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un misérable peut-être, on accepte toutes les suites d'une opposition formelle à cette loi, et l'on se crée à soi-même, par insouciance, la double fatalité du crime et du malheur.

On a vu des patiens rire, danser sur l'échafaud; mais la mort qu'ils bravoient étoit inévitable, rien ne pouvoit les y arracher. Dans l'invincible nécessité de mourir, ils se roidissoient contre la nature, et trouvoient une sorte de consolation farouche à étonner les regards du peuple par le spectacle d'une gaieté plus effrayante que les angoisses de la crainte et les agonies du désespoir. Mais qu'incertain si sa tête ne va pas tomber, en peu d'heures, sous la hache du bourreau, et sûr de se sauver s'il veut seulement se convaincre de la réalité du péril qui le menace, un homme demeure en repos dans ce doute épouvantable, et préfère à la vie quelques momens de plaisir, ou même d'ennui, que va terminer un supplice affreux et déshonorant; c'est ce qu'on n'a jamais vu, ce qu'on ne verra jamais. Quelque mépris qu'on affecte pour une existence fugitive et chargée de tant de douleurs, on ne s'en détache pas de la sorte; il n'est point d'apathie si profonde que ne réveille l'annonce, la seule idée d'une mort prochaine. Que dis-je? tout ce qui nous touche, soit dans notre santé, soit dans nos biens, dans nos jouissances, dans nos opinions, dans nos habitudes, nous émeut, nous alarme, nous transporte

hors de nous-mêmes, nous inspire une activité infatigable; et l'on n'est indifférent sur rien, excepté sur le ciel, l'enfer, l'éternité.

Que ceux qui se tranquillisent dans cette indifférence monstrueuse, ou qui même en tirent vanité, apprennent du moins ce qu'en pensoit un de ces hommes qui, par la prodigieuse supériorité de leur génie, semblent être nés pour reculer les bornes de l'intelligence humaine.

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L'immortalité de l'âme est une chose qui nous importe si fort, et qui nous touche si profon» dément, qu'il faut avoir perdu tout sentiment » pour être dans l'indifférence de savoir ce qui en » est. Toutes nos actions et toutes nos pensées >> doivent prendre des routes si différentes, selon qu'il y aura des biens éternels à espérer, ou non, qu'il est impossible de faire une démarche avec » sens et jugement, qu'en la réglant par la vue de ce point qui doit être notre dernier objet.

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» Ainsi notre premier intérêt et notre premier >> devoir est de nous éclaircir sur ce sujet, d'où dépend toute notre conduite. Et c'est pourquoi, parmi ceux qui n'en sont pas persuadés, je fais >> une extrême différence entre ceux qui travaillent » de toutes leurs forces à s'en instruire, et ceux qui vivent sans s'en mettre en peine et sans y

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» penser.

» Je ne puis avoir

puis avoir que de la compassion pour

» ceux qui gémissent sincèrement dans ce doute, qui le regardent comme le dernier des malheurs,

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» et qui, n'épargnant rien pour en sortir, font de » cette recherche leur principale et leur plus sé» rieuse occupation. Mais pour ceux qui passent >> la vie sans songer à cette dernière fin de la vie, » et qui, par cette seule raison qu'ils ne trouvent » pas en eux-mêmes des lumières qui les persuadent, négligent d'en chercher ailleurs, et d'exa» miner à fond si cette opinion est de celles que » le peuple reçoit par une simplicité crédule, ou » de celles qui, quoique obscures d'elles-mêmes, » ont néanmoins un fondement très-solide, je les jeles » considère d'une manière toute différente. Cette négligence en une affaire où il s'agit d'eux-mê»mes, de leur éternité, de leur tout, m'irrite plus qu'elle ne m'attendrit; elle m'étonne et m'épouvante; c'est un monstre pour moi. Je ne » dis pas ceci par le zèle pieux d'une dévotion spirituelle; je prétends au contraire que l'amour» propre, que l'intérêt humain, que la plus simple lumière de la raison nous doit donner ces » sentimens. Il ne faut voir pour cela que ce que » voient les personnes les moins éclairées.

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» Il ne faut pas avoir l'âme fort élevée pour comprendre qu'il n'y a point ici de satisfaction » véritable et solide, que tous nos plaisirs ne sont » que vanité, que nos maux sont infinis, et qu'en>> fin la mort, qui nous menace à chaque instant, >>> nous doit mettre dans peu d'années, et peut-être » en peu de jours, dans un état éternel de bon>> heur, ou de malheur, ou d'anéantissement.

» Entre nous et le ciel, l'enfer, ou le néant, il n'y » а a donc que la vie, qui est la chose du monde >> la plus fragile; et le ciel n'étant pas certainement » pour ceux qui doutent si leur âme est immortelle, ils n'ont à attendre que l'enfer ou le néant.

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Il n'y a rien de plus réel que cela, ni de plus » terrible. Faisons tant que nous voudrons les » braves, voilà la fin qui attend la plus belle vie » du monde.

» C'est en vain qu'ils détournent leur pensée » de cette éternité qui les attend, comme s'ils la » pouvoient anéantir en n'y pensant point. Elle » subsiste malgré eux, elle s'avance, et la mort

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qui la doit ouvrir les mettra infailliblement, en » peu de temps, dans l'horrible nécessité d'être

» éternellement ou anéantis ou malheureux.

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Voilà un doute d'une terrible conséquence; » et c'est déjà assurément un très-grand mal que » d'être dans ce doute; mais c'est au moins un » devoir indispensable de chercher quand on y » est. Ainsi celui qui doute et qui ne cherche pas, » est tout ensemble et bien injuste et bien malheu>> reux ; que s'il est avec cela tranquille et satisfait, qu'il en fasse profession, et enfin qu'il en fasse vanité, et que ce soit de cet état même qu'il » fasse le sujet de sa joie et de sa vanité, je n'ai » point de termes pour qualifier une si extra» vagante créature.

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» Où peut-on prendre ces sentimens? Quel sujet de joie trouve-t-on à n'attendre plus que

>> des misères sans ressource? Quel sujet de vanité » de se voir dans des obscurités impénétrables? Quelle consolation de n'attendre jamais de con>>solateur?

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» Ce repos dans cette ignorance est une chose >> monstrueuse, et dont il faut faire sentir l'extravagance et la stupidité à ceux qui y passent » leur vie, en leur représentant ce qui se passe >> en eux-mêmes, pour les confondre par la vue » de leur folie. Car voici comment raisonnent les >> hommes, quand ils choisissent de vivre dans >> cette ignorance de ce qu'ils sont, et sans en » rechercher d'éclaircissement.

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Je ne sais qui m'a mis au monde, ni ce que >> c'est que le monde, ni que moi-même. Je suis » dans une ignorance terrible de toutes choses. » Je ne sais ce que c'est que mon corps, que mes » sens, que mon âme; et cette partie même de >> moi qui pense ce que je dis, et qui fait réflexion » sur tout et sur elle-même, ne se connoît non plus que le reste. Je vois ces effroyables espaces » de l'univers, qui m'enferment, et je me trouve >> attaché à un coin de cette vaste étendue, sans savoir pourquoi je suis plutôt placé en ce lieu qu'en un autre, ni pourquoi ce peu de temps qui » m'est donné à vivre, m'est assigné à ce point, plutôt qu'à un autre, de toute l'éternité qui » m'a précédé, et de toute celle qui me suit. Je >> ne vois que des infinités de toutes parts, qui m'engloutissent comme un atome, et comme une

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