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LIVRE X

LES ANTIQUITÉS DE LA GRÈCE'.

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Sommaire I. La Cité antique. II. Divisions du temps, chronologie. III. La Grèce homérique. IV. Les États doriens. V. Constitution d'Athènes. VI. Assemblées helléniques. VII. Droit civil et criminel à Athènes la Famille. VIII. La Maison, les Meubles, l'Habillement. IX. Repas, Jeux, Voyages. X. La Maladie et la Mort. - XI. Lieux du culte. XII. Cérémonies, Mystères, Fêtes. XIII. Les Prêtres, les Oracles, la Magie.

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Méthode. L'histoire serait une vaine fatigue, si elle ne cherchait dans l'étude des faits la connaissance des institutions et des mœurs, et dans celle-ci la science de l'esprit humain, qui est leur source commune2. C'est une psychologie expérimentale dont le passé fournit les documents. Ces documents valent par leur nombre, et pas un d'eux n'est à dédaigner; l'histoire politique les recueille et les classe. Mais l'histoire politique n'est qu'une étude préliminaire, une préface à l'histoire des institutions, qui s'élève au-dessus d'elle, à condition toutefois de s'élever sur elle. Car l'histoire des idées n'est qu'une construction fragile quand elle ne prend pas racine dans la science des faits.

C'est surtout par le passé grec et romain que la psychologie peut apprendre à connaître l'homme. Nous jugeons avec quelque impartialité ces époques déjà lointaines. L'amour-propre est moins sou

1. BIBLIOGRAPHIE. Ouvrages généraux: Hermann, Manuel des Antiquités grecques, édit. Bähr et Stark, 1875 (all.); une nouv. édit. paraît depuis 1882. Ouvrage absolument indispensable, donnant tous les textes importants. - Schoemann, Antiq. grecques, 3° édit., 1873 (all.), tr. fr., 1886; Antiquit. juris publ. Graecorum, 1858. - Wachsmuth, Antiq. politiques de la Grèce, 2o édit., 1846 (all.).

2. Fustel, Cité ant., p. 106 : « L'histoire n'étudie pas seulement les faits matériels et les institutions; son véritable objet d'étude est l'âme humaine; elle doit aspirer à connaître ce que cette âme a cru, a pensé, a senti aux différents âges de la vie du genre humain. » Cf. Perrot, Mél. archéol., p. 24, et Guizot, Mémoires, I, 392.

3. Aussi, pour l'école historique, la philologie et l'histoire sont-elles identiques. « Le but véritable de l'érudition, dit Littré, est de fournir des matériaux à la science de l'histoire.

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vent intéressé à les travestir. Puis, dans l'antiquité, la vie politique et sociale est plus simple, moins de mobiles agitent les esprits, et il semble plus aisé de les connaître en étudiant ce qu'ils ont créé.

Dans un livre qui pourrait s'intituler l'Esprit de l'Antiquité, Fustel de Coulanges a démêlé l'idée mère de la civilisation des anciens, l'idée directrice de leur histoire. Bien que ce chefd'œuvre, qui honore notre pays et notre temps, n'ait pas été moins lu que loué, je crois bien faire, en tête d'une esquisse rapide de la vie antique, de résumer brièvement ces belles pages, à qui nous devons de la mieux comprendre.

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La Famille et la Cité. La comparaison des croyances et des lois montre qu'une religion primitive a constitué la famille grecque et romaine, a établi le mariage et l'autoritė paternelle, a fixé les rangs de la parenté, a consacré le droit de propriété et le droit d'héritage. Cette même religion, après avoir élargi et étendu la famille, a formé une association plus grande, la cité, et a régné en elle comme dans la famille. D'elle sont venues toutes les institutions comme tout le droit privé des anciens. Mais, avec le temps, ces vieilles croyances se sont modifiées; les institutions se sont modifiées avec elles. Alors s'est déroulée la série des révolutions, dont la dernière, le christianisme, en détruisant l'idée de la cité, a mis fin aux sociétés antiques. Partout les transformations sociales ont suivi

On peut comparer au livre de Fustel celui de Sumner-Maine, l'Ancien droit, trad. Courcelle-Seneuil, 1874. Selon le « Montesquieu anglais », le droit, à l'origine, est l'ensemble des thémistes d'un patriarche-roi, qui passent bientôt à l'état de coutumes, de textes codifiés et immuables; pour les mettre en harmonie avec les besoins sociaux, les races progressives emploient trois moyens : les fictions légales, les considérations d'équité et la législation. La fiction, très fréquente à Rome, est un moyen de procédure qui a pour objet de dissimuler sous une forme constante l'altération survenue dans une règle de droit (adoption, émancipation, etc., etc.). L'équité a surtout dominé la pratique du droit en Grèce et plus tard à Rome, où les décrets d'équité (jus naturale), recueil des édits des préteurs, furent rassemblés par Salvianus sous le titre d'Édit perpétuel. La législation, c'est-à-dire les décrets d'un pouvoir supposé l'organe de la société entière, diffère des fictions légales comme l'équité, et de l'équité parce qu'elle tire son autorité d'une personne ou d'une corporation, et que sa force obligatoire est indépendante de ses princi pes (p. 29). Ihering (Esprit du droit, trad. fr. 1877) dit que « l'histoire commence avec infiniment peu ». Il fut un temps où les hommes n'avaient nulle idée d'une loi ou règle de la vie : le mot vopos n'est pas dans Homère. Le jugement (décision d'un dieu ou d'un roi qui rend les thémistes), puis la coutume (Sixn), gardée par la caste aristocratique, puis les lois ou tables quand l'écriture a été inventée et que la connaissance du droit est sortie des castes: telles sont les premières étapes dans l'histoire du droit. (Cf. Lubbock, Orig. de la civilisation, 1881.)

ANCIENNES CROYANCES.

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les transformations de l'intelligence; il faut connaître celles-ci pour se rendre compte de celles-là.

ANCIENNES CROYANCES. - 1. Une croyance commune à la race aryenne, c'est que l'âme, après la mort, restait près des hommes et continuait à vivre sous terre1. De cette croyance dériva la nécessité de la sépulture 2. L'âme qui n'avait pas de tombeau n'avait pas de demeure. Malheureuse, elle devenait malfaisante3. Les morts passaient pour des êtres sacrés, pour des dieux dont les tombeaux étaient les temples 4. Leurs âmes divinisées s'appelaient en Grèce démons ou héros, chez les Latins lares, mânes, génies. Le culte des morts est la plus ancienne religion des Aryens. La mort fut le premier mystère, et elle mit l'homme sur la voie des autres mystères.

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2. La maison d'un Grec ou d'un Romain renfermait un autel, dont le feu devait être entretenu jour et nuit. Le feu du foyer était la providence de la famille famille éteinte et foyer éteint sont des expressions synonymes. Il est probable que les morts furent anciennement ensevelis dans la maison, et que le culte du foyer n'a été à l'origine que le symbole du culte des morts 5. RELIGION DOMESTIQUE. Ces formaient la religion domestique, ancroyances térieure aux religions nationales, où chaque dicu ne pouvait être adoré que par une famille; car l'offrande ne devait être faite à un mort que par ses descendants. Cette religion du foyer et des ancêtres a constitué la famille antique, qui est une association religieuse encore plus qu'une association de nature. MARIAGE 6. La cérémonie sacrée par excellence est le mariage, car il s'agit, pour la jeune fille, d'abandonner son foyer, de changer de rites et de religion. Une union marquée de ce caractère rend le divorce presque impossible. DROIT DOMESTIQUE. Chaque père attendait de sa postérité la série des repas funèbres qui devaient assurer à ses månes le repos et le bonheur. Cette opinion a fondé le droit domestique chez les anciens pour eux, le célibat est à la fois une impiété et un malheur, que les lois punissent dans la vieille Rome 7.

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1. Sub terra censebant reliquam vitam agi mortuorum. »> (Cic., Tusc., 1, 10.) Ainsi les premiers Aryens ont eu l'idée de la vie future, mais non celle d'un autre monde. 2. Voy. surtout l'Antigone de Sophocle.

3. A certains jours de l'année, on portait un repas à chaque tombeau, destiné au mort vivant sous terre. Dans les lois de Manou, l'Hindou doit porter aux mânes le repas appelé Graddha. La croyance aux revenants a la même origine. 4. D'où l'inscription gravée sur les tombeaux : Dis Manibus.

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5. Serv., ad Æn., 5, 84; 6, 152. Le langage ordinaire confondait le foyer et le lare don tique. Plus tard, on personnifia l'autel sous le nom d''Estia, Vesta, la flamme vivante. La religion du feu sacré date de l'époque aryenne. Le Grec et l'Italien offrent sur l'aute des sacrifices et des libations de vin, qui, en brûlant, alimentent le dieu du foyer: l'Hin-, dou verse sur l'autel la liqueur fermentée nommée soma.

6. Anciennement, le mariage (rános) s'appelle to;, qui signifie cérémonie sacrée. Le mariage grec comprend trois actes: le premier se passe devant le foyer du père (¿yrúnois); le troisième au foyer du mari (to); le second était le passage de l'un à l'autre (on). Même division dans le mariage romain (traditio, deductio in domum, confarreatio).

7. Les lois de Manou appellent le fils ainé « celui qui est engendré pour l'accomplissement du devoir ».

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LA FAMILLE ET LA PROPRIÉTÉ.

Le fils destiné à perpétuer la religion domestique devant être le fruit d'une union religieuse', le mariage était une obligation, et le divorce un droit dans le seul cas de stérilité. Le devoir de perpétuer le culte domestique a été aussi le principe du DROIT D'ADOPTION.

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PARENTÉ, AGNATION. 1. Platon dit que la parenté est communauté des mêmes dieux domestiques. Or le droit de faire les sacrifices au foyer ne se transmettant que de mâle à mâle, on ne pouvait être parent par les feinmes.

2. Pour les Romains, deux hommes de la même famille, même proches parents au sens moderne, ne pouvaient être agnats que si, en remontant de mâle en mâle, ils se trouvaient avoir des ancêtres communs. L'agnation est la parenté religieuse, tandis que la parenté indépendante de la religion domestique s'appelle COGNATION.

PROPRIÉTÉ. L'idée de propriété privée est dans la religion même, qui attache la famille au foyer, lequel est attaché au sol 3. Aussi la vie en communauté, le phalanstère, était-elle impossible dans l'antiquité. Le droit de propriété est placé au-dessus de tout et inviolable.

SUCCESSION. Le fils hérite non par la volonté de son père, mais de plein droit. Il est héritier nécessaire, parce qu'il continue le culte du foyer, dont le droit de propriété est inséparable. De là vient, dans le droit romain, que la fille mariée n'hérite pas du père; dans le droit grec, qu'elle n'hérite en aucun cas. A Athènes, pour concilier la prescription religieuse avec le sentiment naturel, la loi décida que la fille épouserait l'héritier. La succession collatérale est réglée sur les mêmes principes : les biens passent au plus proche parent religieux".

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PUISSANCE PATERNELLE. - 1. La famille n'a pas reçu les lois de la cité : elle lui a donné les siennes. Le droit privé existait avant le droit public, qui n'est pas l'œuvre de quelque législateur, mais le fruit des premières croyances.

2. La famille est un corps organisé par la religion domestique. Le père n'est pas seulement l'homme fort qui protège, il est le prêtre, l'héritier du foyer. Son nom est synonyme de celui de roi et de chef. De là, l'étendue de l'autorité paternelle, et la morale primitive, qui trace à l'homme avec une admirable netteté ses devoirs de familles.

1. Et non un bâtard, vólog, spurius.

2. Lois, V, p. 729.

3. Le Terme, Terminus, eds opios, qui, chez toutes les races aryennes, garantit la propriété, n'est que le représentant sacré du culte domestique.

4. Ainsi s'explique que l'expropriation pour dettes ne se rencontre jamais dans le droit ancien des cités. Dans beaucoup de villes (Arist., Polit., 2, 4, 4) les anciennes lois interdisaient la vente des terres. Fustel pense que la propriété collective n'a existé à aucune époque de l'histoire. Cela semble prouvé tout au moins pour les Aryens. Le communisme, chimère du temps présent, n'a pas été une réalité dans le passé.

5. Le droit de tester n'était pas connu à l'origine. le droit hindou l'ignore, le droit athénien jusqu'à Solon l'interdit. A Rome, le testament était une véritable loi d'exception qui avait besoin de recevoir l'approbation de la volonté souveraine, c'est-à-dire du peuple rassemblé en curies sous la présidence du pontife

6. Haeres necessarius. (Digeste, 38, 16, 14.)

7. L'héritage, dans l'Inde, appartient au plus proche sapinda. (Lois de Manou, 9, 186, 189.) 8. L'idée de paternité n'est que secondaire. Le mot désignant proprement le père est g'anitar, revetne, genitor. Le mot pater a un sens religieux que l'on retrouve dans l'épi

LES DIEUX DE L'OLYMPE.

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LA GENS. 1. La gens est une unité, un corps fermé, que l'on retrouve à Rome et à Athènes, et dont le caractère essentiel est qu'elle a en elle-même un culte et un droit. La gens est la famille ayant encore son organisation primitive, son unité fondée sur la religion : c'est la forme la plus ancienne de la société. Mais la famille ancienne est plus vaste que la famille moderne : elle comprend en outre les serviteurs, nés du besoin que le pauvre et le riche ont l'un de l'autre, qui entrent dans la gens par une cérémonie analogue à celles du mariage et de l'adoption. Le serviteur acquérait ainsi le culte et le droit de prier, en s'attachant irrévocablement à la famille.

2. Même si son maître le faisait sortir de la servitude, il ne pouvait pas quitter la gens: il devenait affranchi ou CLIENT, lié à son patron par la réciprocité de devoirs inviolables'. La clientèle est une institution de droit domestique, et elle a existé dans les familles avant qu'il y eût des cités.

PHRATRIE, CURIE, TRIBU, CITÉ. 1. Plusieurs familles pouvaient, sans sacrifier leur religion particulière, s'unir pour la célébration d'un autre culte commun. Ainsi se formèrent des unités religieuses plus compréhensives, la phratrie ou curie, la tribu, enfin la cité. Chacune de ces associations avait son autel, ses rites, son dieu 2, ses lois, son prêtre et son chef3.

2. Famille, tribu, cité, sont des sociétés exactement semblables entre elles, et qui sont nées l'une de l'autre par une série de fédérations. A Rome et à Athènes, comme dans de grandes familles, les Vestales entretiennent le foyer public, l'archonte fait le sacrifice au nom de la cité entière.

LES DIEUX DE L'OLYMPE.

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A côté de cette religion de la famille, l'impression des forces de la nature fit naître dans l'homme l'idée et le culte des dieux de l'Olympe. Ces deux religions, absolument différentes par leur origine et leurs pratiques, ne se confondirent jamais; elles coexistèrent, l'une s'affaiblissant, l'autre progressive, pendant toute la durée des sociétés antiques.

LA VILLE. La cité est l'association religieuse des tribus, la ville en est le sanctuaire. Aussi, la fondation d'une ville est-elle un acte religieux. C'est une

thète de Jupiter, pater hominumque deorumque or Jupiter n'est pas le père des dieux. Cette manière de voir dans le père le principe de la famille primitive semble en contradiction avec une théorie célèbre développée par Bachofen (le Droit de la mère, 1861; cf. Giraud-Teulon, la Mère, 1868), qui pense qu'avant la paternité, fait idéal, on a dû tenir compte de la maternité, fait d'une constatation facile; par suite, que la base de la famille était la femme, comme cela paraît avoir eu lieu chez les Lyciens (Hérod., 1, 173), qui portaient le nom de leur mère, chez les Ibères (il en subsiste des traces chez les Basques), chez les Lélèges ou habitants primitifs de la Grèce. (Voy. Benloew, Grèce av. les Grecs, p. 186 sqq., et sa Langue albanaise, à la fin.) On pourrait ajouter les Étrusques, puisque Mécène, descendant des Cilnii, porte le nom des Mecnés, ses aïeux maternels. En somme, il est très probable que la gynécocratie, ou supériorité sociale de la femme dans la tribu, a régné dans les populations primitives (anaryennes) que les Aryens ont refoulées, et dont les Ibères, les Étrusques, les Lyciens, les Lélèges, sont peut-être les débris : mais le père seul est la base de la famille chez les Aryens. On peut mettre d'accord par cette distinction, Bachofen et Fustel. 1. C'est la religion qui rend ces devoirs sacrés, et les anciens donnent aux vertus domestiques le nom de piété.

2. Le dieu de la tribu, qui lui donnait son nom, s'appelait le héros éponyme.

3. Le tribunus, quλobaothɛús, est le chef de la tribu. V. Hauvette, Bull. Corr. Hell., III, 71. 4. Si Thésée, comme le dit la tradition, réunit les douze États attiques en une cité, c'est qu'il réussit à faire adopter dans toute l'Attique le culte d'Athéné Polias, de sorte que tout le pays célébra dès lors en commun le sacrifice des Panathénées.

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