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faire l'objet d'une étude sérieuse, j'aurai pleinement atteint mon but. Je ne veux, en un mot, qu'éveiller le doute dans l'esprit des indifférens, leur faire sentir qu'un mépris aveugle, que le bon sens désavoue, est un aussi triste gage de sécurité qu'un foible titre à la supériorité d'esprit ; et leur montrer qu'à moins d'abjurer la raison, il faut qu'ils examinent et comparent, avec tout le soin dont ils sont capables, les fondemens de la foi, et les fondemens de l'incrédulité. Entrons en matière.

CHAPITRE VIII.

Réflexions sur la folie de ceux qui, ne raisonnant point, ne sont indifférens que par insouciance et paresse. Exposition des seuls principes sur lesquels peut reposer l'indifférence raisonnée.

EN N remontant d'âge en âge jusqu'à l'origine du genre humain, on trouve la croyance d'un Dieu et d'une vie future établie chez tous les peuples. Sur cette croyance, unique sanction des devoirs, seule garantie de l'ordre et des lois, repose la société, qui s'ébranle dès qu'on y porte atteinte. Tôt ou tard néanmoins vient une époque où le luxe déprave les mœurs, et la philosophie la raison. Cette époque arriva, pour les Grecs, au temps de Périclès; pour les Romains, un peu avant le siècle d'Auguste. On vit paroître une nuée de sophistes qui, s'efforçant d'asservir la sagesse aux passions mirent effrontément les rêves de leur esprit égaré à la place des traditions primordiales. A force de subtilités et de vains raisonnemens, ils confondirent toutes les idées, obscurcirent toutes les notions, énervèrent toutes les croyances. Le monde

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n'en pouvoit plus, quand tout à coup l'antique foi, se développant, à la voix de Dieu, chez le peuple spécialement chargé d'en conserver le dépôt, reprend avec éclat possession de l'univers. De nouveaux dogmes sont promulgués; mais ces dogmes, dérivant des dogmes primitifs, appartenoient, au moins implicitement, à la foi primitive. De fonds mystères s'accomplissent; mais ces mystères, annoncés au premier homme, plus clairement révélés à ses descendans, étoient attendus, pressentis du genre humain tout entier. Le Christianisme ne naissoit pas, il croissoit. Tout est lié, tout s'enchaîne dans l'histoire comme dans les dogmes de la Religion. Les nations commencent et finissent, elles passent avec leurs mœurs, leurs lois, leurs opinions, leurs sciences; une seule doctrine reste, toujours crue, malgré l'intérêt qu'ont les passions de n'y pas croire, toujours immuable au milieu de ce rapide et perpétuel mouvement; toujours attaquée et toujours justifiée; toujours à l'abri des changemens qu'apportent les siècles aux institutions les plus solides, aux systèmes les plus accrédités; toujours plus étonnante et plus admirée à mesure qu'on l'examine davantage; la consolation du pauvre, et la plus douce espérance du riche; l'égide des peuples et le frein des rois; la règle du pouvoir qu'elle modère, et de l'obéissance qu'elle sanctifie; la grande charte de l'humanité, où la justice éternelle, ne voulant pas que le crime. même demeure sans espoir et sans protection, sti

pule la miséricorde en faveur du repentir; doctrine aussi humble que profonde, aussi simple qu'elle est haute et magnifique; doctrine qui subjugue les plus puissans génies par sa sublimité, et se proportionne par sa clarté aux intelligences les plus foibles; enfin doctrine indestructible, qui résiste à tout, triomphe de tout, de la violence comme du mépris, des sophismes comme des échafauds, et, forte de son antiquité, de ses preuves victorieuses et de ses bienfaits, semble régner sur l'esprit humain par droit de naissance, de conquête et d'amour.

Telle est la Religion que certains hommes ont choisie pour en faire l'objet de leur indifférence. Ce que Bossuet, Pascal, Fénélon, Descartes, Newton, Leibnitz, Euler, ont cru, après l'examen le plus attentif, ce qui fut le continuel sujet de leurs méditations, on ne le juge pas même digne d'occuper un moment la pensée. En méprisant le Christianisme sans le connoître, on s'imagine s'élever au-dessus de ce qui a paru sur la terre de plus grand par le génie et la vertu, pendant dixhuit siècles; et ridiculement fier d'un insouciant dédain pour la vérité, quelle qu'elle soit, on s'enorgueillit de garder la neutralité de l'ignorance entre la doctrine qui a produit Vincent de Paule et celle qui a produit Marat.

Si Dieu existe ou non, si à cette courte vie succède une vie durable, si le seul devoir est d'obéir à ses penchans, ou si l'on doit les régler sur

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une loi fixe et divine, on veut tout savoir, hormis cela. Des hommes se sont rencontrés que tout intéresse, hors leur sort éternel. Ils n'ont pas, disentils, le temps d'y songer: mais ils en ont abondamment dès qu'il s'agit de satisfaire la plus frivole fantaisie. Ils ont du temps pour les affaires, du temps pour les plaisirs, et ils n'en ont pas pour examiner s'il y a un ciel, un enfer. Ils ont du temps pour s'instruire des plus vaines futilités de ce monde où ils ne passeront qu'un jour, et ils n'en ont pas pour s'assurer s'il existe un autre monde qu'ils doivent, heureux ou malheureux, habiter éternellement. Ils ont du temps pour soigner un corps qui va se dissoudre, et ils n'en ont pas pour s'informer s'il renferme une âme immortelle. Il ont du temps pour aller au loin convaincre leurs yeux de l'existence d'un animal rare, d'une plante curieuse, et ils n'en ont pas pour convaincre leur raison de l'existence de Dieu. Inconcevable aveuglement! Et qui ne s'écrieroit avec Bossuet: « Quoi! » le charme des sens est-il si fort, que nous ne puissions rien prévoir? »>

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En effet, ce défaut absolu de prévoyance, cette sécurité stupide avec laquelle on se précipite dans un avenir inconnu et sans bornes, ne sont-ils pas évidemment la marque d'un esprit aliéné? Le genre humain tout entier atteste l'existence d'une loi qu'on ne sauroit violer impunément; et, sans en croire son témoignage, sans le démentir, sur

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