Obrázky na stránke
PDF
ePub

nions, dignités, pouvoir, considération, respect même: vaste naufrage de toutes les vérités et de toutes les vertus.

L'extinction absolue du sens moral ne permet pas même qu'on s'intéresse à l'erreur spéculative; on la laisse pour ce qu'elle est, ainsi que la vérité; on n'y pense point, on ne s'en occupe point: ne pouvant anéantir le livre de la nature, qui se déploie magnifiquement à tous les regards, on en efface avec soin le nom de Dieu, et, se hâtant de tourner les pages qui rappellent le Créateur, on s'arrête uniquement à celles qui nous instruisent des propriétés des corps, et des jouissances qu'on en peut tirer.

Et remarquez quelle route immense il a fallu parcourir, avant d'arriver aux derniers excès que je viens de peindre. Chassée successivement de tous les postes qu'elle occupoit, une superbe raison, qui ne veut pas seulement connoître, mais anéantir et créer selon ses caprices et l'intérêt des passions, se réfugie de ruine en ruine, toujours poursuivie par la vérité qui la presse et ne lui permet pas de respirer. Repoussée jusqu'aux bornes du monde intellectuel, n'ayant plus d'autre asile que l'athéisme, elle s'y précipite aveuglément, pour y cacher dans les ténèbres l'humiliation de sa défaite. Là commence pour elle un nouveau supplice:

afin de s'assurer cet asile si chèrement acheté, il faudroit détruire encore, et il ne lui reste plus rien à détruire qu'elle-même. Dans cette position désespérée, que fera-t-elle ? quelle résolution va-t-elle prendre? Elle frémit, mais elle n'hésite point; l'orgueil l'emporte, et le sacrifice est consommé.

Dès lors, à l'agitation, à la fièvre, tristes, mais sûrs indices de vie, succèdent le calme et le silence de la mort. Plus de contentions, plus de querelles; on diroit une parfaite paix: paix lugubre, paix désolante, paix mille fois plus destructive que la guerre qui l'a pré

cédée.

Désabusée de ses propres rêves, n'osant plus reproduire des sophismes tant de fois réfutés, et ne pouvant néanmoins en inventer de nouveaux, parce qu'il n'existe qu'un certain nombre d'objections possibles.contre les mêmes vérités, la philosophie, s'irritant de son impuissance, cesse tout à coup de raisonner, elle qui se croit si forte de raison.. Elle ne dit plus: Écoutez mes preuves'; mais: Je ne veux point écouter les vôtres. Après des tentatives sans nombre, n'ayant pu faire au Christianisme la plus légère brèche, elle le déclare indigne de ses attaques, indigne même d'examen. Parvenue au fond de l'abîme, elle méprise; et, trop bien instruite désormais pour affronter l'évidence

qui sortiroit bientôt d'une discussion sérieuse, à tout ce qu'on peut lui dire, elle répond froidement : Que m'importe? et détourne la tête en souriant de dédain.

L'athéisme, disoit Leibnitz, sera la dernière des hérésies; et en effet, l'indifférence qui marche à sa suite n'est point une doctrine, puisque les indifférens réels ne nient rien, n'affirment rien; ce n'est pas même le doute, car le doute, état de suspension entre des probabilités contraires, suppose un examen préalable; c'est une ignorance systématique, un sommeil volontaire de l'âme, qui épuise sa vigueur à résister à ses propres pensées et à lutter contre des souvenirs importuns, un engourdissement universel des facultés morales, une privation absolue d'idées sur ce qu'il importe le plus à l'homme de connoître. Tel est, autant du moins que le discours peut représenter ce qui n'offre rien que de vague, d'indécis et de négatif, tel est le monstre hideux ́et stérile qu'on appelle indifférence. Toutes les théories philosophiques, toutes les doctrines d'impiété, sont venues se fondre et disparoître dans ce système dévorant; véritable tombeau de l'intelligence, où elle descend seule, nue, également abandonnée de la vérité et de l'erreur; sépulcre vide, où l'on n'aperçoit pas même d'ossemens.

De cette fatale disposition, devenue presque universelle, est résulté, sous le nom de tolérance, un nouveau genre de persécution et d'épreuves, la dernière, sans doute, que le Christianisme doit subir (1). En vain une philosophie hypocrite fait retentir au loin les mots séduisans de modération, d'indulgence, de mutuel support, et de paix ; le miel perfide de ses paroles déguise mal l'amertume des sentimens que son cœur nourrit. Sa haine invétérée contre tout principe religieux, quoi qu'elle fasse, perce à travers ces feintes démonstrations de bienveillance générale et de douceur. Étrange modération en effet, et plus étrange tolérance! On a bien entendu dire que la sagesse quelquefois conseilloit detolérer temporairement certaines erreurs; mais tolérer la vérité, qu'est-ce autre chose qu'une prétention insolente et sacrilége, une séditieuse protestation contre la souveraineté qui lui appartient dans le monde moral, un implicite aveu de l'impuissance où l'on est de la détruire? Qui jamais ouït

(1) Celle qui nous est prédite pour la fin des temps, sera, en quelque sorte, une guerre personnelle de l'homme de péché contre Dieu; et l'état vers lequel nous marchous est un des signes auxquels on reconnoîtra cette dernière guerre annoncée par Jésus-Christ. Croyez-vous, quand je viendrai, que je trouve encore de la foi sur la terrę? Luc, XVIII., 8.

parler, avant ce siècle des lumières, de tolérer l'immortalité de l'âme, la vie future, le châtiment du crime et les récompenses de la vertu, de tolérer Dieu! Aussi, à quoi se réduit en réalité cette tolérance? Contemplez l'état de la Religion on ne la proscrit plus, mais on l'asservit; on n'égorge plus ses ministres, mais on les dégrade, pour mieux enchaîner le ministère. L'avilissement est l'arme avec laquelle on la combat. On lui prodigue le mépris, l'outrageant dédain, et l'injure encore plus amère d'une insultante protection. Quelques pièces de monnoie, que l'avarice qui donne envie à la misère qui reçoit, des honneurs dérisoires, des entraves sans nombre, des lois oppressives, des dégoûts perpétuels et des fers; voilà les magnifiques largesses dont la plupart des gouvernemens ne se lassent point de la combler. Instruits par une expérience terrible, ils n'osent plus essayer de s'en passer entièrement; mais un sentiment plus fort que la voix de l'expérience les porte à démolir d'une main ce qu'ils édifient de l'autre. L'intérêt même, l'intérêt d'ordinaire si puissant, n'a pas assez de pouvoir pour les engager à dissimuler l'aversion secrète que leur inspirent les croyances qui sont leur sauvegarde. Convaincue à regret de la nécessité d'unir la

« PredošláPokračovať »