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ne considérant la Religion que sous un rapport indépendant de sa vérité, est souverainement tolérant pour les erreurs ; il réserve pour les personnes toute sa sévérité, parce qu'il ne peut connoître que des délits extérieurs ou des actions. Ainsi les lois, en Angleterre, ne déclarèrent point telles ou telles doctrines fausses; mais elles privèrent des droits civils les sectateurs de tel ou tel culte, et condamnèrent les personnes convaincues d'avoir exercé ces cultes proscrits, à l'emprisonnement, à l'exil, à la mort; toutes peines purement civiles.

Cependant l'indifférence pour la vérité, qui faisoit le fonds même de ces lois, protégea chaque jour davantage contre leur rigueur les sectes nées du protestantisme, qui toutes participoient plus ou moins à la même indifférence. Sœurs, pour ainsi parler, de la religion établie, elles se rapprochoient par des sentimens et des intérêts communs; tandis que la religion catholique, également opposée à chacune d'elles, les eut toutes pour ennemies, et finit par porter seule le poids d'une législation oppressive. La même chose étoit arrivée au Christianisme, sous les empereurs : ils le proscrivirent rigoureusement, à cause de son incompatibilité avec la religion de l'empire, et tolérèrent les cultes idolâtriques, parce que, fondés sur la même erreur, ils ne s'excluoient pas mutuellement. Et quel moyen de contester l'exactitude de ce parallèle, quand on voit l'Angleterre prescrire, dans le plus minutieux détail, à ses agens au Canada, d'odieuses mesures de

persécutions contre la religion catholique; et, en même temps, garantir, par un traité solennel, aux habitans de l'île de Ceylan, la liberté de l'idolâtrie; assister, par ambassadeurs, aux cérémonies religieuses de ces peuples, et offrir à leurs divinités des dons sacriléges?

Une nation à qui ce scandale déshonorant n'a point arraché un cri universel d'indignation et d'horreur, n'est plus une nation chrétienne. Elle touche au dernier terme de l'indifférence religieuse; et voilà ce qui la préserve du fanatisme de l'impiété. Au reste, cette indifférence toujours croissante affoiblit progressivement l'intolérance politique, et tôt ou tard elle en triomphera. Ce moment sera l'époque si désirée de l'émancipation des catholiques. La masse de la nation, indifférente à toutes les erreurs, sera bientôt indifférente à la vérité même ; à force de la mépriser, elle la supportera. L'opinion a déjà presque tout fait à cet égard: le Gouvernement seul résiste, et l'on comprend assez pourquoi. L'existence de l'église anglicane est liée à la constitution de l'Etat; et le Gouvernement tremble de placer sa religion factice en présence d'une religion véritable. Il faudra pourtant qu'il s'y résolve, car cet événement est nécessaire. Une politique prévoyante, au lieu de le retarder, le hâteroit peut-être. Il est d'ailleurs aisé d'apercevoir qu'il ne sauroit qu'être avantageux à l'Angleterre. En proie à une cupidité dévorante, qui ne manque jamais de s'emparer des

nations à leur déclin, elle déploie une inquiète et prodigieuse activité, que quelques-uns prennent pour de la vie, et qui est la vie, comme la fièvre est la vie, comme les contractions d'un cadavre qu'on galvanise sont la vie. Elle est morte par ses mœurs; et, au premier coup imprévu qui viendra frapper sa richesse, on sera tout surpris de voir ce grand corps, auquel on supposoit tant de vigueur, expirer d'épuisement après quelques convulsions. Il existe néanmoins dans ce peuple des germes de régénération mais il ne se ranimera que par des croyances. La Religion établie étant nulle aujourd'hui sous ce rapport (*), l'Angleterre doit opter entre le fanatisme de quelques sectes turbulentes, et la religion catholique; c'est-à-dire, entre des opinions qui, après l'avoir quelque temps agitée, la rameneroient au même point où elle se trouve présentement; et une doctrine stable, sévère, parce qu'elle est parfaite, éminemment conservatrice, parce qu'elle est éminemment vraie, et qui seule peut la sauver à la fois de la lente dissolution de l'indifférence, et des troubles désastreux où la

(*) Warburton, mort évêque de Glocester, en 1779, s'effrayoit des destinées que préparoit à l'Angleterre l'anarchie de doctrines à laquelle il la voyoit en proie. « Que » deviendra, disoit-il, cette pauvre nation, placée, comme » un corps de troupes, entre deux feux; la fureur de » l'irréligion et la fureur du fanatisme!» Warburton's Letters, page 47.

précipiteroient infailliblement les anarchiques erreurs des sectes indépendantes.

Le reste de l'Europe, à l'exception de quelques contrées catholiques, est travaillé intérieurement de la même maladie. Partout l'indifférence pour la vérité conduit au système de la liberté et de l'égalité religieuses. Ce système se développe même, en plusieurs pays, plus rapidement qu'en Angleterre, parce qu'il n'a pas à surmonter la barrière des lois et de la constitution politique. On avoue, il est vrai, qu'une Religion est nécessaire au peuple, mais une Religion quelconque; peu importe laquelle, on lui en laisse le choix ; et pour qu'il se décide plus librement, on les lui présente toutes avec un égal respect, ou plutôt un égal mépris. Les Gouvernemens, s'il en est qui attachent encore de l'importance aux doctrines, au lieu de chercher à s'en aider, prennent à tâche de les neutraliser réciproquement par un habile mélange. Dupes, ainsi que leurs sujets, et plus que leurs sujets, des lumières du siècle, ils semblent se plaire à secouer sur les peuples le flambeau de la sagesse moderne, à la lueur duquel il n'est rien qui ne paroisse indifférent ou faux, à commencer par leurs propres droits. On diroit qu'ils s'imaginent que les hommes seront plus dociles et moins remuans, quand on aura pétrifié les croyances. lls ne se doutent pas que l'obéissance à l'autorité, même civile, lorsqu'elle n'est pas le produit violent de la contrainte, est le plus grand effort de la

foi. S'il pouvoit y avoir quelque chose de ridicule, quand le sort des nations est compromis, ce seroit de voir ces absurdes contempteurs du bon sens et de l'expérience prodiguant leur protection à toutes les folies soi-disant religieuses qui ont jamais dégradé l'esprit humain, et formant des collections de cultes, comme on rassemble des tableaux dans un muséum. Grâce à cette neuve idée, la Religion publique n'est que l'assemblage de toutes les religions particulières. On paie des ministres pour enseigner que Jésus-Christ est le sauveur du monde, et on en paie d'autres pour le nier. Le sacerdoce, avili, et placé, comme un mineur, sous la tutelle de l'administration, dépend des caprices du dernier commis; et tandis que chez les païens, il n'étoit pas un temple qui n'eût ses revenus sacrés, pas une divinité que ses adorateurs n'eussent rendue, en quelque sorte, indépendante en dotant ses autels, le Dieu des Chrétiens, à peine admis à une solde provisoire, figure chaque année sur un budjet outrageant, comme un salarié de l'Etat, en attendant sans doute que le moment soit venu de le réformer.

Que la politique du siècle sourie complaisamment à ce sublime résultat de ses maximes, qu'elle s'applaudisse de la paix qu'elle a su établir entre des religions ennemies, il n'y a pas lieu de s'étonner, mais de gémir. La paix, une profonde paix régnoit aussi dans les champs lugubres où Germanicus trouva confondus les ossemens des Germains et des soldats de Varus.

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