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fes nouveaux fujets, adopta un nom Chinois, pour lui & pour toute la maifon Impériale. Il choifit pour cela le nom de Tchao, qui eft à la tête du Pekia Sing; c'eft-à-dire, du catalogue des cent noms qui partagent toutes les familles de l'Empire.

La Dame, dont j'ai à vous entretenir, avoit époufé un Seigneur du fang Royal, qui pour marque de fa haute extraction, portoit une ceinture rouge. Cette Dame s'appelloit Tchao taïtaï, du nom de fon mari, & qui eft commun à toute la famille de l'Empereur.

Il y a quelques années qu'accablée de chagrin de voir fon mari livré à des concubines, qu'il aimoit uniquement elle prit la réfolution d'attenter fur fa •propre vie, & de terminer fes ennuis par une prompte mort; c'eft une coutume affez ordinaire pour les dames de la Chine qui fe croyent malheureuses.

Abandonnée à fon défespoir, elle étoit fur le point de fe donner le coup mortel, lorfqu'elle crut voir entrer dans fa chambre, ainfi qu'elle me l'a raconté elle-même, une Dame qui fembloit defcendre du ciel. Sa tête étoit couverte d'un voile qui traînoit jufqu'à terre, fa démarche étoit majeftueufe, & avoit je ne fçai

quoi au-deffus de l'humain : elle étoit fuivie de deux autres Dames qui fe tenoient dans la pofture la plus refpectueufe. Elle s'approcha de la Dame Tchao, & la frappant doucement de la main: Ne craignez rien ma fille, lui dit-elle, je viens vous délivrer de ces penfées fombres, qui vous perdroient fans reffource : & après ces mots elle fe retira.

un

La Dame Tchao reconduifit fa bienfaictrice jufqu'à la porte de fon appartement, & à l'inftant elle fe trouva dans une affiette tranquille, & dans calme d'efprit qu'elle n'avoit point encore éprouvé. Elle appella fur le champ plufieurs de fes efclaves, qui avoient entendu confufément quelques-unes de ces paroles, & elle leur fit part de ce qui venoit d'arriver. Mais comme elle n'avoit encore nulle connoiffance de la Religion Chrétienne, elle s'imagina que c'étoit une apparition de quelque divinité du Paganisme, qui avoit veillé à sa confervation.

Elle ne fe détrompa que cinq ans après, dans une vifite qu'elle rendit à une de fes parentes, qui étoit Chrétienne & d'une piété tout-à-fait exemplaire. Ayant apperçu à fon oratoire une Image de la

cette image le portrait de fa libératrice qu'elle avoit toujours préfent à l'efprit, elle fe profterna fur le champ, & frappant la terre du front: voilà, s'écriat-elle, voilà celle à qui je dois la vie : & dès-lors elle prit le deffein d'embraffer le Chriftianifme.

Elle eut bien-tôt appris les principaux articles de la Foi, & les prieres ordinaires des Chrétiens; mais elle n'eut pas la force de furmonter le feul obftacle qui lui reftoit à vaincre. Il s'agiffoit nonfeulement de renoncer aux Idoles, mais encore d'en brifer deux qui étoient regardées comme les divinités protectrices de fa maifon & c'eft à quoi elle ne put fe réfoudre, craignant d'encourir par-là l'indignation de fa famille.

Malgré cette infidélité à la grace, Dieu lui infpira encore de nouveaux defirs de converfion, par le moyen de cette dame Chrétienne fa parente, dont je vous ai parlé. Une petite fille que la dame Tchao avoit adoptée, & qu'elle aimoit tendrement, tomba dangereufement malade. La dame qui étoit Chrétienne lui procura le bonheur de recevoir le baptême; l'enfant mourut peu de jours après avoir été baptifée, fans que la mort eût tant foit peu défiguré fon vifage. A

tette vue la dame Tchao fentit redoubler toute fa tendreffe, & dans le premier transport de fa douleur: Hélas! dit-elle, je me confolerois, fi j'avois quel que efpérance de la revoir après ma mort. Rien de plus aifé, répondit la fervente Chrétienne, cet enfant a reçu le baptême, & fon ame purifiée par cette eau falutaire, eft certainement montée au ciel: il ne tient qu'à vous, Madame d'avoir le même avantage: dès-lors la porte du Ciel vous fera ouverte, & vous verrez éternellement celle qui fait aujourd'hui le fujet de votre afflic

tion.

Ces paroles dites à propos rappellerent à l'efprit de la dame affligée, le fouvenir de la grace qu'elle avoit reçue de la Mere de Dieu, & de la réfolution qu'elle avoit prife de fe faire Chrétienne. Elle commença d'abord par renoncer au culte de fon Idole favorite & pour ne l'avoir plus devant les yeux, elle l'envoya à une dame de fes amies.

Peu de temps après fe voyant dans un état de langueur, que lui avoit cau fé une affez longue maladie, elle demanda avec inftance le baptêine, qu'on lui avoit differé pour de bonnes raifons. Elle s'y étoit difpofée par une foi vive,

les fuperftitions des Idolâtres. Cependant le Miffionnaire lui fit dire, que les Catéchumenes, en renonçant aux Idoles, ne pouvoient ni les garder ni les donner à d'autres; elle envoya auffi-tôt chercher celle qu'elle avoit donnée; & la mit en pieces, auffi-bien que les deux autres que des confidérations humaines lui avoient fait retenir dans fa maison.

Comme fes forces diminuoient chaque jour,& qu'on commençoit à craindre pour fa vie, le Miffionnaire ne crut pas devoir éprouver plus long-temps fa conftance. Il fe tranfporta donc dans fa maison, & il lui conféra le baptême avec les cérémonies ordinaires de l'églife : il lui fit enfuite quelques préfens de dé votion, qu'elle reçut avec joie : furtout, il lui donna une grande Image de la fainte Vierge, qu'elle plaça auffi-tôt dans le lieu le plus honorable de fon appartement. Elle promit même que fi Dieu lui rendoit la fanté, elle l'employeroit uniquement à lire les livres de la religion; & à exhorter tous ceux qu'elle connoiffoit, ou fur qui elle avoit quelque autorité, d'embraffer le Chriftianifme.

Dieu fe contenta des faints defirs de la Néophyte. Elle tomba tout à coup dans

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