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remarquez qu'aujourd'hui nous ne vous accusons de rejeter aucune vérité fondamentale; vous êtes donc membres de l'Eglise; membres infirmes, il est vrai, mais enfin membres vivans; et, à défaut d'autre succession constante, vous nous en fournissez une dont vous ne nierez pas apparemment la légitimité.

On ne sauroit disconvenir que ces conséquences ne se déduisent clairement du système de Jurieu. Mais je montrerai, dans le chapitre suivant, que ce système est insoutenable, et que la doctrine des points fondamentaux est une doctrine destructive de toute Religion et de toute raison.

Considérez cependant l'espace immense qu'avoient déjà parcouru les réformateurs à l'époque où nous sommes arrivés. La pensée ne le mesure qu'en tremblant. Que la marche rapide de l'erreur est effrayante! Luther, choqué de quelques abus réels, au lieu d'y reconnoître l'inévitable effet des passions humaines, s'en prend à la doctrine même. Il attaque un point en apparence peu important de la foi catholique; foible esprit, qui n'apercevoit pas la liaison rigoureuse des vérités du Christianisme! Il n'a pas plutôt détaché un anneau de cette chaîne, que la chaîne entière lui échappe. Une erreur appelle une autre erreur. Ce n'est plus seulement quelques dogmes isolés qu'il conteste, il ébranle d'un seul coup le fondement de tous les dogmes. La tradition l'embarrasse, il rejette la tradition; l'Eglise proscrit ses maximes, il nie l'au

torité de l'Eglise, et déclare qu'il n'admet d'autre règle de foi que l'Ecriture; enfin l'Ecriture ellemême le condamne, il retranche audacieusement des Livres saints une épître apostolique toute entière (*); et quand on lui demande de quel droit, il répond avec arrogance: Moi, Martin Luther, ainsi je le veux, ainsi je l'ordonne : que ma volonté tienne lieu de raison (1). Ainsi, Martin Luther n'étoit pas seulement le fondateur, le chef de la Réforme, il en étoit encore le Dieu, puisque sa volonté, sans autre raison, prévaloit contre les révélations divines consignées dans un authentique et sacré monument.

Toutefois, plusieurs de ses disciples secouent le joug de fer qu'il prétendoit leur imposer. Opposant leurs opinions à ses opinions, leur orgueil à son orgueil, ils bravent ses fureurs et morcèlent son empire. De nouvelles sectes s'élèvent, se divisent aussitôt, et se subdivisent à l'infini. On enseigne toute doctrine, et l'on nie toute doctrine: la confusion de l'enfer n'est pas plus grande, ni son désordre plus effrayant. Alors, désespérant d'établir la paix dans son sein, et de se soutenir par ses propres forces, la Réforme appelle à son secours l'ancienne Eglise qu'elle a répudiée; elle appelle les hérétiques de tous les siècles; elle appelle ses

(*) L'Epître de saint Jacques.

(1) Ego Martinus Luther, sic volo, sic jubeo, sit pro ratione voluntas.

nombreux enfans, et les rassemble autour d'elle avec leurs haines implacables, leurs ardentes animosités, leurs symboles contradictoires; et de cet incohérent amas de vérités et d'erreurs, elle essaie de former une seule Religion; de cette anarchie monstrueuse de sectes qui se repoussent mutuellement, de partis irréconciliables, elle essaie de composer une seule Eglise. O éternelle honte de la raison humaine! Oui, voilà la vraie Religion, comme les pensées inconstantes de l'homme sont les immuables pensées de Dieu; voilà l'Eglise, comme l'empire divisé de Satan est le royaume de Jésus-Christ. Mais enfin ces idées avoient prévalu dans la Réforme. Elle cédoit, en dépit d'ellemême, à l'insurmontable ascendant de ses maximes; et offrant la paix à toutes les erreurs, tolérant tout, même la vérité, elle s'avançoit à grands pas vers l'indifférence absolue des Religions, où nous allons voir que le système des articles fondamentaux conduit inévitablement.

CHAPITRE VII.

Suite du même sujet. Examen du Système des points fondamentaux.

Si nous n'avions montré comment la Réforme, après avoir épuisé tous les autres moyens de défense, fut contrainte, par sa nature même, de se réfugier dans le système des points fondamentaux, on auroit pu ne voir dans ce système qu'une opinion arbitraire, et l'on eût difficilement compris quels motifs déterminèrent les protestans à embrasser une doctrine, non-seulement absurde en soi, mais de plus, incompatible avec leurs maximes; une doctrine enfin qui ne peut être vraie, à moins que le Christianisme ne soit faux, et qui aboutit inévitablement à la tolérance de l'athéisme.

Et pour justifier d'abord le reproche d'inconséquence que j'adresse aux réformés, souvenonsnous que l'Ecriture est, suivant eux, l'unique règle de foi. Ils doivent donc prouver que l'Ecriture établit clairement la distinction des points fondamentaux et non fondamentaux, et spécifie non moins clairement ce qui est fondamental et ce qui ne l'est pas. Or, c'est ce qu'ils n'ont jamais pu faire,

quoiqu'on les en ait maintes fois pressés. Jamais ils n'ont produit un seul texte qui, dans son sens naturel et vrai, favorisât, même indirectement, leur bizarre doctrine. Au contraire, l'Ecriture est pleine de passages qui la condamnent. Quand Jésus-Christ envoie ses apôtres annoncer le Christianisme aux nations, leur dit-il : Apprenez aux hommes à discerner soigneusement les dogmes fondamentaux de ceux qui ne le sont pas, à ne point confondre les articles de foi qu'ils sont absolument obligés de croire, avec les articles qu'ils peuvent nier sans s'exclure du salut? Non, Jésus-Christ ne dit nulle part rien de semblable. Et que dit-il donc? « Allez, >> instruisez toutes les nations...... leur enseignant

>>

à garder tout ce que je vous ai ordonné (1), tout, sans exception, omnia quæcumque : ou comme s'exprime un autre écrivain sacré : « Allez » par tout l'univers; prêchez l'Evangile à toute >> créature: quiconque croira sera sauvé, et qui ne » croira pas sera condamné (2). » Donc il faut croire, au moins implicitement, toutes les vérités révélées, puisque l'Evangile, ou la parole de JésusChrist, les comprend toutes; il faut les croire, ou

(1) Euntes ergo docete omnes gentes.... docentes eos servare omnia quæcumque mandavi vobis. Matth., XXVIII, 19, 20.

(2) Euntes in mundum universum prædicate Evangelium omni creaturæ. Qui crediderit et baptizatus fuerit, salvus erit: qui verò non crediderit, condemnabitur. Marc., XXVI, 15, 16.

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