Obrázky na stránke
PDF
ePub

truire les livres même où les droits du SouverainEtre sont exposés et défendus. Ce n'étoit encore qu'une conséquence juste des maximes en règne, et la seule impossibilité d'une destruction complète empêcha le fanatisme philosophique de donner à l'Europe le même spectacle qu'avoit autrefois donné en Egypte le fanatisme musulman.

Le monde avoit vu plusieurs fois le scandale de l'apothéose individuelle de l'homme, et ce fut même l'origine du paganisme chez toutes les nations. Mais, en devenant Dieu, l'homme cessoit d'être homme. Transformé par l'opinion en un autre être plus parfait, il changeoit de nature; et alors même la tradition conservoit la croyance d'un Dieu suprême éminemment élevé au-dessus de ces divinités subalternes. Chose bien différente, ce fut l'homme abstrait, ou l'humanité conçue sous sa notion propre, que divinisa la philosophie, en excluant tout être supérieur. L'homme s'adora comme homme; et trouvant dans son orgueil et dans ses convoitises le caractère de l'infini, il les choisit naturellement pour l'objet direct de son culte. Il adora son orgueil sous le nom de raison, et l'adora sous l'emblème de la volupté, parce que la volupté, ou l'indépendance effrénée des appétits, n'est, si l'on me permet cette expression, que l'orgueil des de même que l'orgueil est la volupté de l'intelligence. Et comme il n'est aucun vice ni aucun crime qui ne sorte nécessairement de ces deux passions mères, quand l'homme ne reconnoît plus

sens,

d'autre autorité, d'autre loi, d'autre Dieu

que sa raison; pour la représenter dignement, il fallut chercher tous les vices et tous les crimes, personnifiés dans le même être vivant, et cet affreux simulacre, on le trouva dans les antres de la prostitution. Et quelle plus parfaite image, en effet, de l'erreur absolue qui détruit toute vérité, que le désordre profond qui détruit toute vertu, et l'homme, et la famille, et la société? Leçon à jamais mémorable! La raison humaine, dont les bienfaits, annoncés d'avance avec tant de faste, devoient transformer la terre en un séjour de paix et de félicité, cette puissante raison règne enfin; on proclame sa divinité, et ses autels sont des ruines, ses hymnes des chants de proscription, ses prêtres des bourreaux, son culte est la mort, et le néant l'espérance de ses adorateurs. II y a dans les doctrines une vertu cachée, une force secrète, ou pernicieuse ou bienfaisante, qui ne s'aperçoit que par ses effets: et cela seul prouveroit que l'homme n'est pas fait pour choisir ses croyances, mais pour les recevoir de celui qui ne peut ni se tromper, ni vouloir le tromper; car si le jugement de la raison seule en décidoit, presque toujours abusé par de fausses apparences, ou par les sophismes de son esprit, l'homme périroit mille fois, victime de ses vains raisonnemens, avant d'avoir découvert les vérités appropriées à sa nature et nécessaires à sa conservation, puisqu'elles l'étonnent et le confondent, lors même qu'il les connoît avec certitude, et les croit avec une pleine

foi. Profond sujet de méditation à qui sait réfléchir! l'instrument d'un supplice atroce, la croix, élevée au milieu des peuples, arrête l'effusion du sang, inspireà l'homme une douceur céleste. On renverse la croix, on présente à sa place, à l'adoration publique, un symbole de volupté, le sang aussitôt coule à grands flots, une fureur inconnue s'empare des cœurs, et les premiers sacrifices offerts à l'obscène idole sont des hécatombes de victimes humaines.

II y a des vérités et des erreurs à la fois religieuses et politiques, parce que la Religion et la société ont le même principe, qui est Dieu, et le même terme, qui est l'homme. Ainsi une erreur fondamentale en Religion est aussi une erreur fondamentale en politique, et réciproquement. Si donc il existoit une erreur destructive du pouvoir dans la société religieuse, cette erreur, la plus générale qu'on puisse imaginer, devroit être également destructive du pouvoir dans la société politique; et c'est en effet ce que démontre sans réplique l'histoire de la révolution française. En vertu de sa souveraineté, l'homme se soulève contre Dieu, se déclare libre et égal à lui: en vertu du même droit, le sujet se soulève contre le pouvoir, et se déclare libre et égal à lui. Au nom de la liberté, on renverse la constitution, les lois, toutes les institutions politiques et religieuses; au nom de l'égalité, on abolit toute hiérarchie, toute distinction religieuse et politique. Clergé, noblesse, ma

gistrature, législation, Religion, tout tombe ensemble, et il fut un moment où tout l'ordre social se trouva concentré dans un seul homme. Pendant que cet homme-pouvoir, médiateur entre Dieu et l'homme dans la société politique, comme l'HommeDieu est médiateur entre Dieu et l'homme dans la société religieuse; pendant, dis-je, que cet homme exista, rien n'étoit désespéré, et l'ordre, pour ainsi dire, retiré en lui, pouvoit plus tard en sortir, et reparoître au dehors, par un seul acte de sa puissante volonté. On le savoit, et sa mort, résolue de ce moment, fut comme la dernière ruine qui devoit consommer et éterniser toutes les autres. Depuis le déicide des Juifs, jamais crime plus énorme n'avoit été commis; car le meurtre même de l'innocence ne peut pas y être comparé. Quand Louis monta sur l'échafaud, ce ne fut pas seulement un mortel vertueux qui succomba sous la rage de quelques scélérats; ce fut le pouvoir luimême, vivante image de la Divinité dont il émane, ce fut le principe de l'ordre et de l'existence politique, ce fut la société entière qui périt.

Et certes on n'en put pas douter, lorsqu'on vit placer le droit de révolte au nombre des lois fondamentales de l'Etat, et consacrer l'insurrection comme le plus saint des devoirs. Jamais, dans le cours des âges précédens, aucun peuple n'étoit parvenu jusqu'à ce prodigieux excès de délire, de protester, en tête de sa constitution, contre toute espèce de Gouvernement : cette absurdité incom

préhensible devoit être réservée au siècle de la raison.

>>

Alors, sur les débris de l'autel et du trône, sur les ossemens du prêtre et du souverain, commença le règne de la force, le règne de la haine et de la terreur effroyable accomplissement de cette prophétie : « Un peuple entier se ruera, homme con» tre homme, voisin contre voisin, et, avec un grand tumulte, l'enfant se levera contre le vieil»lard, la populace contre les grands; parce qu'ils » ont opposé leur langue et leurs inventions contre » Dieu (1). » Pour peindre cette scène épouvantable de désordres et de forfaits, de dissolution et de carnage, cette orgie de doctrines, ce choc confus de tous les intérêts et de toutes les passions, ce mélange de proscriptions et de fêtes impures, ces cris de blasphème, ces chants sinistres, ce bruit sourd et continu du marteau qui démolit, de la hache qui frappe les victimes, ces détonations terribles et ces rugissemens de joie, lugubre annonce d'un vaste massacre, ces cités veuves, ces rivières encombrées de cadavres, ces temples et ces villes en cendre, et le meurtre, et la volupté, et les pleurs, et le sang; il faudroit emprunter à l'enfer

(1) Et irruet populus, vir ad virum, et unusquisque ad proximum suum : tumultuabitur puer contra senem, et ignobilis contra nobilem............ quia lingua eorum et adinventiones eorum contra Dominum. Is..., cap. ш, vers. 5, 8.

« PredošláPokračovať »