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qu'elle ait différentes facultés. Elle a donc la faculté de sentir ou de percevoir les choses sensibles : ce sont les passions (enyuntixóv). Elle a aussi la faculté d'abstraire et de généraliser, pour produire les notions (uuós). Enfin pour saisir les idées, elle a l'intelligence (vous). C'est là ce que nous appellerions aujourd'hui les facultés intellectuelles. Mais les mêmes puissances sont appétitives et actives et dès lors on les voit remplir les fonctions de la sensibilité et de la volonté. Les passions deviennent le principe de l'amour animal; le thumos devient le cœur, et fournit les sentiments nobles dans ce qui est passager; l'intelligence est alors tout à la fois le principe de l'amour supérieur, de l'amour idéal, et la volonté libre.

Déjà nous avons essayé en quelques mots (pag, 301) de défendre Socrate et Platon de l'accusation que quelques philosophes contemporains veulent faire peser sur eux, d'avoir méconnu la liberté de l'àme humaine. Nous devons ici expliquer plus longuement notre pensée.

Platon ne nie pas la liberté, au contraire il en parle plus d'une fois. S'il n'en donne aucune démonstration, c'est que cette vérité n'avait pas été attaquée de son temps. Quand il recommande la justice, la recherche du bien, la pratique de toutes les vertus et particulièrement la tempérance, sans laquelle, dit-il, l'homme ne saurait être maître de lui-même, il suppose la liberté. Il nous semble donc que pour l'accuser de fatalisme ou de toute autre doctrine analogue, il faudrait qu'il l'eût dit formellement. Au contraire il définit l'àme « une substance qui a la faculté de se mouvoir elle-mėme ».

Mais, dira-t-on, il enseigne que la vertu est une science, que dès qu'on connait le bien on le veut, et que l'homme qui fait le mal ne fait pas ce qu'il veut. Nous ne voyons en tout cela que des exagérations de mots, fondés sur cette intime persuasion, que l'homme est naturellement fait pour le bien absolu, et que pour lui faire faire le bien, il suffit de le lui montrer. Mais ces paroles ne disent pas qu'en faisant le bien dès qu'il le voit comme bien, l'homme ne le fasse pas librement.

148. Théodicée de Platon. Nous l'avons dit déjà, Platon conçoit Dieu sous l'idée du bien; il l'appelle quelquefois simplement le Bien. Et comme l'idée du bien résume toutes les idées; Dieu résume en lui toutes les idées; il est la substance des idées. Eternel, immuable et absolu comme les idées, il est souveraine

ment parfait. Il est la beauté même et le principe de toute perfection. Il est par là-même la souveraine intelligence et le principe des intelligences, C'est par sa lumière que nos intelligences voient les idées, comme nos yeux voient les objets corporels par la lumière du soleil.

Dieu a disposé la matière selon les idées et formé le monde, qu'il gouverne ensuite par une Providence attentive aux moindres détails.

Dirons-nous que Platon conçoit Dieu comme libre? Oui, car il dit formellement que Dieu a disposé le monde en vue du bien. Et pour entendre cette proposition dans le sens de la nécessité il faudrait que Platon l'eût affirmé ainsi. C'est ce qu'il n'a pas fait.

Il est vrai que Platon considère Dieu comme bon par essence et faisant le monde parcequ'il est bon. Mais tous les théologiens catholiques disent la même chose, sans vouloir faire entendre que Dieu agisse nécessairement.

De plus, Platon est optimiste, et suppose que le mal qui est dans le monde, n'est qu'un moindre bien, rendu inévitable par la nature même du contingent, qui ne peut posséder la perfection absolue; mais en cela il veut comme plus tard Leibnitz, justifier la Provi dence, et s'il pense que la présence du mal est inévitable, il ne dit pas que le choix de tel bien soit nécessaire.

149. Esthétique de Platon. L'esthétique, c'est-à-dire la théorie des sentiments, ou la théorie du beau, occupe une grande place dans la philosophie de Platon. Il avait pris de son maître, Socrate, cette haute estime du beau; mais on peut dire qu'il l'a mieux compris, et surtout que l'idée qu'il en a est bien plus élevée.

Au plus bas degré se trouve le beau physique, la beauté qui vient des formes, et Platon fait grand cas de cette beauté et reconnaît qu'elle attire l'âme humaine, mais il croit que ce n'est pas pour elle-même qu'on l'aime. Il pense que la beauté physique n'attire l'âme que parce qu'elle reflète l'âme. Donc la beauté de l'âme est supérieure à la beauté corporelle.

Cependant, au-dessus de la beauté de l'ame elle-même se trouve le monde des idées qui nous fournit le beau idéal, splendeur de

l'idée du bien, qui résume en elle toutes les idées, et dont l'attrait excite toutes les grandes actions et particulièrement l'enthousiasme qui en est le mobile. Mais ce n'est pas tout.

Par delà l'idée du bien, se trouve le bien en soi, réel et subsistant, le bien absolu et immuable en lui-même, substance dont les idées ne sont que les images. Le bien en soi, c'est Dieu lui-même. Et Platon déclare que l'âme tend à s'élever jusqu'à cet amour, bien plus jusqu'à posséder par l'amour cette beauté absolue qui est Dieu, et on sent que les expressions lui manquent pour dire ce qu'il pressent du bonheur de celui qui arriverait à cet amour et à cette possession.

150. Morale de Platon. - Fidèle aux principes de son maître, Platon fait de la morale le but de toute sa philosophie. La loi morale est pour lui l'idée du bien, et cette idée est chez lui beaucoup plus détachée de l'idée de l'utile que chez Socrate.

L'être tend par sa nature à être tout ce qu'il peut être. 11 tend donc à la perfection. C'est ainsi que la volonté tend naturellement vers le bien, que l'âme connaît par les idées. Donc la perfection de l'âme c'est sa conformité aux idées, à l'idée du bien. Cette conformité c'est la vertu. Ainsi considérée, en général, la vertu s'appelle la justice. Elle consiste à disposer tous ses actes selon l'ordre voulu par les idées. La justice dirige ainsi l'homme à l'égard de lui-même, à l'égard de la société, à l'égard des choses même et à l'égard de Dieu.

Considérée dans ses rapports avec les facultés de l'âme la justice constitue trois vertus: la sagesse, qui est la justice de la raison; le courage, qui est la justice du creur; la tempérance, qui est la justice de la sensibilité physique, ou des passions. La justice proprement dite est la justice de la volonté, ou de l'âme tout entière.

La justice doit être recherchée pour elle-même, et il vaut mieux souffrir une injustice que de la commettre. Mais la justice porte avec elle-même sa récompense; seule elle donne le véritable bonheur, et l'homme qui se livre à l'injustice est le plus malheureux des hommes.

Bien plus, toute injustice doit être punie, et le châtiment

purifie l'âme de la souillure que lui laisse la faute commise. D'où il suit que le coupable qui échappe au châtiment est plus malheureux que celui qui le subit; car son âme reste dans le désordre qui seul est la cause du malheur.

Observation.

Nous n'avons pu que résumer très-succintement ici les doctrines si fécondes de ce grand philosophe; pour le faire connaître dans tout son jour, il nous aurait fallu citer partout ses paroles. Mais l'espace nous manquait pour cela. En effet les théories de Platon ne sont pas rangées dans un ordre classique; elles sont présentées dans de nombreux dialogues, avec toute l'abondance de style que comporte ce genre d'écrits, en sorte que pour citer textuellement une seule de ses pensées, il faudrait souvent plusieurs pages.

Cependant nous essayerons de suppléer autant que possible à cette lacune nécessaire en donnant ici l'analyse de deux de ses dialogues que l'on peut compter parmi les plus beaux, et considérer comme les plus capables de donner une idée exacte de la philoso phie de Platon.

151. Analyse de la République. L'objet propre de ce dialogue, au point de vue moral, c'est la justice, et si l'on en croit Platon luimême, ce n'est que pour mieux faire voir ce que doit être la justice dans l'individu, qu'il la montre d'abord dans l'état. Mais il est facile de voir que Platon a voulu donner aussi son idéal du gouvernement.

Dans un préambule ordinaire à Platon, Socrate fait apparaitre les différents personnages et décrit la situation. Puis le dialogue s'engage L'ouvrage se compose de dix livres. Le premier livre est une sorte d'introduction où l'on cherche la définition de la justice. Thrasymaque la définit « l'obéissance à la loi » et pour lui la loi n'est que l'intérêt du plus fort. Socrate proteste et dit que la loi est en faveur du plus faible. Mais Thrasymaque soutient que le chef du gouvernement ne cherche que son propre intérêt, et que d'ailleurs l'homme injuste seul comprend ses intérêts. Socrate veut montrer au contraire que la justice seule rend heureux. Alors Glaucon donne le portrait de l'homme juste et de l'hom me injuste, et sous une forme ironique, il dit qu'il faut paraitre juste mais non pas vouloir l'ètre, car l'homme juste n'obtiendra que la torture et les verges; il sera chargé de fers et mis en croix. Adimante replique qu'on ne doit pas rechercher la justice en vue du bien qu'elle procure.

Mais Socrate qui ne sépare pas l'idée du bonheur de celle de la justice reprend la démonstration de sa thèse et dit que l'on verra mieux la justice dans l'homme, en la considérant d'abord dans l'Etat. Il expose donc son Etat idéal.

La société s'explique par les besoins de chacun que personne ne pourrait satisfaire s'il était seul. La première nécessité pour l'Etat c'est de conserver son territoire. De là les guerriers. Il faut au guerrier le courage, qui suppose une certaine colère, il lui faut ensuite l'agilité et la force. Son éducation doit être dirigée dans ce but. L'éducation comprend la gymnastique, qui exerce le corps, et la musique, qui met l'harmonie entre les puissances de l'âme. C'est par la musique que l'éducation doit commencer. La musique doit exprimer la beauté de l'âme, par la parole, l'harmonie et le rhythme. Platon exclut les poètes qui faussent l'idée des dieux, en leur attribuant les passions des hommes. La gymnastique comprend la nourriture et l'exercice du corps. Les guerriers doivent mener une vie commune dans les camps, aux frais de l'Etat, et ne posséder rien en propre. Ainsi le veut le bien de tous, et la condition ne paraitra point dure à ceux qu'on y aura accoutumés dès leur enfance.

Les vertus nécessaires à la société sont: la prudence, chez les magis. trats; le courage, chez les guerriers; la tempérance, chez les mercenaires. La justice n'est que l'harmonie entre ces trois ordres.

Les vertus nécessaires à l'homme sont aussi : la prudence dans la raison, le courage dans le cœur, la tempérance dans les passions, et la justice qui est l'harmonie entre toutes les facultés.

Les femmes doivent recevoir la même éducation que les hommes, prendre part aux mêmes exercices, dont Platon essaye de justifier l'inconvenance, en disant que ce qui est utile est honnête; les femmes des guerriers doivent être communes à tous; il ne faut pas que les enfants connaissent leurs parents.

Tel est l'idéal. Pour y atteindre, il faut que les rois soient philosophes. Le philosophe se distingue des autres hommes en ce qu'il a la science, tandis que les autres n'ont que l'opinion. Par la science, le philosophe connaît le vrai bonheur et veut le faire partager aux autres, mais il est incompris, et se voyant en butte à la haine il renonce à se mêler aux affaires et jouit en paix de son repos.

C'est ici, dans le VII livre, que Platon expose sa théorie de la connaissance telle que nous l'avons donnée plus haut, mais il commence par l'allégorie de la caverne, que nous devons citer, en l'abrégeant toutefois.

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