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Au reşte, il est à propos de faire observer qu'on doit exclure du nombre des indifférens réels, beaucoup de ceux qui affectent cette triste prétention; car, pour quiconque n'est ni stupide, ni grossièrement ignorant, il n'est pas si facile qu'on pourroit le penser d'être indifférent sur la Religion, que nous retrouvons partout, à chaque instant, en nous et hors de nous, et qui partout fait notre tourment ou notre consolation. Ainsi, la Religion n'est point indifférente à cette secte de philosophes qui, s'efforçant naguère d'en abolir jusqu'au nom, démolirent ses temples, et égorgèrent ses ministres. La haine, une implacable haine, voilà le sentiment qui anime ces apôtres d'impiété, dont le fanatisme aveugle sacrifieroit la société entière au triomphe de leurs principes désastreux. Certes, il faut plaindre ces insensés, il faut flétrir avec horreur leurs maximes; mais il ne faut pas tenter de les guérir par le raisonnement : il y a un excès de délire qui interdit toute discussion. Ce n'est donc pas à ces hommes emportés que s'adressent les réflexions qu'on va lire. La vérité, pour être sentie, demande un esprit plus calme, et surtout un cœur susceptible encore de s'ouvrir à ses impressions.

Il existe une sorte d'indifférens que nous n'avons pas non plus dessein de combattre. Je veux parler de ces foibles chrétiens qui, séduits par les plaisirs, distraits par les affaires, ou subjugués peut-être par le respect humain, s'abandonnent au

torrent du siècle, éloignent de leur pensée des vérités importunes, sans les révoquer en doute, et, dans leur inconséquence, ne tiennent à la Religion que par une foi stérile et de languissans remords. Que dire à ces infortunés? Ils se çondamnent eux-mêmes. Leur raison ne se refuse à aucun aveu. Ce n'est pas là qu'est le siége du mal. Ils n'ont pas besoin d'être convaincus, mais remués, mais justement effrayés sur le sort qui les attend. Il faudroit porter la terreur dans leur conscience assoupie, et la réveiller au bruit formidable des vengeances du Dieu dont ils fatiguent la patience et tourmentent la miséricorde.

Cette tâche n'est pas la nôtre. Nous n'avons en vue, dans cet Essai, que les indifférens systématiques, ou ces philosophes insoucians, qui, à force d'avoir entendu répéter que toutes les religions sont indifférentes, les méprisent toutes sans les connoître, refusent d'examiner s'il en est une véritable, rougiroient même d'y penser; et, sur l'aveugle foi d'un préjugé absurde, s'imaginant que la suprême sagesse consiste à ne se point inquiéter de l'avenir, végètent dans un profond oubli du premier devoir d'une créature raisonnable, qui est de s'instruire de sa fin, de son origine et de ses destinées. Ce que l'un regarde comme indifférent, paroît quelquefois à un autre d'un très-haut intérêt, selon la mesure de connoissances et de lumières de chacun. On peut même assurer que l'indifférence varie à l'infini : elle offre autant de

nuances diverses qu'il y a, non-seulement d'individus indifférens, mais de degrés dans le développement de l'intelligence, de combinaisons de pensées et de situations d'âme possibles, pour chaque individu.

Cependant, considérée, non dans les hommes, mais dans les doctrines, elle se réduit à trois systèmes, dans l'un desquels il faut nécessairement entrer dès qu'on sort de la vérité catholique : car on ne peut l'attaquer qu'en niant, soit l'autorité de l'Eglise, soit l'autorité de Jésus-Christ, soit l'autorité de Dieu; trois grandes destructions ou erreurs, qui constituent l'hérésie, le déisme et l'athéisme.

Nous diviserons donc en trois classes les indifférens dogmatiques. La première comprend ceux qui, ne voyant dans la religion qu'une institution politique, ne la croient nécessaire que pour le peuple. La seconde renferme ceux qui admettent la nécessité d'une religion pour tous les hommes, mais qui rejettent la révélation. La troisième enfin, se compose des indifférens mitigés, qui reconnoissent la nécessité d'une religion révélée, mais permettent de nier les vérités qu'elle enseigne, à l'exception de certains articles fondamentaux.

Après quelques réflexions sur chacun de ces systèmes, réflexions qui suffiront pour en montrer l'inconséquence et l'absurdité, nous ferons voir qu'en dernière analyse, ils aboutissent tous au même point, c'est-à-dire à l'indifférence absolue pour la vérité en matière de Religion. Nous nous

attacherons donc à combattre cette indifférence monstrueuse, en renversant les seuls principes sur lesquels le raisonnement puisse essayer de l'établir; en sorte que tous les indifférens, quelque modification que chacun d'eux juge à propos de mettre à la doctrine générale de l'indifférence, se trouveront réfutés ensemble par ce qui sera dit de cette doctrine, que nous prouverons leur être commune à tous.

Que ceux à qui cet ouvrage est destiné souffrent que je les conjure d'écarter, en le lisant, tout esprit de contention. A quoi sert-il de se tromper soi-même? On ne détruit point la vérité en s'opiniâtrant à la méconnoître; elle n'en reste pas moins ce qu'elle est, et son jour arrive tôt ou tard. En ce jour inévitable, et déjà près de nous, la vanité d'avoir repoussé la lumière sera de peu de consolation. Recevons-la donc avec joie, de quelque part qu'elle nous vienne. Honorons l'intelligence qui nous a été donnée, en l'élevant jusqu'à la contemplation de la vérité infinie, immuable, qui renferme en son sein nos éternels intérêts. Notre perfection est de la connoître, et notre bonheur est de l'aimer. Créés pour elle et pour l'immortalité, songeons que la vie va nous échapper, nous échapper pour toujours: levons plus haut nos regards, et, voyageurs d'un moment dans des ré ́gions étrangères, ne mettons point un triste orgueil à nous persuader que nous n'avons point de patrie.

CHAPITRE II.

Considérations sur le premier système d'indifférence, ou sur la doctrine de ceux qui, ne voyant dans la Religion qu'une institution politique, ne la croient nécessaire que pour le peuple.

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On trouve la Religion près du berceau de tous les peuples, comme on trouve la philosophie près de leur tombeau. « Aucun Etat, dit Rousseau, ne fut fondé, que la Religion ne lui servît de base (1). » Et quand la philosophie, récemment, a voulu fonder un Etat sans Religion, elle a été forcée de lui donner pour base des ruines; elle a établi le pouvoir sur le droit de le renverser, la propriété sur la spoliation, la sûreté personnelle sur les intérêts sanguinaires de la multitude, les lois sur ses caprices. Cet ordre social philosophique a existé quelques mois, pendant lesquels l'Europe a vu s'accumuler en son sein plus de calamités et de forfaits que n'en offre l'histoire des dix siècles précédens; et si Dieu n'avoit abrégé ces jours affreux, je ne sais s'il seroit demeuré un être humain vivant, pour recueillir le fruit de la plus terrible leçon qui ait jamais effrayé la terre.

(1) Contrat social, liv. IV, chap. viii.

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