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time, je la désire, et que je la désire comme elle doit être désirée. Or il n'y a que vous qui puissiez, par votre grâce, former en moi ce désir, accompagné de toutes les qualités nécessaires pour être conforme à mes obligations. Car vous le savez, Seigneur ; ce qui m'a perdu, c'est que je n'ai jamais eu pour la perfection religieuse, qu'un désir vague, qu'un désir oisif et languissant, qu'un désir borné et limité, qu'un désir passager et volage, qu'un de ces désirs qui tuent l'âme et qui ne la sanctifient pas, qu'un de ces désirs de pure complaisance dont l'enfer est plein; au lieu que pour arriver à une fin si importante et si sublime, il me falloit un désir fervent, un désir efficace et pratique, un désir universel et sans mesure, un désir constant et ferme, un désir suivi et soutenu d'une sainte persévérance. Qu'ai-je donc à faire pour exciter désormais, et pour entretenir dans mon cœur un tel désir? C'est de me souvenir sans cesse de la fin pourquoi je suis religieux; c'est, à l'exemple de saint Bernard, de me demander sans cesse à moimême : Pourquoi ai-je quitté le monde ? pourquoi · suis-je venu en religion?1 Car voilà, mon Dieu, ce que j'ai cent fois oublié, et dans des occasions essentielles, où il étoit pour moi de la dernière conséquence d'y penser; voilà à quoi je n'ai fait nulle attention.

Bern.

est-ce

Mais, Seigneur, c'est ce que je me propose dans la suite d'avoir toujours présent à l'esprit, et de quoi je veux me faire une règle pour tout le reste de ma vie. Quand l'amour-propre me portera à rechercher mes commodités et mes aises au préjudice de la vie régulière que j'ai embrassée, je rentrerai en moi-même, et je me dirai pour cela que je me suis fait religieux? Quand il me prendra, ou quelque dépit secret d'une humiliation, ou quelque chagrin de voir les autres au-dessus de moi, ou quelque envie d'occuper certaines places et d'être employé à certaines fonctions, ou quelque dégoût de mes observances et de mes exercices ordinaires, j'en reviendrai toujours à la même réflexion : qu'ai-je eu en vue lorsque j'ai renoncé au monde, et qu'ai-je prétendu en me consacrant à Dieu ? Cette pensée m'animera, me fortifiera; et pour me la rendre salutaire, vous y ajouterez, Seigneur, l'onction de votre divin Esprit et de votre grâce.

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NOTRE perfection, selon Dieu, ne consiste point à faire beaucoup de choses: ce fut l'erreur de Marthe, que Jésus-Christ condamna. Ce n'est point non plus à faire de grandes choses : il y a des saints très-grands devant Dieu, qui n'ont rien fait de grand pour Dieu; des saints dont la vie a été obscure et cachée, dont les actions n'ont rien eu de brillant et d'éclatant, dont le monde n'a point parlé. Ils étoient grands par leur sainteté : mais toute leur sainteté étoit renfermée en de petites choses ; et Dieu, dans la fidélité avec laquelle ils pratiquoient ces petites choses, leur faisoit trouver des trésors infinis de grâces. Ils étoient grands par leur humilité; et leur humilité les portoit toujours à choisir les derniers emplois, laissant aux autres les fonetions où il y avoit plus à paroître et ne se jugeant pas capables d'y être appliqués. Enfin, notre perfection ne demande point que nous fassions des choses extraordinaires et singulières. Dès-là qu'elles

RETRAITE SPIRIT.

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sont singulières et extraordinaires, elles sont rares, et les occasions n'en sont pas fréquentes: cependant notre perfection doit être en ce qui nous est plus habituel, en ce qui nous occupe plus souvent, en ce que nous avons continuellement dans les mains, en ce qui remplit les journées et les années de notre vie.

D'où il s'ensuit que c'est de nos actions les plus ordinaires que dépend la perfection où Dieu nous appelle. Car ce sont là les actions propres de notre profession et de notre état ; et par conséquent ce sont celles que Dieu veut spécialement de nous, puisqu'il ne nous a attirés par sa grâce dans cet état et cette profession, que pour y vivre et pour y agir selon l'ordre qui y est établi. Or, il est certain d'ailleurs que ce qui fait notre sanctification, c'est la volonté de Dieu; que c'est cette volonté de Dieu qui donne le prix à tout ce que nous faisons; que sans cette volonté de Dieu, nos plus grandes actions ne sont rien, et qu'avec cette volonté de Dieu nos moindres actions ont un mérite très-relevé. Je dois donc conclure que je ne serai parfait devant Dieu que par l'accomplissement de mes devoirs les plus communs. Qu'a fait Jésus-Christ pendant trente ans? rien de remarquable dans l'estime du monde, et rien même que de vil aux yeux des hommes; mais parce qu'il faisoit la volonté de son Père; parce qu'en toutes choses, ainsi qu'il le disoit

lui-même, il agissoit selon le gré de son Père,' ces actions viles aux yeux des hommes étoient l'objet des complaisances de Dieu.

Quel fonds de consolation pour nous ! Il n'est point nécessaire de chercher bien loin notre perfection elle est auprès de nous et dans nous. Je trouverai la mienne dans mes obligations et dans mes exercices de chaque jour. Une perfection hors de ces exercices, et qui n'iroit pas à m'acquitter de ces obligations, seroit pour moi une perfection mal entendue et mal réglée, que Dieu ne reconnoîtroit point, que le monde même réprouveroit, qui pourroit m'inspirer de l'orgueil et qui m'exposeroit à mille défauts. Au lieu que cette perfection d'une vie commune est approuvée de Dieu et des hommes. Elle édifie, elle met la vertu en crédit, elle maintient la règle, elle n'enfle point, ni n'est point sujette à la vanité. On la croit aisée, et elle l'est dans la spéculation: mais pour en soutenir long-temps et constamment la pratique, qu'il y a de difficultés à vaincre, qu'il y a de violences à se faire, et par-là même aussi de récompenses à obtenir !

SECOND POINT.

NOTRE perfection n'en demeure pas là; mais à ces actions ordinaires sur quoi elle est fondée, elle

. Joan. 8.

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