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ensemble de théories parfaitement établies, rigoureusement démontrées, acceptées de tout temps et partout, incontestables et généralement incontestées, si ce n'est de la part de quelques individualités. Sauf les mathématiques, aucune autre science ne pourrait montrer un ensemble aussi complet, aussi universellement admis. Sans doute, il y reste des terrains à explorer, et les efforts de chaque jour découvrent des vérités jusqu'alors inconnues; mais ces vérités ne nous forcent jamais à abandonner celles que nous avions admises auparavant. Au contraire la pierre de touche de. toute doctrine philosophique nouvelle, c'est précisément cette comparaison que l'on en fait avec les doctrines anciennes. Il ne suffit pas qu'elle concorde pour la déclarer vraie : il faut encore la démontrer; mais elle est fausse dès qu'elle répugne à une vérité universellement admise déjà. Telle est la philosophie classique. Il en est autrement des sciences physiques, où une observation plus complète, une expérience plus délicate renverse les lois même que tout le monde avait reconnues pour démontrées.

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Par ce caractère d'universalité, comme aussi parce qu'elle pas de meilleurs gardiens que l'Eglise, la philosophie classique pourrait être appelée catholique, et sans doute plusieurs de nos lecteurs auraient préféré ce titre. Mais ce terme n'eût pas exprimé notre pensée. Sans doute la philosophie catholique est et doit être la même que la philosophie classique; mais, si on l'appelle catholique parce qu'elle est la philosophie de l'Eglise, on semble la restreindre; on semble exclure les auteurs non catholiques (et ils sont nombreux) qui ont admis et enseigné les mêmes doctrines. Nous prenons la vérité là où elle est: chez les païens, comme chez les juifs; chez les rationalistes, comme chez les chrétiens;

chez les protestants, comme chez les catholiques: c'est pour cela que nous ne disons pas philosophie catholique. Cependant la philosophie classique est essentiellement catholique; car, ne pouvant enseigner l'erreur, elle ne peut rien enseigner qui ne s'accorde avec la foi catholique.

La philosophie classique disons-nous ne peut pas enseigner l'erreur. En effet, elle est classique précisément en ce que l'ensemble de sa doctrine est pleinement démontré et universellement reconnu pour certain. Quelle autre garantie voudrait-on pour ne pas errer?

Et que l'on ne nous accuse pas de tomber ici dans l'erreur de Lamennais et de faire dépendre la certitude du consentement universel. Non, nous ne disons pas que la raison isolée ne possède aucune certitude, mais au contraire qu'une vérité contrôlée par toutes les certitudes individuelles a reçu la plus parfaite consécration que puisse lui donner l'intelligence humaine. Quelque partisan que l'on soit de la force de la raison individuelle, on ne l'est pas plus que nous. Nous croyons qu'un seul homme peut avoir raison contre des milliers sur toute question, et même contre le genre humain sur une question physique; mais nous ne pensons pas que l'on ose soutenir qu'une théorie puisse être vraie lorsqu'elle va à l'encontre de la certitude du genre humain.

Aussi, une théorie ne devient vraiment classique que lorsqu'elle a été ainsi contrôlée et acceptée par l'ensemble des philosophes classiques, c'est-à-dire par l'ensemble des philosophes qui ne rejettent aucune des doctrines universellement admises comme certaines; mais jusque là elle peut se produire, présenter ses preuves, se donner pour certaine et prétendre à entrer dans la philosophie classique, pourvu qu'elle n'en contredise pas les données,

Outre ce caractère d'universalité, la philosophie classique porte encore un caractère de tradition. Les grandes vérités qu'elle enseigne n'ont pas été découvertes par la réflexion on les trouve au berceau du genre humain. Et loin de lui ôter son caractère scientifique, cette condition lui donne une force de plus. Elle roule en effet sur des questions dont la solution est nécessaire au genre humain, et que les premiers hommes ne pouvaient pas ignorer. De plus, la philosophie classique, même dans les détails qu'y ajoute le travail de l'esprit humain de siècle en siècle, se transmet de génération en génération, développée mais intacte. Faudrait-il donc l'appeler traditionnelle? Non: il est de l'essence de la philosophie classique de se développer, de s'accroître chaque jour de quelque vérité nouvellement connue. Elle n'est donc pas purement traditionnelle. Et d'ailleurs, nous ne suivons pas la doctrine des traditiona listes, que l'Eglise a condamnés en 1840, prenant ainsi. contre le zèle mal entendu de ses propre amis, la défense de la raison méconnue, efle que l'on accuse de vouloir étouffer

la raison.

Nous ne disons pas non plus philosophie scolastique, quoique le sens soit étymologiquement le même; car ce terme a pris un sens plus restreint et désigne seulement une époque, une phase de la philosophie classique.

Enfin le lecteur qui verra le cas que nous faisons de tous les systèmes, et le soin avec lequel nous exposons toutes les erreurs, pour mieux faire distinguer la vérité, pourra croire, peut-être, que nous revenons à l'éclectisme de Cousin. Non, encore: la philosophie classique n'est pas éclectique. Sans doute, il y a du vrai dans tous les systèmes; nous disons même que toute erreur qui vient contredire une vérité clas

sique a pour origine une autre vérité nouvellement aperçue dans la première, mais mal vue et prise trop absolument, ou mal exprimée; nous sommes d'avis que les systèmes les plus erronés sont, dans la pensée de leur auteur, plus près de la vérité, que dans leurs paroles et surtout, que dans les sens que nous leur prêtons. Mais nous ne dirons pas pour cela, avec Cousin, que pour avoir le vrai il suffit de réunir les affirmations fournies par tous les systèmes et d'en retraneher les négations. Cette épreuve de comparaison ne saurait constituer un criterium de vérité. Le critérium de la philosophie classique, c'est la raison de chacun et la raison de tous la raison et non pas l'opinion née de l'imagination. Avec cette règle, nous montrons que les systèmes ne sont qu'une vue incomplète de la vérité; mais nous jugecns les systèmes par la vérité et non la vérité par les systèmes.

Notre premier but est donc de montrer à tous ceux qui la dédaignent, que la philosophie est une science, au même titre et à meilleur titre que les autres, et c'est l'ensemble des données certaines de cette science que nous avons voulu exposer. Mais cette exposition ainsi conçue n'existait pas; les matériaux en étaient épars dans des milliers d'ouvrages: if fallait les réunir; il fallait surtout les présenter dans leur vrai sens; il fallait montrer, l'histoire en main, que ces doctrines sont vraiment classiques. En tout cela nous avons pu nous tromper quelques fois : nous avons pu surtout être incomplet c'est pour cela que notre travail porte le titre d'essai

A côté de ce but, nous en avions un second, et c'est même celui-ci qui a été Loccasion de notre travail. Obligé par notre charge de diriger nos élèves dans la recherche de la vérité, nous avons voulu trouver la solution de bien des

questions qui, dans la philosophie classique, étaient encore à l'état de problèmes, et nos recherches personnelles nous ont fait découvrir des théories nouvelles qui nous paraissent certaines et destinées à devenir classiques. Bien des fois même, après les avoir trouvées, nous nous sommes aperçu que nos théories étaient au moins en germe dans des ouvrages très estimés, là où nous ne les avions pas aperçues tout d'abord. Ce sont ces théories nouvelles que nous avons voulu faire connaître et introduire dans le domaine de la philosophie classique, dont, selon notre conviction, elles ne s'écar

tent pas.

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Tout ce que nous venons de dire doit faire comprendre au lecteur en quel sens nous disons de notre œuvre: Non nova sed nové. Le fonds de vérité reste le même, mais le point de vue est nouveau et souvent les arguments que nous en apportons ou les explications que nous en donnons nous appartiennent en propre et constituent, croyons-nous, un progrès.

Non offrons cet écrit à nos élèves d'abord et ensuite à tous les jeunes gens qui étudient la philosophie, et dans ce sens encore notre livre est une philosophie classique. C'est pour cela que nous y donnons bien des détails, qui seraient inutiles, si nous n'avions d'autre but que celui que nous avons exposé d'abord. Nous avons voulu pour cela être assez complet, en restant assez bref, n'offrir que des doctrines sûres et réfuter toutes celles que les élèves peuvent plus facilement rencontrer et qui pourraient les tromper.

Quelques lecteurs attendent sans doute que nous indiquions ici les questions sur lesquelles nous avons des vues nouvelles. Il nous serait difficile d'en donner la liste, car elles sont nombreuses et répandues partout, dans l'ouvrage. Nous

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