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Scito et vide, quia malum est reliquisse te Dominum Deum tuum.

Sachez et voyez, que c'est un mal d'avoir abandonné le Seigneur votre Dieu. Jérém., chap. 2.

PREMIER POINT.

Il est pour moi d'une absolue nécessité, de bien connoître ce que c'est que le péché mortel. Or ce n'est pas seulement le plus grand de tous les maux; mais, à proprement parler, c'est le seul et unique mal, c'est le souverain mal, et ce qui achève d'y mettre le comble, c'est le souverain mal de Dieu. C'est l'unique mal; car tous les autres maux, hors le péché, ne sont point absolument des maux. Maladies, pauvreté, disgrâces, tout cela dans les vues de Dieu, et si j'en fais l'usage que Dieu prétend, sont plutôt des biens. Le péché seul est un mal que Dieu n'a point fait, ni ne peut faire, parce que

c'est un mal essentiel, un pur mal. C'est le souverain mal, comme Dieu est le souverain bien; et par cette raison il doit être souverainement détesté, comme Dieu mérite d'être souverainement aimé, Voilà la mesure de la haine que je dois concevoir du péché mortel: le hair autant que j'aime Dieu. S'il y avoit quelque chose dans le monde que j'aimasse autant que j'aime Dieu, dès-là je n'aimerois plus Dieu, comme Dieu ; et si je craignois quelque autre mal, autant ou plus que le péché mortel, dès là je ne le haïrois pas ni ne le fuirois pas, autant que je suis obligé de le hair et de le fuir.

Mais ce qu'il m'importe par-dessus tout de comprendre.c'est que le péché mortel est le souverain mal de Dieu, parce que c'est un mépris formel de Dieu, une preference actuelle et véritable de la créature à Dieu. Preference qui consiste en ce que le pécheur se trouvant dans la nécessité, ou de renon_ cer à son plaisir, ou de perdre la grace de Dieu, aime mieux perdre la grâce de Dieu, que de renoncer à ce plaisir criminel où sa passion le porte. Il ne laisse pas de savoir en spéculation, que Dieu est infiniment au-dessus de tout être créé : mais c'est cela même qui le rend encore plus coupable, puisqu'il ne le sait que pour outrager Dieu avec plus d'indignite, en lui prefèrant néanmoins dans la pratique une vile créature.

Après cela, je ne dois point m'étonner de qua

tre vérités, aussi constantes selon la foi, qu'elles sont effrayantes: 1° Que Dieu pour un seul péché d'orgueil, ait précipité du haut du ciel dans le fond de l'abîme, ses plus nobles créatures, qui sont les anges; qu'il en ait fait des réprouvés et des démons; que sans leur donner le temps de se repentir, il les ait livrés pour jamais à toutes les rigueurs de sa justice. Quel exemple; et de cet exemple, quelle conséquence dois-je tirer? S'il n'a pas épargné ses anges, puis-je me promettre qu'il m'épargnera? 2° Que pour une seule désobéissance Dieu ait chassé le premier homme du paradis terrestre ; qu'il lui ait ôté tous les priviléges de l'état d'innocence; qu'il l'ait condamné à la mort, lui et toute sa postérité ; qu'en punition de ce seul péché nous naissions tous enfans de colère, et que sans autre péché que celui-là, nous soyons, comme enfans de colère, sujets à toutes les calamités de cette vie, et même exclus du royaume de Dieu. Quel châtiment, quelle vengeance! Toutefois les jugemens de Dieu sont équitables, et l'équité même. 3° Que pour expier cette désobéissance, il ait fallu que le Fils éternel de Dieu s'incarnât, s'humiliât, s'anéantît, parce qu'il n'y avoit que les humiliations d'un Dieu, qui pussent réparer la gloire de Dieu, et compenser l'injure qui lui avoit été faite par le péché. 4° Que pour un péché qui se commet dans un moment, Dieu ait préparé une éternité de pei

nes, et qu'entre ces peines éternelles et le péché il y ait une juste proportion. Voilà ce que la foi m'enseigne. S'il y a eu jusque dans le christianisme des incrédules qui n'ont pas voulu reconnoître ces vérités, c'est qu'ils n'ont point assez connu la malice du péché mortel, ni assez compris que ce péché est le souverain mal de Dieu. L'ai-je compris moi-même autant que je le devois? Si cela étoit, aurois-je été jusques à présent si sensible aux autres maux, et peut-être si indifférent à l'égard de celui-ci ?

SECOND POINT.

Il ne m'est pas moins nécessaire de savoir et de bien considérer, que le péché mortel est le souverain mal de l'homme, parce qu'il prive l'homme de l'amitié de Dieu; parce qu'il fait un divorce entier entre l'homme et Dieu; parce qu'il rompt tous les liens qui attachoient l'homme à Dieu; parce qu'en séparant l'homme de Dieu, il lui ôte la vie la plus précieuse, qui est la vie de la grâce ; et qu'il lui cause la plus funeste mort, qui est la mort de l'âme. Car c'est pour cela qu'il est appelé mortel. Cette grâce que le juste possédoit, étoit en lui le principe de la vie surnaturelle : du moment donc qu'il la perd cette grâce, il est mort devant Dieu, et selon Dieu.

De là je ne dois point encore être surpris de deux autres vérités, qui ne sont pas moins incontestables ni moins terribles: 1° Que le péché mortel dépouille l'âme de tous les mérites qu'elle pouvoit avoir acquis lorsqu'elle étoit dans l'état de la grâce. Quand j'aurois amassé des trésors immenses de mérites pour le ciel, quand je serois aussi saint que les apôtres, si je viens à commettre un péché mortel, tout m'est enlevé. Ces mérites pourront revivre, lorsque je rentrerai en grâce avec Dieu. Jusque-là ils sont perdus pour moi; et si je meurs dans cet état, Dieu ne m'en tiendra jamais compte : pourquoi? c'est que je suis alors son ennemi, et que de la part d'un ennemi il n'agrée rien ni n'accepte rien. 2° Que les actions les plus vertueuses et les plus saintes en elles-mêmes, faites dans l'état du péché mortel, ne sont d'aucun prix devant Dieu, ni d'aucune valeur pour l'éternité bienheureuse. Quand je passerois toutes les journées en prière, quand je ferois toutes les pénitences des plus austères anachorètes, quand je pratiquerois toutes les œuvres de la piété et de la charité chrétienne; tout cela ce sont des œuvres mortes, parce que je suis moi-même dans un état de mort; ce sont des œuvres stériles, dont je ne dois attendre nulle récompense. Quelque miséricorde que Dieu puisse ensuite me faire, jamais ces œuvres mortes ne seront du nombre de celles qu'il couronnera dans la gloire.

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