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>> me livrer au sentiment plus qu'à la raison (1). J'aperçois Dieu partout dans ses œuvres; je le » sens en moi, je le vois tout autour de moi (2). » Je sens mon âme, je la connois par le senti»ment et par la pensée (3). » La différence est que les déistes ne sentent que la Religion naturelle, et que Jurieu sentoit de plus la Religion révélée. L'athée, qui ne sent rien du tout, peut être à plaindre; mais enfin l'on ne sauroit le condamner selon cette règle, car personne n'est maître de se donner un sentiment qu'il n'a pas. Dans le sein même de la Réforme, chacun ayant sa manière de sentir, l'arminien, par exemple, ne sentant point la nécessité de la grâce, le socinien ne sentant point la Trinité, ni la divinité de JésusChrist, le luthérien sentant la présence réelle que le calviniste ne sentoit point, il fallut bientôt abandonner cette règle extravagante, et propre seulement à nourrir un fanatisme insensé.

La seconde règle de Jurieu, pour discerner les articles fondamentaux, se tire de leur liaison avec le fondement du Christianisme. Or, jamais les protestans n'ont pu convenir entre eux de ce qui constitue le fondement du Christianisme. Ainsi cette règle devient inutile; car qui peut juger de la liaison d'un dogme avec un autre dogme

(1) Emile, tom. III, pag. 42. (2) Ibid., pag. 63.

(3) Ibid., pag. 87.

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qu'on ne connoît pas? De plus, il est évident que Jurieu se fait à lui-même, ou veut faire aux autres une illusion grossière. Qu'est-ce en effet que fondement du Christianisme, si ce n'est certaines vérités de foi, qu'il est nécessaire de croire pour être Chrétien? Le fondement ou les vérités fondamentales ne sont donc qu'une seule et même chose, et la règle du ministre se réduit à cet aphorisme : On reconnoît le fondement par sa liaison avec le fondement.

Cettte règle n'ayant pas paru, même à Jurieu, d'un fort grand secours dans la pratique, il en propose une troisième, en ces termes : «< Tout ce que » les Chrétiens ont cru unanimement et croient » encore partout, est fondamental et nécessaire >> au salut. Je crois, dit-il, que c'est encore ici la

règle la plus sûre (1).« Le plus sûr alors est de ne croire rien, ou de ne croire que ce qu'on veut ; car, comme il n'est pas un seul dogme qui n'ait été nié par quelque hérétique, il s'ensuit qu'il n'existe point de vérités fondamentales, et que c'est perdre le temps que de les chercher. Le plus sûr est de penser qu'on peut faire son salut dans toutes les sectes, même dans le mahométisme; car, puisque les Mahometans ne sont, suivant Jurieu, qu'une secte du Christianisme (2), rien de ce qu'ils nient ne sauroit être fondamental; et le déiste Chubb a

(1) Le vrai Système de l'Eglise, pag. 237. (2) Ibid., pag. 148.

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raison de soutenir que, « passer du mahométisme >> au Christianisme, ou du Christianisme au maho« métisme, c'est uniquement abandonner une » forme extérieure de Religion pour une autre forme (1).»

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Quand on ne seroit point effrayé de ces conséquences, la règle d'où elle se déduisent n'en seroit pas moins inadmissible dans les principes des protestans. Leur maxime principale est de ne reconnôitre aucune autorité humaine en matière de foi. Or, le consentement de tous les Chrétiens, de quelque façon qu'on l'entende, ne forme qu'une autorité humaine, par conséquent sujette à l'erreur, et dès lors insuffisante pour déterminer avec certitude ce qui est fondamental et ce qui ne l'est pas, et pour servir de base à la foi.

II y a dans tous les esprits une rectitude naturelle qui, lors même qu'ils s'égarent, les force à s'égarer, si on peut le dire, rigoureusement. Il n'étoit donc pas possible que la Réforme restant ce qu'elle étoit, adoptât les règles arbitraires de Jurieu. Elle s'en forma de différentes, qui ont universellement prévalu, parce qu'elles sortent du fond même de sa doctrine. Juricu les vit s'établir, et Bossuet lui prouva qu'il ne pouvoit en contester aucune (2).

(1) Chubb's posthumous Works, vol. II, pag. 40. (2) Sixième Avertissem. aux Protestans, III part., 17, et seq.

La première, c'est qu'il ne faut reconnoître d'autre autorité que l'Ecriture, interprétée par la raison. Cette règle étant le fondement même du protestantisme, on ne peut la rejeter sans cesser d'être protestant.

La seconde, c'est que l'Ecriture, pour obliger, doit être claire. Le bon sens favorise cette règle; car autrement on croiroit, sans savoir ce qu'on croit, ce qui est absurde, ou sans être certain que l'Ecriture oblige à croire, c'est-à-dire, sans raison, contre la première règle.

La troisième, c'est qu'où l'Ecriture paroît enseigner des choses inintelligibles, et où la raison ne peut atteindre, il la faut tourner au sens dont la raison peut s'accommoder, quoiqu'on semble faire violence au texte. Cette règle est encore une conséquence ou un développement de la première. Dès que la raison est le seul interprète de l'Ecriture, elle ne sauroit l'interpréter contre ses propres lumières, et lui attribuer un sens dont l'esprit seroit choqué. En un mot, les interprétations de la raison doivent être évidemment raisonnables; car si elles étoient à la fois claires, d'apres la seconde règle, et absurdes par supposition, il en résulteroit l'obligation de croire une claire absurdité (*).

(*) Les déistes reconnoissent sans difficulté l'autorité de l'Ecriture, avec la restriction établie par cette troisième règle : « A moins, dit Chubb, qu'on ne l'inter» prète d'une manière conforme aux règles de la droite » raison, ce qui exige quelquefois qu'on lui fasse vio

Le principe fondamental du protestantisme étant admis, il faut donc admettre nécessairement les règles que les indifférens en déduisent. Mais aussi, qui ne voit qu'alors l'autorité de l'Ecriture devient l'autorité de la raison seule; de sorte qu'au fond ces règles se réduisent à celle-ci : Chacun doit croire ce que sa raison lui montre clairement être vrai; ce qui est le principe même du déiste et de l'athée, comme je l'ai fait voir. Mais je reviendrai tout à l'beure sur ce sujet.

En attendant, pour éviter qu'on ne me soupçonne d'exagérer les conséquences du système que je combats, j'ajouterai, à l'autorité du raisonnement, l'incontestable autorité des faits.

Jurieu, le moins tolérant des hommes par caractère, et le plus tolérant par ses maximes, refusa d'admettre les sociniens au nombre des sectes qui ont conservé le fondement du christianisme. Mais aussitôt on lui demanda de quel droit il excluoit du salut des hommes qui recevoient comme lui l'Ecriture? de quel droit il mettoit sa raison audessus de leur raison? de quel droit enfin il décidoit ce que l'Ecriture ne décidoit pas, en déterminant les dogmes qu'il falloit nécessairement croire pour être sauvé? Il n'étoit pas facile de répondre à ces questions. La Réforme le sentit, et

lence, la Bible ne sauroit être un sûr guide pour le » genre humain. « Chubb's posthumous Works, vol. II, pag. 326.

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