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tout aux bourreaux. Que de maux produits par l'hippomane et par une seule empoisonneuse!

Elles détestent les enfans d'une concubine; qui oserait les en blâmer? on leur pardonne presque de tuer les enfans d'une autre épouse. Riches pupilles, veillez sur vos jours défiez-vous des tables où l'on vous fait asseoir; les mets les plus succulens y sont empoisonnés par une main parricide. Ne goûtez pas les premiers à ce qui vous est présenté par une mère, et que votre gouverneur fasse en tremblant l'essai de votre coupe.

J'invente peut-être ces atrocités, et, chaussant le cothurne, oubliant les lois de la satire, je viens peindre avec de tragiques couleurs d'horribles fictions, inconnues aux montagnes des Rutules et au ciel du Latium.

Plût aux dieux! mais écoutez Pontia : Je l'ai fait, je l'avoue; moi-même je préparai le poison; on me surprit, et j'achevai. Tes deux enfans, détestable vipère, tes deux enfans à la fois! - Sept, si j'eusse été la mère de sept. Croyons désormais tout ce que les tragiques nous ont transmis des Médée et des Procné; je n'oppose plus rien et encore leurs crimes, tout exécrables qu'ils sont, ne furent pas commis pour un vil intérêt. Les grands forfaits des femmes doivent moins nous révolter, quand elles y sont poussées par la colère. Une femme en fureur, c'est un rocher qui tout-à-coup, perdant son point d'appui, fond et se précipite du haut de la montagne, au sommet de laquelle il était suspendu. Celle-là m'inspire bien plus d'horreur, qui calcule le produit d'un

Subtrahitur, clivoque latus pendente recedit.

Illam ego non tulerim, quæ computat, et scelus ingens
Sana facit. Spectant subeuntem fata mariti
Alcestim; et, similis si permutatio detur,

Morte viri cupiant animam servare catellæ.
Occurrent multæ tibi Belides atque Eriphylæ :
Mane Clytemnæstram nullus non vicus habebit.
Hoc tantum refert, quod Tyndaris illa bipennem
Insulam et fatuam dextra lævaque tenebat ;
At nunc res agitur tenui pulmone rubetæ :
Sed tamen et ferro, si prægustabit Atrides
Pontica ter victi cautus medicamina regis.

grand crime, et l'exécute de sang-froid. Elles contemplent le dévoûment d'Alceste mourant pour son époux; qu'il s'offre une pareille alternative, elles sacrifieront un mari pour sauver un chien. Tu rencontreras à chaque pas des Danaïdes et des Ériphyles. Demain, au lever de l'aurore, chaque quartier aura sa Clytemnestre. Toute la différence, c'est que la fille de Tyndare, furieuse, éperdue, agitait de deux mains la hache meurtrière : nos citoyennes avec le poumon d'une grenouille terminent sourdement l'affaire. Ce n'est pas que le poignard ne vînt à l'aide du poison, si leurs prudens Agamemnons ne s'étaient prémunis d'antidote, à l'exemple de ce roi de Pont vaincu dans trois batailles 136

NOTES

SUR LES SATIRES.

SATIRE I.

1. ARGUMENT. Dans cette première satire, qui sert de prologue aux quinze autres, l'auteur expose rapidement ce qui le force à se livrer de préférence à ce genre d'écrire; l'importunité des poètes, l'insolence des parvenus, l'atrocité des délateurs, la bassesse des intrigans, la perfidie des épouses, la fureur des jeux de hasard, l'excès du luxe et l'avarice des patrons à l'égard de leurs cliens : la colère que tous ces vices m'inspirent me tient, dit-il, lieu d'Apollon. Il se propose de n'attaquer que les morts et d'épargner les vivans: mais je doute qu'il ait tenu parole; du moins s'il ne nomme pas, il paraît qu'il désigne toujours par de secrètes

allusions.

2. De Codrus, qui s'enroue, etc. (v. 2). Dusaulx avait traduit « la Théséide de l'enroué Codrus,» ce qui était au moins trèsvague. J. P.

3. Ses comédies (v. 3). Les comédies romaines s'appelaient Togatæ, et les grecques Palliatæ, expressions empruntées du costume grec et romain. Les mœurs des pièces d'Afranius étaient romaines ; c'est pourquoi on appelait ses comédies Togatæ.

4. J'aurai perdu, etc. (v. 4). J'ai changé tout cet endroit. Dusaulx avait traduit : « Impunément le prolixe Télèphe m'aura consumé tout un jour? ou l'Oreste incomplet, quoique les pages en soient écrites des deux côtés, et jusque sur les marges? » Ces deux phrases sont mal liées, et il y a une erreur de sens dans la seconde : l'idée principale est plena jam margine, scriptus et in tergo, tandis que necdum finitus n'est qu'un accessoire. J. P.

5. Et leurs revers, etc. (v. 6). Les pages de nos livres sont

ordinairement remplies des deux côtés; mais, chez les Romains, elles ne le furent long-temps que d'un seul. Après avoir préparé autant de peaux ou de feuilles de papyrus qu'il en fallait pour transcrire un ouvrage, on roulait le tout par l'une des extrémités sur un petit bâton de buis, d'ivoire ou de quelque autre matière, et ce support s'appelait umbilicus. Pour lire le volume, il fallait le dérouler, et c'est pourquoi l'on disait evolvere librum. Ce sujet est traité à fond par Isaac Vossius, dans ses Observationes in Catullum, p. 51.

6. Celui qui ravit la toison d'or, etc. (v. 11). Je ne sache pas qu'aucun autre poète latin se soit jamais servi du mot pellicula, en parlant de la toison d'or. On sent que Juvénal aurait pu dire: Unde alius furtivi devehat aurum velleris, etc. Mais il aurait manqué la sorte d'expression satirique qui consiste à préférer, comme ici, l'expression la moins noble et la plus exténuante; on en retrouvera d'autres exemples. Je préviens qu'il est presque impossible de faire passer dans le français les ironies purement verbales, parce que le plus souvent notre langue n'a point de mots correspondans. Si j'avais traduit à la lettre, j'aurais mis : « Celui qui ravit la pellicule d'or, ou la peau d'or; » ce qui aurait été précieux, ou même ridicule.

7. Les jardins de Fronton (v. 12). Fronton était un de ces riches patriciens qui ouvraient fastueusement leurs jardins au public; les poètes s'empressaient d'y aller réciter leurs compositions; car où ne pénétraient-ils pas ? Martial se plaint qu'ils le poursuivaient jusque dans les bains :

Et stanti legis, et legis sedenti:

In thermas fugio, sonas ad aures.

8. Nous avons tremblé sous la férule (v. 15): Cela signifie, nous avons aussi fréquenté les écoles, nous y avons fait des amplifications, etc.

9. Pourquoi choisir, de préférence, la carrière déjà parcourue par le célèbre nourrisson du pays des Auronces (v. 19)? Lucilius (Caïus), chevalier romain, naquit à Sinuessa, au pays des Auronces, l'an 147 avant Jésus-Christ. Il composa trente satires, dont les fragmens ont été recueillis par François Douza, et imprimés à Leyde, avec des notes, en 1597. Quelques savans

Juvénal. I.

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