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reprend son empire sur son esprit. C'est ainsi que, dans l'Emile, il s'étend avec complaisance sur les heureux effets de la Religion dans la société. Le passage est si frappant que je ne craindrai point de le transcrire en entier, quoique assez long, d'autant qu'il est de mon dessein de m'appuyer le plus possible sur les concessions des adversaires.

« Un des sophismes les plus familiers au parti philosophique, est d'opposer un peuple supposé de bons philosophes à un peuple de mauvais Chrétiens; comme si un peuple de vrais philosophes étoit plus facile à faire qu'un peuple de vrais Chrétiens. Je ne sais si, parmi les individus, l'un est plus facile à trouver que l'autre; mais je sais bien que, dès qu'il est question de peuples, il en faut supposer qui abuseront de la philosophie sans Religion, comme les nôtres abusent de la Religion sans philosophie; et cela me paroît changer beaucoup l'état de la question (*).

>>

Bayle a très-bien prouvé que le fanatisme est plus pernicieux que l'athéisme, et cela est incontestable (**); mais ce qu'il n'a eu garde de dire, et

(*) Il y a de plus cette différence essentielle, que la philosophie a une tendance directe au désordre, et y conduit par son effet propre, quiconque raisonne et est conséquent, tandis qu'au contraire la Religion a une tendance directe à la vertu; de sorte qu'on ne peut être à la fois vicieux et croyant sans contradiction et de là vient que le vice mène à l'incrédulité.

(**) L'athéisme lui-même s'est chargé naguère, en

qui n'est pas moins vrai, c'est que le fanatisme, quoique sanguinaire et cruel, est pourtant une passion grande et forte, qui élève le cœur de l'homme, qui lui fait mépriser la mort, qui lui donne un ressort prodigieux, et qu'il ne faut que mieux diriger pour en tirer les plus sublimes vertus; au lieu que l'irréligion, et en général l'esprit raisonneur et philosophique, attache à la vie, effémine, avilit les âmes, concentre toutes les passions dans la bassesse de l'intérêt particulier, dans l'abjection du moi humain, et sape ainsi à petit bruit les vrais fondemens de toute société; car ce que les intérêts particuliers ont de commun est si peu de chose, qu'il ne balancera jamais ce qu'ils ont d'opposé.

» Si l'athéisme ne fait pas verser le sang des hommes (*), c'est moins par amour pour la paix que par indifférence pour le bien; comme que tout aille, peu importe au prétendu sage, pourvu qu'il reste en repos dans son cabinet. Ses principes ne font pas tuer les hommes, mais ils les empêchent de naître, en détruisant les mœurs qui les multiplient, en les détachant de leur espèce, en réduisant toutes leurs affections à un secret égoïsme,

France, de réfuter les prétendues preuves de Bayle, preuves incontestables, au jugement de Rousseau; et peu de gens seront, je crois, tentés aujourd'hui d'en désirer, au même prix, une nouvelle réfutation.

(*) Il l'a fait verser, et par torrens cela est incontestable.

aussi funeste à la population qu'à la vertu. L'indifférence philosophique ressemble à la tranquillité de l'Etat sous le despotisme : c'est la tranquillité de la mort; elle est plus destructive que la guerre même.

>> Ainsi le fanatisme, quoique plus funeste dans ses effets immédiats, que ce qu'on appelle aujourd'hui l'esprit philosophique, l'est beaucoup moins dans ses conséquences. D'ailleurs il est aisé d'étaler de belles maximes dans des livres; mais la question est de savoir si elles tiennent bien à la doctrine, si elles en découlent nécessairement; et c'est ce qui n'a point paru clair jusqu'ici. Reste à savoir encore si la philosophie, à son aise et sur le trône, commanderoit bien à la gloriole, à l'intérêt, à l'ambition, aux petites passions de l'homme, et si elle pratiqueroit cette humanité si douce qu'elle nous vante la plume à la main (*).

» Par les principes, la philosophie ne peut faire aucun bien que la Religion ne le fasse encore mieux, et la Religion en fait beaucoup que la philosophie ne sauroit faire.

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Par la pratique, c'est autre chose; mais encore faut-il examiner. Nul homme ne suit de tout point sa Religion, quand il en a une; cela est vrai(**):

(*) Ce qui sur cela restoit à savoir, au temps de JeanJacques, est su maintenant ; et rien, en fait d'expérience, ne manque à notre instruction.

(**) En un sens, oui; car il est vrai qu'aucun homme n'est absolument parfait; mais à cette restriction près, il

la plupart n'en ont guère, et ne suivent point du tout celle qu'ils ont; cela est encore vrai (*): mais enfin quelques-uns en ont une, la suivent du moins en partie, et il est indubitable que des motifs de Religion les empêchent souvent de mal faire, et obtiennent d'eux des vertus, des actions louables, qui n'auroient point eu lieu sans ces motifs....... Tous les crimes qui se font dans le clergé, comme ailleurs, ne prouvent point que la Religion soit inutile, mais que très-peu de gens ont de la Religion.

כן

Nos Gouvernemens modernes doivent incontestablement au Christianisme leur plus solide autorité, et leurs révolutions moins fréquentes; il les a rendus eux-mêmes moins sanguinaires : cela se prouve par le fait, en les comparant aux Gouvernemens anciens. La Religion, mieux connue, écartant le fanatisme, a donné plus de douceur aux mœurs chrétiennes. Ce changement n'est point l'ouvrage des lettres; car partout où elles ont brillé, l'humanité n'en a pas été plus respectée: les cruautés des Athéniens, des Egyptiens, des empereurs de Rome, des Chinois, en font foi. Que d'œuvres de miséricorde sont l'ouvrage de l'Evangile! Que de restitutions, de réparations, la confession ne fait-elle pas faire chez les Catholiques? Chez nous,

me semble que Fénélon, Vincent de Paul, suivoient assez bien leur Religion.

(*) L'auteur va dire le contraire un peu plus bas.

combien les approches des temps de communion n'opèrent-elles pas de réconciliations et d'aumônes? Combien le jubilé des Hébreux ne rendoit-il pas les usurpateurs moins avides? Que de misères ne prévenoit-il pas? La fraternité légale unissoit toute Ja nation; on ne voyoit pas un mendiant chez eux, on n'en voit pas non plus chez les Turcs, où les fondations pieuses sont innombrables. Ils sont, par principe de Religion, hospitaliers même envers les ennemis de leur culte. »>

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Les mahométans disent, selon Chardin, qu'après l'examen qui suivra la résurrection univer» selle, tous les corps iront passer un pont appelé » Poul-Serrho, qui est jeté sur le feu éternel, pont qu'on peut appeler, disent-ils, le troisième » et dernier examen, et vrai jugement final, parce » que c'est là où se fera la séparation des bons d'a»vec les méchans.

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» Les Persans, poursuit Chardin, sont fort in» fatués de ce pont, et lorsque quelqu'un souffre » une injure dont, par aucune voie, ni dans au» cun temps, il ne peut avoir raison, sa dernière » consolation est de dire: Eh bien! par le Dieu » vivant, tu me le paieras au double au dernier » jour; tu ne passeras point le Poul-Serrho, que » tu ne me satisfasses auparavant : je m'attacherai » au bord de ta veste, et me jetterai à tes jambes. » J'ai vu beaucoup de gens éminens, et de toutes » sortes de professions, qui, appréhendant qu'on ne criat ainsi haro sur eux au passage de ce pont

נג

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