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tique sérieuse doit se proposer pour but d'améliorer les livres et non de flatter les auteurs. Charles Graux la comprenait ainsi, et c'est l'honneur de la Revue qu'il dirigeait d'avoir substitué, en France, ce genre de critique à la complaisance banale qui n'est que la complicité dans l'erreur.

Depuis que ce livre a été écrit j'ai visité l'Italie et l'Orient; j'ai eu l'occasion d'étudier dans le détail bien des questions d'archéologie, de philologie et d'histoire auxquelles j'étais presque étranger en 1880. Lorsque je reçus l'avis, à mon retour d'Athènes, qu'une seconde édition du Manuel était devenue nécessaire, j'éprouvai d'abord comme un mouvement d'effroi. Je compris qu'en le récrivant tout entier je risquerais de lui faire perdre les deux caractères qui l'ont fait bien accueillir la brièveté et l'équilibre des parties. Je sentis aussi que l'habitude des recherches spéciales m'avait rendu difficile envers moimême et plus soucieux de la qualité que de la quantité de mes connaissances.

Ce n'est pas dans cette disposition d'esprit qu'on peut aborder un travail encyclopédique. Au moment où je composais le Manuel, pendant ma troisième année d'École normale, j'allai demander l'avis d'un de mes maîtres sur l'opportunité de cette publication. «< Imprimez-le bien vite, me répondit-il; dans deux ans vous n'oseriez plus ! » J'ai reconnu depuis combien ce conseil avait de bon sens. Si le Manuel était resté manuscrit jusqu'à présent, je me garderais de l'offrir au public. Pour affronter une épreuve aussi rude, il faut non seulement l'enthousiasme de la jeunesse, mais cette heureuse illusion d'une science naissante qui prend son horizon pour les bornes du connaissable. Ce sont des qualités que j'ai perdues en voyage. Mais le livre existait, il fallait le réimprimer, et mes scrupules n'avançaient en rien les choses. Voici le parti auquel je me suis arrêté.

J'ai mis le plus grand soin à corriger et à mettre au courant mon ancien texte, tout en m'imposant la règle de n'en augmenter l'étendue que d'un petit nombre de pages. Un seul livre a été

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récrit en entier, le livre VII, parce que la bibliographie qu'il renfermait m'a paru mal disposée et insuffisante; dans le reste de l'ouvrage j'ai plutôt corrigé qu'ajouté, et les paragraphes entièrement nouveaux sont en petit nombre 1.

Mais cette deuxième édition revue et augmentée n'est que la moitié du nouveau Manuel; elle a pour complément indispensable l'Appendice qui sera publié prochainement. Dans la préface que j'écrirai pour ce second volume, je ferai connaître les principes dont je me suis inspiré en le rédigeant. Je me contente de dire ici qu'il contiendra, sous une forme très concise, tout ce que je n'ai pas voulu introduire dans la deuxième édition de l'ouvrage lui-même, de crainte d'en rendre le format incommode et la lecture trop pénible. On y trouvera, en particulier, une bibliographie très étendue qui complétera, sans faire double emploi avec elles, les indications données dans le Manuel. Naturellement, ce sont les branches de la philologie qui m'ont occupé spécialement depuis trois ans, l'épigraphie, l'archéologie de l'art et la géographie comparée, qui seront traitées avec le plus de développements; mais une disproportion qui aurait pu choquer dans le texte paraîtra sans doute plus excusable dans l'Appendice. Bien que s'adressant spécialement aux candidats à l'agrégation et aux philologues, ce second volume sera, je l'espère, intelligible pour tout le monde et représentera comme un cours d'études supérieur auquel le premier servira d'introduction.

L'usage du Manuel est facilité par la nouvelle table des matières, où j'ai distingué le plus possible les homonymes et que j'ai considérablement augmentée. L'Appendice donne en général les titres des ouvrages dans la langue où ils sont écrits ; j'aurais introduit cette modification dans le Manuel même, si les conseils qui m'ont été donnés à cet effet n'avaient été contredits par

1. Les additions les plus considérables portent sur l'art industriel, les ligues fédé rales des Grecs, la marine romaine et les institutions de bienfaisance. Mais il n'y a presque pas une seule page qui n'ait subi des modifications de détail.

2. M. Rouch, qui a corrigé les épreuves de cette édition, a bien voulu m'aider dans la rédaction de l'index: je lui en exprime ici tous mes remerciements.

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les remerciements que la traduction des titres m'a valus. J'ai bien vite reconnu que je ne pouvais contenter tout le monde, et j'ai pris le parti de ne rien changer lorsque les critiques des uns seraient atténuées par l'approbation des autres. Quelques jeunes gens m'ont écrit pour se plaindre du manque de gravures; je n'ai pu tenir compte de cette réclamation, parce qu'il importait avant tout de ne pas grossir outre mesure le volume. D'ailleurs, le Dictionnaire des Antiquités de M. Saglio et la grande Histoire des Romains de M. Duruy, qui sont des ouvrages fort répandus, contiennent une collection de vignettes d'une exécution irréprochable; il eût été au moins inutile de les reproduire dans un livre déjà très chargé de matière et qui n'a pas la prétention de remplacer tous les autres.

Dans la préface de la première édition, j'ai expliqué comment le noyau du Manuel avait été un résumé très court du Triennium philologicum de M. Freund. Bien que mes recherches et mes lectures eussent fort augmenté, dès l'origine, la quantité de faits contenus dans ce résumé, j'ai cru devoir présenter mon livre comme une adaptation du Triennium. Il en est résulté quelques malentendus que j'aurais pu prévoir et éviter. Les uns m'ont reproché d'avoir passé sous silence des chapitres entiers du Triennium; d'autres ont vainement cherché dans le Triennium le développement de plusieurs chapitres du Manuel. Il me semble donc utile de reprendre, dans cette édition nouvelle, ma liberté et ma responsabilité tout entières; je le fais d'autant plus volontiers qu'il a paru, dans l'intervalle, une seconde édition du Triennium qui n'est pas en progrès sur la première, et que cet ouvrage, par son caractère et son étendue, n'a plus avec le mien que des analogies très générales. Mais les analogies qui subsistent sont importantes, puisqu'elles portent sur le plan même du livre, et cette préface serait incomplète si je n'y témoignais, comme dans la précédente, toute la reconnaissance que je dois au savant professeur de Breslau.

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Je remercie par avance ceux de mes lecteurs qui voudront bien m'honorer de leurs critiques. Je m'attends et je suis résigné d'ailleurs à des jugements un peu sévères. Le sort d'un livre comme celui-ci est d'être utile à tous et de paraître à tous insuffisant, parce que les spécialistes ne le consultent que pour ce qu'ils ignorent, et ne le jugent que d'après ce qu'ils savent.

Les études philologiques sont aujourd'hui fort en honneur chez nous. Non seulement le nombre des philologues s'est nolablement accru depuis dix ans, mais le public qui s'intéresse à ces questions est devenu moins restreint et plus instruit. L'archéologie grecque, en particulier, a conquis la mode; il sera bientôt honteux de n'en avoir point quelque teinture. L'enseignement secondaire a déjà ressenti les bons effets de cette renaissance scientifique qui sera certainement durable. On a introduit dans les classes l'étude de la métrique, de l'histoire littéraire et des institutions de l'antiquité. Ces réformes ont été contemporaines de la publication du Manuel, qui a peut-être aidé à les rendre efficaces. J'espère que la nouvelle édition servira, comme la première et mieux qu'elle, à faciliter la tâche des étudiants et des maîtres. Combien je voudrais que l'on ne s'en tînt pas aux réformes accomplies et qu'on ouvrît toutes grandes les portes des lycées et collèges à l'enseignement de l'histoire de l'art! Tant que le Conseil n'aura pas eu l'audace de cette innovation, on s'apercevra du vide produit par la suppression des vers latins et des discours. On a développé, chez les élèves, la connaissance de l'antiquité : je ne puis m'empêcher de craindre qu'on n'en ait laissé affaiblir le sentiment.

S. R.

18 septembre 1883

EXTRAITS

DE LA PRÉFACE DE LA PREMIÈRE ÉDITION

J'étais élève de l'École normale, et, dans la position privilégiée où je me trouvais, à portée d'une bibliothèque classique admirablement composée où d'éminents érudits provoquaient et dirigeaient mes recherches, je songeais souvent aux maîtres d'études de nos lycées, aux professeurs de nos collèges communaux, à tant de jeunes gens laborieux qui, leurs années scolaires terminées, sont arrêtés au seuil d'études nouvelles, moins par le manque de connaissances premières que par l'ignorance des sources où la science se puise et des recueils où ses résultats s'accumulent. C'est pour eux que j'ai travaillé, pendant les heures de loisir de mes deux dernières années d'École ; c'est à eux surtout que je m'adresse, et c'est leur approbation qui sera ma meilleure récompense. Je ne prétends pas leur apporter la science je dis où elle est et où elle en est; je ne leur offre pas les matériaux, mais les instruments de leurs travaux futurs 1.

1. M. Fustel de Coulanges a dit très justement : « La science ne se transvase pas d'un esprit dans un autre; il faut qu'elle se fasse dans chaque esprit. C'est chaque esprit qui est le véritable auteur de sa science. » (Revue des Deux Mondes, 15 août 1879.) On a souvent besoin de protester contre cette illusion puérile, qu'il suffit, pour être un grand savant, d'avoir des cahiers bien tenus et un nombre incalculable de notes. Assurément, la science est tout autre chose que cette suffisance purement livresque dont s'est moqué Montaigne; mais la science se fonde sur une réunion de faits et de textes, et, pour épargner à chaque esprit de refaire à grand'peine le travail des siècles passés, il est toujours utile de lui faire connaître quels sont les résultats déjà acquis, et à l'aide de quels instruments il peut en acquérir de

nouveaux.

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