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billets. Oui, j'ai bien étudié ma position, n'ayez aucune peur, je payerai, sauvez, sauvez votre honneur !

J'étais bien sûre de lui, s'écria Césarine en saisissant la main de Popinot et la serrant avec une force convulsive.

Madame César embrassa Popinot, le parfumeur se dressa comme un juste entendant la trompette du jugement dernier, il sortait comme d'une tombe! Puis il avança la main par un mouvement frénétique pour saisir les cinquante papiers timbrés.

Un instant, dit le terrible oncle Pillerault en arrachant les billets de Popinot, un instant:

Les quatre personnages qui composaient cette famille, César et sa femme, Césarine et Popinot, étourdis par l'action de leur oncle et par son accent, le regardèrent avec terreur déchirant les billets et les jetant dans le feu qui les consuma, sans qu'aucun d'eux ne les arrêtât au passage.

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Ce fut quatre voix, quatre cœurs en un seul, une effrayante unanimité. L'oncle Pillerault prit le petit Popinot par le cou, le serra sur son cœur et le baisa au front.

Tu es digne de l'adoration de tous ceux qui ont du cœur, lui dit-il. Si tu aimais ma fille, cût-elle un million, n'eusses-tu rien que ça (il montra les cendres noires des effets), si elle t'aimait, vous seriez mariés dans quinze jours. Ton patron, dit-il en désignant César, est fou. Mon neveu, reprit le grave Pillerault en s'adressant au parfumeur, mon neveu, plus d'illusions: on doit faire les affaires avec des écus et non avec des sentiments. Ceci est sublime, mais inutile. J'ai passé deux heures à la Bourse, tu n'as pas pour deux liards de crédit; tout le monde parlait de ton désastre, de renouvellements refusés, de tes tentatives auprès de plusieurs banquiers, de leurs refus, de tes folies, six étages montés pour aller trouver un propriétaire bavard comme une pie afin de renouveler douze cents francs, ton bal donné pour cacher ta gêne. On va jusqu'à dire que tu n'avais rien chez Roguin. Selon vos ennemis, Roguin est un prétexte. Un de mes amis, chargé de tout apprendre, est venu confirmer mes soupçons : chacun pressent l'émission des effets Popinot; tu l'as établi tout exprès pour en faire une planche à bil

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lets. Enfin, toutes les calomnies et les médisances que s'attire un homme qui veut monter un bâton de plus sur l'échelle sociale roulent à cette heure dans le commerce. Tu colporterais vainement pendant huit jours les cinquante billets de Popinot sur tous les comptoirs; tu essuyerais d'humiliants refus; personne n'en voudrait rien ne prouve le nombre auquel tu les émets, et l'on s'attend à te voir sacrifiant ce pauvre enfant pour ton salut. Tu aurais détruit en pure perte le crédit de la maison Popinot. Sais-tu ce que le plus hardi des escompteurs te donnerait de ces cinquante mille francs? Vingt mille, vingt mille, entends-tu? En commerce, il est des instants où il faut pouvoir se tenir devant le monde trois jours sans manger, comme si l'on avait une indigestion, et le quatrième on est admis au garde-manger du crédit. Tu ne peux pas vivre ces trois jours, tout est là. Mon pauvre neveu, du courage, il faut déposer ton bilan. Voici Popinot, me voilà, nous allons, aussitôt tes commis couchés, travailler ensemble afin de t'éviter ces angoisses.

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Mon oncle, dit le parfumeur en joignant les mains.

César, veux-tu donc arriver à un bilan honteux où il n'y ait pas d'actif? Ton intérêt chez Popinot te sauve l'honneur.

César, éclairé par ce fatal et dernier jet de lumière, vit enfin l'affreuse vérité dans toute son étendue, il retomba sur sa bergère, de là sur ses genoux, sa raison s'égara, il redevint enfant; sa femme le crut mourant, elle s'agenouilla pour le relever; mais elle s'unit à lui, quand elle lui vit joindre les mains, lever les yeux et réciter avec une componction résignée en présence de son oncle, de sa fille et de Popinot la sublime prière des catholiques.

« Notre père qui êtes aux cieux, que votre nom soit sanctifié, que votre règne arrive, que votre sainte volonté soit faite dans la terre comme dans le ciel, DONNEZ-NOUS NOTRE PAIN QUOTIDIEN, et pardonnez-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés. Ainsi soit-il ! »

Des larmes vinrent aux yeux du stoïque Pillerault, Césarine accablée, en larmes, avait la tête penchée sur l'épaule de Popinot pâle et raide comme une statue.

- Descendons, dit l'ancien négociant au jeune homme en lui prenant le bras.

A onze heures et demie, ils laissèrent César aux soins de sa femme et de sa fille. En ce moment, Célestin, le premier commis, qui

durant ce secret orage avait dirigé la maison, monta dans les appartements et entra au salon. En entendant son pas, Césarine courut lui ouvrir pour qu'il ne vît pas l'abattement du maître.

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Parmi les lettres de ce soir, dit-il, il y en avait une venue de Tours, dont l'adresse était mal mise, ce qui a produit du retard. J'ai pensé qu'elle est du frère de monsieur, et ne l'ai pas

ouverte.

Mon père, cria Césarine, une lettre de mon oncle de Tours. Ah! je suis sauvé, cria César. Mon frère! mon frère! dit-il en baisant la lettre.

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RÉPONSE DE FRANÇOIS A CÉSAR BIROTTEAU.

Tours, 17 courant.

« Mon bien-aimé frère, ta lettre m'a causé la plus vive affliction. Après l'avoir lue, je suis allé offrir à Dieu le saint sacrifice de la messe à ton intention, en l'intercédant par le sang que son fils, notre divin Rédempeur, a répandu pour nous, de jeter sur tes peines un regard miséricordieux. Au moment où j'ai prononcé mon oraison Pro meo fratre Cæsare, j'ai eu les yeux pleins de larmes en pensant à toi, de qui, par malheur, je suis séparé dans les jours où tu dois avoir besoin des secours de l'amitié fraternelle. Mais j'ai songé que le digne et vénérable monsieur Pillerault me remplacera sans doute. Mon cher César, n'oublie pas au milieu de tes chagrins que cette vie est une vie d'épreuves et de passage; qu'un jour nous serons récompensés d'avoir souffert pour le saint nom de Dieu, pour sa sainte église, pour avoir observé les maximes de l'Évangile et pratiqué la vertu; autrement les choses de ce monde n'auraient point de sens. Je te redis ces maximes, en sachant combien tu es pieux et bon, parce qu'il peut arriver aux personnes qui, comme toi, sont jetées dans les orages du monde et lancées sur la mer périlleuse des intérêts humains, de se permettre des blasphèmes au milieu des adversités, emportés qu'ils sont par la douleur. Ne maudis ni les hommes qui te blesseront, ni Dieu qui mêle à son gré de l'amertume à ta vie. Ne regarde pas la terre, au contraire, lève toujours les yeux au ciel : de là viennent des consolations pour les faibles, là sont les richesses des pauvres, là sont les terreurs du riche...

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