit pour l'esprit humain. Après avoir imaginé l'extravagant système de l'inspiration particulière, après avoir soutenu que nous reconnoissons dans les Livres saints les dogmes nécessaires au salut, par sentiment, par goût, comme nous distinguons le froid et le chaud, le doux et l'amer, honteux eux-mêmes de cette grotesque Religion sensitive, ils finirent par attribuer à la raison le droit exclusif d'interpréter les divines Ecritures, et ils la déclarèrent seul juge et seul arbitre de la foi. Ce n'est pas ici le lieu d'examiner à fond cette doctrine. Bornons-nous, pour le moment, considérer les effets.

à

en

pur

La Religion, transformée en une science de raisonnement, prit autant de formes qu'il y avoit de têtes. Les sectes naquirent des sectes, sans fin et sans repos. Jamais on n'avoit vu une pareille fécondité d'opinions extraordinaires, une semblable profusion de symboles opposés, et tous néanmoins fondés, disoit-on, sur la pure parole de Dieu. Les exemples d'ailleurs ne manquoient pas pour justifier les innovations. Il y avoit dans la Réforme comme une tradition d'inquiétude et de doute; et les variations personnelles de Luther, celles de ses disciples, mais plus encore leurs maximes, autorisoient toutes les variations.

Toutefois, malgré ces maximes, l'attachement naturel de l'homme à ses propres pensées, et peutêtre un reste expirant de respect pour la foi, et d'amour pour la vérité, portoient les protestans anathématisés par l'Eglise romaine, à s'anathématiser entre eux. On sait à quel point Luther abhorroit la doctrine de Calvin; et le supplice de Servet prouve assez que Calvin n'avoit pas moins d'horreur pour la doctrine des unitaires. Après tout, on n'aperçoit pas aisément ce que ces deux chefs du protestantisme pouvoient mutuellement se reprocher en fait de dogmes abominables; car si Luther anéantissoit la morale en niant le libre arbitre, et en déclarant les bonnes œuvres nuisibles au salut, Calvin ne la détruisoit pas moins radicalement par le dogme inouï de l'inamissibilité de la justice, selon lequel un homme, une fois justifié, l'étoit pour toujours, et, quelques crimes qu'il commît, demeuroit pleinement assuré de son salut. L'un et l'autre arrivèrent encore au même but, c'est-à-dire, à l'abolition des devoirs, en enseignant que la foi est l'unique obligation du chrétien, affranchi de toute loi ecclésiastique et divine en vertu de la liberté qu'il acquiert par le baptême. Ils n'osèrent l'exempter également de l'obéissance aux lois civiles, quoique leurs principes allassent jusque-là. Mais les méthodistes, en bons logiciens, ont franchi ce dernier pas, et l'un des articles de leur symbole est de ne reconnoître, dans l'ordre religieux et politique, d'autre supé

rieur que Jésus-Christ. Je ne crains point de l'annoncer, cette maxime ne sera pas stérile. Quand, par une terrible permission de Dieu, l'enfer prépare au genre humain de pesantes calamités, et le spectacle de quelques grands crimes, il jette une erreur dans le monde, et laissè achever au temps.

Mon dessein n'est pas de suivre la Réforme dans tous ses écarts, de rappeler toutes les opinions insensées qu'elle enfanta: on compteroit plus facilement les nuages qui, dans un jour de tempête, obscurcissent le soleil en passant. En vain s'efforçoit-on d'arrêter ce débordement de Religions nouvelles; l'Ecriture, cette règle parfaite de foi, ne déterminoit rien: elle se taisoit, ou parloit à chaque sectaire un langage différent. La Bible à la main, l'on enseignoit le pour et le contre, le oui et le non, avec une confiance imperturbable. Sentant toutes les vérités chrétiennes leur échapper successivement, les réformateurs voulurent, à l'exemple des catholiques, les retenir par la force de l'autorité; mais ce moyen, dont l'emploi sapoit la Réforme par sa base, n'eut d'autre effet que de montrer le désespoir où elle étoit réduite. On se rit des synodes, de leurs excommunications et de leurs décrets, et chacun continua de dogmatiser selon ses caprices.

La voie de conciliation n'eut guère plus de succès. Elle n'aboutit qu'à quelques réunions apparentes, ou à des traités partiels de tolérance, qui,

sous le prétexte de la charité, accoutumoient les esprits à tout tenir pour indifférent. C'étoit d'ailleurs un scandale inouï dans le Christianisme, que ces négociations religieuses où l'on prétendoit arriver à la paix par de mutuelles concessions de dogmes, où l'on se cédoit de part et d'autre des articles de foi, comme, après une guerre ruineuse, des princes fatigués se cèdent des territoires et des villes, et où l'on stipuloit des indemnités impies pour les vérités qu'on abandonnoit.

Cependant les catholiques, témoins de ces continuels changemens qu'ils avoient prévus, sommoient les novateurs de déclarer enfin nettement à quel terme ils s'arrêteroient, et de montrer dans cette multitude de professions de foi contradictoires, le caractère d'unité essentiel à la vraie foi, selon saint Paul, una fides (1). La Religion chrétienne, disoient-ils, reposant sur la révélation, et la révélation étant immuable, toute secte dont la doctrine varie ne possède pas la Religion de Jésus-Christ. Bossuet développa cet argument formidable, avec une science profonde et une rare force de raisonnement, dans l'Histoire des variations, inimitable modèle d'analyse et d'éloquence. La Réforme, terrassée, demeura muette, ou plutôt elle avoua les évidentes variations qu'on lui reprochoit, et parut même étonnée de n'avoir

(1) Ep. ad Ephes., iv, 5.

pas varié davantage (1); tant elle sentoit vivement son instabilité.

Après une semblable confession, il n'existoit pour elle qu'une défense possible; c'étoit de soutenir que les dogmes sur lesquels elle avoit varié n'étoient pas essentiels en soi, et qu'on pouvoit les rejeter ou les admettre sans porter atteinte au Christianisme, et sans s'exclure du salut. Ainsi naquit le système des points fondamentaux, qui, réduisant à quelques articles non définis la foi nécessaire, et tolérant tout le reste, comme indifférent, consacre en même temps la liberté de tout croire, même les erreurs les plus exécrables, et la liberté de tout nier, même Dieu.

Les protestans furent encore forcément amenés

système par la controverse sur l'Eglise, controverse dont la décision terminoit tout, et que, par cette raison, les catholiques s'attachèrent à éclaircir avec un soin particulier. Devant traiter plus loin cet important sujet, je n'en parlerai ici qu'autant qu'il est nécessaire pour faire comprendre comment la Réforme fut contrainte d'embrasser la doctrine des articles fondamentaux.

La vraie Religion étant essentiellement une, comme la vérité, l'Eglise qui professe cette Religion, c'est-à-dire, incontestablement la véritable

(1) Vid. Burnet, Crit. des Variat., pag. 7, 8. -- Jurieu, Lettres v, vi, vì et vш de l'an 1686. -- Basnage, Rép. aux Variat., Préf.

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