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dès l'origine du monde (1), est tout ensemble, dans son éternel sacerdoce, prêtre et victime; chaque membre du corps dont il est le chef, ou de la société spirituelle qu'il a établie, associé à sa royauté pour servir, à son sacerdoce pour s'immoler, est également prêtre et victime: Vos regale sacerdotium (2). Mais si la vertu est un culte réel, le crime est une réelle idolâtrie, ou une adoration sacrilége que l'homme se rend à lui-même, en immolant l'ordre à ses passions, en déclarant qu'elles doivent être servies par des êtres semblables à Dieu : et de même que le plus grand acte de vertu, ou le dernier effort de l'amour des autres, est de sacrifier sa vie pour eux, le plus grand crime, ou le dernier excès de l'amour déréglé de soi-même, est de sacrifier à soi la vie d'autrui; et si ce n'est pas en vain que le Verbe incarné a voulu qu'il fût dit de lui, Voilà l'homme, tout meurtre est un déicide.

Appliquez ces considérations au détail des devoirs, ou domestiques, ou sociaux, vous concevrez que, sans la Religion, tout est désordre, parce que tout ordre est relatif à Dieu. L'ordre dans nos pensées est de le connoître; l'ordre dans nos affections, de l'aimer; l'ordre dans nos actions, de le servir, soit immédiatement, par l'exercice du culte établi par le Médiateur dans la société religieuse; soit médiatement, par l'exercice des vertus morales, ou du

(1) Qui occisus est ab origine mundi. Apoc., xшi, 8. (2) Ep. I. B. Petr., 11, 9.

culte que nous rendons à son image, dans la société politique. Car nous ne devons rien à l'homme en tant qu'homme; et Dieu seul est le principe comme le terme de tous les devoirs. Cela paroît bien clairement dans l'Evangile, lorsqu'annonçant ce jour formidable où toute la race humaine comparoîtra devant lui pour recevoir sa dernière sentence, l'Homme-Dieu promet de récompenser les œuvres d'amour, et de punir les œuvres contraires, non précisément parce qu'on aura servi ou opprimé l'homme, mais parce qu'en servant ou opprimant l'homme, on aura opprimé ou servi Dieu : Quamdiù fecistis uni ex his fratribus meis minimis, mihi fecistis.... Quamdiù non fecistis uni de minoribus his, nec mihi fecistis (1). Hors de là, je ne vois ni crime ni vertu; et il ne faut rien moins que ces paroles pour m'expliquer celles qui suivent: Venez, les bénis de mon Père... Retirez-vous de moi, maudits... et ceux-ci iront au supplice » éternel, et les justes à la vie éternelle (2).

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Voilà ce qu'est la Religion par rapport à Dieu, voilà ce qu'elle est par rapport à l'homme. Prenons garde de nous y tromper; elle n'est pas un système qui soit soumis à notre jugement, mais une loi à laquelle nous devons soumettre nos cœurs. Aussi la

(1) Matth., xxv, 40, 45.

(2) Venite benedicti Patris mei... Discedite à me maledicti.... et ibunt hi in supplicium æternum; justi autem in vitam æternam. Matth., xxv, 34, 41, 46.

première voix qui se fait entendre à l'apparition de l'Homme-Dieu, imposé silence au sens humain, en révélant le secret de l'ordre que le Médiateur vient établir: Gloire à Dieu dans les hauteurs des cieux, et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté (1). Ecoutons attentivement: Gloire à Dieu: tel est l'objet principal, la cause première de l'incarnation; car Dieu n'agit que pour lui-même. S'il envoie son fils dans le monde, c'est pour faire éclater sa gloire, pour manifester son être, pour rendre témoignage à la vérité, pour étendre le règne de l'amour : voilà la mission du Verbe fait chair. Or, est-ce à la raison qu'il s'adressera? Non, mais à la volonté; car il ne dépend pas de la raison de comprendre, mais il dépend toujours de la volonté de croire ce qui est attesté par un témoignage d'une autorité suffisante; il dépend de la volonté d'aimer le bien, d'obéir aux lois de l'ordre: Paix aux hommes de bonne volonté. Ceux-là écouteront Dieu dans son envoyé, et le glorifieront par leur foi, par leur amour et leurs œuvres, dont la volonté sera bonne, ou exempte de la corruption de l'orgueil, principe de tout mal, et qui inclineront leur cœur à croire, à aimer, à obéir, au lieu de tourmenter leur raison pour comprendre; ou plutôt dont la raison éclairée comprendra qu'il est souverainement raisonnable de croire sans comprendre,

(1) Gloria in altissimis Deo, et in terra pax hominibus bonæ voluntatis. Luc., II, 14.

lorsque Dieu parle pour nous révéler des vérités si hautes que lui seul est capable de les comprendre parfaitement. Paix à ces hommes de bonne volonté ; paix, c'est-à-dire, société, union avec Dieu, hors de qui il n'y a de paix pour aucun être intelligent : paix sur la terre, par la jouissance intime de l'ordre que la Religion établit dans leurs pensées, dans leurs affections, dans leurs actions. Ce qui trouble la paix de l'intelligence, c'est le combat de l'erreur contre la vérité, de l'erreur qui naît de la raison orgueilleuse, contre la vérité qui nous est connue par le témoignage du Verbe: en forçant la raison de se soumettre, en lui donnant la foi pour règle, la volonté termine ce combat. Ce qui trouble la paix du cœur, c'est le combat de la chair contre l'esprit (1), de l'amour déréglé de nousmêmes contre l'amour de Dieu, que son esprit excite en nous en cédant à ses impressions, en consommant le sacrifice de tout notre être à son Auteur, la volonté termine ce combat. Ce qui trouble la paix de la société, c'est le combat perpétuel de l'intérêt de chacun contre l'intérêt de tous: en soumettant les passions au devoir, ou à la loi qui ordonne de se sacrifier pour ses frères, la volonté termine ce combat. Donc, encore une fois : Paix sur la terre aux hommes de bonne volonté, et

(1) Caro enim concupiscit adversùs spiritum: spiritus autem adversùs carnem : hæc enim sibi invicem adversantur. Ep. ad Galat., v, 17.

. dans le ciel l'éternel rassasiement de la gloire : Satiabor cùm apparuerit gloria tua (1).

Mais aux hommes dont la volonté pervertie refuse d'écouter la parole divine, d'aimer le bien infini, d'obéir à l'ordre immuable: guerre, éternelle guerre, premièrement avec eux-mêmes: toutes leurs pensées, armées les unes contre les autres, s'attaquent, se choquent, se détruisent jusqu'à la dernière; et leur intelligence dévastée ressemble, dans son effrayante solitude, à une cité morne et sanglante, où les fureurs intestines n'ont pas laissé un être vivant guerre dans leur cœur, tourmenté d'inquiétudes, ravagé de désirs, bourrelé de remords guerre dans la famille, dans l'Etat, en proie aux dissensions, à l'anarchie, ébranlé, brisé

par

de continuelles commotions: guerre entre les peuples qui s'entre-dévoreront, comme on dévore un morceau de pain (2): enfin guerre avec Dieu, séparation de sa société, haine mutuelle, révolte impie de l'homme contre son Auteur, qu'il tentera d'anéantir pour se mettre à sa place; guerre, jusqu'au jour marqué pour le triomphe de l'ordre, où l'Eternel, étendant son bras, et saisissant ses foibles ennemis, ils sentiront, dans leur consternation profonde, l'épouvantable vérité de cette parole, qui doit s'accomplir aussi-bien que les autres:

(1) Ps. XVI, 15.

(2) Devorant plebem meam sicut escam panis. Ps. XIII, 14.

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