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tianifme, & ce qui fait que plufieurs Chrétiens n'ofent en faire une profeffion ouverte. Des villages entiers refufent quelquefois de recevoir un Miffionnaire, de peur d'être découverts, & déférés auffi-tôt au Prince.

Malgré cette accufation faite en gé néral contre tous les Miffionnaires, & contre moi en particulier, il n'y a eu aucune année où les Chrétiens aient fait paroître plus d'ardeur pour approcher des facremens, & où les converfions aient été plus nombreuses. J'ai entendu les confeffions de quatorze mille & onze Néophytes; j'ai conféré le baptême à mille foixante-dix - fept adultes, & à neuf cens cinquante-cinq enfans. Outre cela, plufieurs Païens de différens villages que j'ai parcourus, m'ont fait inviter de les aller voir: & ils fe difpofent maintenant au baptême.

Ces bénédictions que Dieu a daigné répandre fur mes foibles travaux, ont été traversées au mois de juillet dernier, par la malice de quelques infideles. Etant arrivé près d'un village où il y avoit beaucoup de familles Chrétiennes, j'envoyai fçavoir fi tout y étoit tranquille, & fi je pouvois y faire ma vifite. Quel

alors dans le village pour lever le tribut. Celui qui gardoit l'églife, au lieu de m'en donner avis, fe contenta de me faire dire qu'il étoit à propos que je demeuraffe quelque temps dans mon bateau, où je pouvois entendre les confeffions des Fideles. J'en confeffai un grand nombre pendant toute la nuit. Mais un Payen ayant reconnu quelquesuns de mes Catéchiftes, alla auffi-tôt avertir le principal Officier du Gouverneur, qu'il y avoit, près du village, un Miffionnaire étranger. L'Officier ne vou lut point faire de bruit pendant la nuit : il posta feulement des gardes aux environs de mon bateau, pour observer mes démarches, afin de m'arrêter plus sûrement en plein jour.

Dès le grand matin, on vint me prier de donner les facremens à une perfonne dangereufement malade, qui étoit dans une barque voifine. J'entrai dans cette barque: mais à peine eus-je commencé d'entendre la confeffion du malade, que l'Officier, qui crut que je voulois m'évader, fe mit à crier, & à faire ramer les de fon bateau pour me joindre. Le maître de la barque où j'étois, rama auffi de fon côté, pour me dérober à leur pourfuite. Je fus heu

gens

reux de m'être trouvé hors de mon bateau; car fi j'y avois été furpris, on m'auroit enlevé ma chapelle, mes ornemens, un grand nombre de livres fur la Religion, & les provifions néceffaires pour l'entretien de mes catéchiftes.

Tandis que l'Officier me pourfuivoit, les Catéchistes eurent le temps de faire avancer mon bateau & de le mettre en lieu de fûreté. Ils confierent à quelques pécheurs Chrétiens les meubles de ma chapelle & les livres : après quoi ils fe difperferent en différens bateaux de Néophytes, pour voir ce que je deviendrois, & les mefures qu'il y auroit à prendre.

Cependant l'Officier eut bientôt atteint la barque où j'étois? Il yentra avec trois gardes pour m'empêcher d'en fortir: enfuite il me demanda où étoit mon bateau, combien j'avois de difciples, & où étoient mes meubles & mes livres. Comme je ne lui faifois aucne réponse, une bonne Chrétienne prit la parole. «Ne voyez-vous pas, lui dit-elle, que » vous perdez votre temps à interroger » un pauvre étranger, qui ne fçait » qu'imparfaitement notre langue, & » qui apparemment ne comprend rien à

L'officier après quelque difcours fe mit en devoir de me faire paffer dans fon bateau, pour me conduire au Gouverneur. Je crus alors devoir parler, & m'étant approché de lui, je lui dis à l'oreille, que j'étois fort pauvre; qu'il ne · gagneroit rien à m'arrêter, & que s'il vouloit, fans faire de bruit, recevoir quelque petite fomme, les Chrétiens ne feroient nulle difficulté de la fournir, pour me tirer du mauvais pas où je me trouvois. Il goûta la propofition, & fe contenta de huit taëls qui lui furent livrés fur le champ, & que j'ai rendus depuis à ceux qui les avoient avancés, ne voulant être à charge à perfonne.

C'eft la feconde fois que j'ai pour été arrêté depuis que je fuis au Tongking. Dieu n'a pas permis qu'il me foit arrivé rien de plus fâcheux. J'avois à craindre qu'on ne me traitât avec la même rigueur qu'a été traité un de nos Peres, qui ayant été pris il n'y a que peu de temps, fut livré au Gouverneur, & par ordre du Roi chaffé du Royaume. Un Pere de faint Dominique eut l'année paffée le même fort des Prêtres Tong-kinois ont été enfermés plufieurs mois dans d'étroites prifons, d'où ils ne font fortis qu'après avoir payé des fom

mes confidérables. Si le Seigneur me réferve à d'autres travaux, que fon faint nom foit béni. Je fuis entre fes mains pour fouffrir ce qu'il lui plaira d'ordonner pour fa gloire, & pour le falut de ce peuple. (1) Ego non folum alligari, fed & mori paratus fum propter nomen domini Jefu.

EXTRAITS

De quelques lettres écrites ces années dernieres de la Chine.

DU PERE BOUVET.

A Peking, le 10 Juillet 1710.

LA converfion & la mort bienheureu reufe d'une Dame Tartare, alliée à la maifon Impériale, ont quelque chofe d'affez fingulier, pour que je vous en faffe le récit, & je me flatte qu'il ne vous fera pas défagréable.

Lorfque les Tartares Mant- cheoux fe rendirent maîtres de la Chine le jeune Conquérant voulant gagner le cœur de

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