Obrázky na stránke
PDF
ePub

son parti sur toutes ces choses; il ne s'en inquiète point, il n'y pense point; cela n'est pas clair, dit-il; et là-dessus il agit comme s'il étoit clair que ce ne fût que des rêveries.

Si l'on pouvoit éviter l'enfer en n'y pensant pas, je verrois un motif à cette prodigieuse insouciance: mais n'y point penser est, au contraire, le plus sûr chemin pour y arriver. Détourner son esprit de la vérité, y être indifférent, est le crime même que Dieu punit, et avec bien de la justice; car, si l'on veut y réfléchir, on comprendra que cette prétendue indifférence n'est au fond que de la haine.

Ici j'en appelle hardiment à l'expérience générale, j'en appelle à la conscience même de l'indifférent N'est-il pas vrai qu'il éprouve une répugnance extrême pour tout ce qui lui rappelle la Religion, ses menaces et ses promesses? N'est-il pas vrai qu'intérieurement il souhaiteroit qu'elle fût fausse? N'est-il pas vrai qu'il a toujours fui l'occasion de s'en instruire, par une secrète appréhension d'être convaincu, ou au moins ébranlé, par les preuves nombreuses sur lesquelles elle s'appuie? N'est-il pas vrai qu'il s'attriste et s'irrite toutes les fois que, dans une de ces discussions qu'on n'est pas maître d'écarter toujours, on présente, en faveur du Christianisme, un argument auquel il ne peut rien répliquer de plausible? N'est-il pas vrai que les objections qu'on y oppose lui causent au contraire de la joie, et une joie d'autant plus vive

que ces objections paroissent plus embarrassantes et plus fortes? Or, qu'est-ce que tout cela, sinon la haine de la vérité, et par conséquent la haine de Dieu, vérité suprême? Y a-t-il lieu de s'étonner qu'il rejette ceux qui le haïssent; et à quel autre sort ces infortunés doivent-ils s'attendre?

Il ne faut pas chercher ailleurs que dans l'orgueil et dans la corruption du cœur la cause d'une disposition si déplorable. L'homme abhorre la gêne, et la Religion gêne tous ses penchans. Las de son joug austère, il essaie de le briser, ou de s'y dérober. Il s'environne de distractions, il s'étourdit, il s'enivre de plaisirs et de sophismes, pour étouffer avec moins de remords l'importune vérité; comme un assassin, novice encore, s'enivre avant de commettre un meurtre. Son indifférence pour les dogmes naît de son aversion pour les devoirs ; s'il ne craignoit pas ceux-ci, il admettroit volontiers ceux-là; mais, sachant qu'on ne peut séparer la règle de la foi de la règle des mœurs, il cherche l'indépendance des actions dans l'indépendance des pensées. Il veut douter, et il doute; il veut, à tout prix, ne pas croire, et sa raison travaille sans relâche à s'anéantir elle-même : véritable suicide moral, plus criminel mille fois que celui qui ne détruit que le corps.

Que la brute, privée de réflexion, vive et meure sans s'inquiéter de l'avenir, cette insouciance est sa condition naturelle et nécessaire. Mais quand l'homme, doué de facultés incomparablement plus

nobles, capable de s'élever à l'idée de Dieu, et d'embrasser l'infini par sa pensée, ses désirs et ses espérances, se précipite de cette hauteur dans la vile condition des bêtes, ne veut plus connoître, à leur exemple, que des penchans et des besoins, et, dégoûté du partage immortel que lui assigna de Créateur, leur envie jusqu'au néant, cela confond, cela épouvante, et l'on n'a point de paroles pour exprimer l'horreur qu'inspire une si profonde dégradation.

L'indifférence aveugle est donc, sans contredit, l'état le plus avilissant où une créature raisonnable puisse tomber. Le seul cas où l'homme sage pût demeurer indifférent sur la Religion, seroit celui où nous n'aurions aucun intérêt de savoir si elle est vraie ou fausse, ou aucun moyen de nous en assurer. En d'autres termes, il faut, comme l'observe M. de Bonald, les indifférens supque posent qu'il n'y a dans la Religion, considérée « en général et dans toutes ses différences, ni vrai >> ni faux ; ou que s'il y a vrai et faux dans la Religion comme en toute autre chose, l'homme » n'a aucun moyen de les distinguer; ou qu'enfin la Religion, vraie ou fausse, est également in» différente pour l'homme.

[ocr errors]
[ocr errors]

כג

[ocr errors]
[ocr errors]

>> La supposition, continue le même écrivain, que toutes les Religions sont indifférentes, n'est pas soutenable en bonne philosophie. Il n'y a pas ›`plus de philosophie sans un premier principe,

[ocr errors]
[ocr errors]

» gnes,

>>

>>

[ocr errors]

cause de tous les effets moraux et physiques, qu'il » ne peut y avoir d'arithmétique sans une unité première, mère de tous les nombres; où de géométrie, sans un premier point générateur des lides surfaces et des solides. Et comment supposer qu'il n'y ait pas vrai et faux dans des Religions opposées entre elles, mais qui pourtant sont partout le rapport vrai ou faux de Dieu à l'homme, >> et de l'homme à son semblable, la raison du pou» voir, la règle du devoir, la sanction des lois, la » base de la société ; lorsqu'il y a vrai et faux par>> tout où les hommes portent leur raison ou leurs passions; vrai et faux en tout, et même à l'Opéra, » et jusque dans les objets les plus frivoles de nos >> connoissances et de nos plaisirs? Mais s'il y a vrai » et faux, ordre et désordre, dans les diverses Religions considérées en général, peut-on supposer, » en bonne philosophie, que l'Etre qui est l'intelligence et la vérité suprême ait refusé aux hom» mes, êtres intelligens aussi, capables de connoître » et de choisir, d'aimer ou de hair, tout moyen » de distinguer le vrai et le faux dans les rapports qu'ils ont avec lui? Et à quelle fin leur auroit>> il donné cette ardeur démesurée de connoître, » et leur auroit-il permis de découvrir les rap>> ports qu'ils ont même avec les choses insensibles? » Et si l'homme peut distinguer le bien et le mal » dans les diverses Religions, comment supposer qu'il puisse rester indifférent à la vérité et à

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

» l'erreur, lui qui ne doit rester indifférent sur rien, et chez qui l'indifférence est même le ca»ractère le plus marqué de la stupidité (1)? »

[ocr errors]

Ces courtes observations du philosophe le plus profond qui ait paru en Europe depuis Malebranche, montrent déjà bien clairement l'absurdité des seuls principes sur lesquels on puisse fonder l'indifférence des Religions. En soumettant de nouveau ces principes à un examen rigoureux et détaillé, nous espérons ne laisser d'excuse ni à la crédulité qui les adopte, ni à la mauvaise foi qui feint de les adopter. Nous n'aurons pas même pour cela besoin de talent: l'art quelquefois est nécessaire pour revêtir l'erreur des apparences de la vérité; mais veut-on rendre à celle-ci son éclat, il suffit d'abaisser le voile dont on s'efforçoit de la couvrir.

Afin le lecteur suive aisément la discussion, que il convient qu'il en ait d'avance une idée nette, qu'il connoisse le but où il marche, et par quelle route il y doit arriver. Voici donc, en peu de mots, ce que nous nous proposons d'établir, et l'ordre dans lequel nous l'établirons.

[ocr errors]

On soutient que la Religion, vraie ou fausse, est indifférente pour l'homme; et nous prouverons que, supposé l'existence d'une vraie Religion, cette

(1) Sur la tolérance des opinions, par M. de Bonald, Spectateur français au XIVe siècle, tom. IV, pages 72, 73.

« PredošláPokračovať »