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vous le verrez descendre au fond des cachots, aller au-devant des tortures, pour lui rendre un éclatant témoignage, et mourir avec joie pour préparer son triomphe.

Il y a donc dans chaque homme, et, par une liaison nécessaire, dans chaque peuple, deux puissances qui se combattent, les sens et la raison; ou, pour parler le langage profondément philosophique de nos Livres saints, la chair et l'esprit (1); et selon que l'un ou l'autre prévaut, la vérité ou l'erreur, la vertu ou le crime, domine dans la société et dans l'individu.

Par sa raison, en effet, l'homme aspire à la possession de la vérité, noble aliment de son intelligence, et tend avec une force invincible vers l'ordre conservateur des êtres. De là le penchant qu'il manifeste pour les croyances généreuses, pour les doctrines élevées et sévères et les dogmes les plus spirituels de là encore cette insatiable ardeur de connoître, cette soif d'immortalité, cet instinct religieux, cette foi, d'autant plus éclairée qu'elle est plus simple, à tout ce qui est beau, sublime, utile, et par-là même plein de réalité; de là enfin cet étonnant

(1) Caro enim concupiscit adversùs spiritum : spiritus autem adversùs carnem : hæc enim sibi invicem adversan-tur. Ep. ad Galat. v, 17.

empire qu'il exerce sur lui-même, sur ses sentimens, sur ses passions, et jusque sur ses pensées; ce mépris des plaisirs frivoles et des jouissances matérielles; ce dégoût insurmontable pour tout ce qui passe; ces élans vers un bien immuable, infini, que le cœur pressent, quoique l'esprit ne le comprenne pas encore; cet amour immense de la vertu, et ces inexprimables angoisses, lorsqu'il s'en est écarté; cette tendre compassion pour tous les genres de misères physiques et morales, et cette disposition constante à se sacrifier à autrui, source unique de ce qu'il y de grand, de touchant et d'aimable dans la vie humaine.

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Par les sens, au contraire, l'homme, incliné vers la terre, enseveli dans les jouissances physiques, et sans goût pour les plaisirs intellectuels, ressemble à la brute, et se complaît dans cette ressemblance. Son intelligence s'obscurcit, mais trop lentement à son gré; aussi, avec quelle ardeur il travaille à l'obscurcir encore! On diroit que la vérité est son supplice, tant est vive et profonde la haine qu'elle lui inspire. Il la poursuit sans relâche, l'attaque avec fureur, tantôt dans les autres, tantôt en lui-même, dans son esprit, dans son cœur, dans sa conscience. Inutiles efforts! Au moment même où il se croit vainqueur, au moment

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où, plein d'orgueil, il s'applaudit d'avoir enfin terrassé, anéanti cette vérité implacable, l'imposante vision, plus menaçante et plus formidable, revient de nouveau le désoler.

Mais si l'homme, esclave des sens, est ennemi de la vérité, et, par conséquent, des hautes doctrines qui émanent du ciel et qui l'y rappellent, il n'est pas moins ennemi des lois éternelles de l'ordre, parce que l'ordre n'est au fond que l'ensemble des vérités qui résultent de la nature des êtres et de leurs rapports; vérités qu'on nomme devoirs, à cause qu'elles ne sont pas seulement l'objet de l'intelligence, mais doivent encore influer sur la conduite qu'elles règlent, en imposant la double obligation de s'interdire certains actes et d'en produire de contraires. Or, toutes les vérités tenant l'une à l'autre, et se confondant en quelque sorte dans leur source, l'homme est contraint de les attaquer toutes, dès qu'une fois l'intérêt de ses passions l'a porté à en ébranler une. Ainsi, par une liaison nécessaire, la corruption des mœurs enfante la corruption de l'esprit; le désordre dans les actions amène le désordre dans les pensées, ou l'erreur; et la dépravation de l'être moral, une dépravation semblable de l'être intelligent. L'inconséquence tourmente le cœur humain au

tant qu'elle révolte la raison; et de là vient qu'il suffit souvent de changer de vie, pour croire à la vérité qu'on nioit. Mais la vérité, même abstraite, devient infailliblement un objet de haine, tandis que la vertu pratique n'est point un objet d'amour; et comme la haine par sa nature, est un principe de destruction, de même que l'amour est un principe de production et de conservation, l'homme abruti par les sens, et livré aux plaisirs du corps, devient naturellement destructeur: son âme s'endurcit et se plaît dans les spectacles de ruine et de sang : il contracte des goûts barbares, des habitudes féroces; et c'est une observation singulièrement remarquable, que tous les peuples impies, ou, si l'on veut, incroyans, ont été des peuples voluptueux, et tous les peuples voluptueux des peuples cruels. Considérez les nations païennes : quel oubli de l'humanité dans la guerre comme dans la paix, dans les lois comme dans les mœurs, dans les temples comme au théâtre, dans le cœur du maître comme dans celui du père ! Mais aussi, quel abject matérialisme dans la Religion! quelle aversion pour les doctrines qui tendent à élever l'homme et à spiritualiser sa pensée! La Grèce polie et savante envoie Socrate au supplice, parce qu'il annonçoit l'unité de Dieu; et cette même

Grèce, couronnée de fleurs, égorge, en chantant, des victimes humaines, et couvre son territoire d'autels infâmes.

Toujours l'asservissement aux sens produit une vive opposition aux vérités morales et intellectuelles; et l'on ne doit point chercher ailleurs la cause de la profonde haine qu'ont montrée dans tous les temps pour le Christianisme, certains individus et certains peuples. C'est le combat éternel, le combat à mort de la chair contre l'esprit, des sens, que la Religion chrétienne s'efforce de réduire en servitude contre la raison qu'elle affranchit, éclaire et divinise; parce que dans ses préceptes et dans ses dogmes, elle n'est que l'assemblage et la manifestation de toutes les vérités utiles à l'homme.

A l'époque où le Christianisme apparut sur la terre, le genre humain ne vivait plus, pour ainsi dire, que par les sens. Le culte, devenu un vain simulacre, ne se lioit à aucune croyance. On le conservoit par habitude, à cause de ses pompes et de ses fêtes, et surtout parce qu'il tenoit aux institutions de l'Etat. Du reste, la Religion en elle-même n'inspiroit ni foi ni vénération. Les sages et les grands la renvoyoient avec mépris à la populace, qui, moins corrompue peutêtre, vouloit que les vices qu'elle adoroit sous des noms empruntés, offrissent au

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