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s'y étoient rendus pour le commerce. Ils fe confefferent tous jufqu'à trois fois, mais je ne pus jamais trouver d'endroit propre à leur dire la meffe. Je baptifai là environ feize perfonnes; voilà ce qu'il y a eu pour moi de confolant dans mon voyage, qui d'ailleurs n'avoit rien que de pénible.

On a baptifé cette année dans notre églife cent trente-neuf adultes, & huit cens vingt-neuf petits enfans, dont la plupart étoient expofés dans les rues. Les Peres du College qui font auprès des portes de la ville, où l'on expofe un plus grand nombre de ces enfans, en ont baptifé plus de trois mille. Ce que j'ai l'honneur de vous mander doit vous faire comprendre le bien folide que procurent les perfonnes charitables d'Europe, qui entretiennent ici des Catéchif tes employés uniquement à cette fonction

LETTRE

Du Pere Jartoux, Miffionnaire de la Compagnie de Jefus, au Pere Procureur Général des Miffions des Indes & de la Chine.

A Peking, le 12 d'avril 1711.

MON RÉVÉREND PERE,

La paix de N. S.

La carte de Tartarie, que nous faifons par ordre de l'Empereur de la Chine nous a procuré l'occafion de voir la fameufe plante de gin-feng, fi eftimée à la Chine, & peu connue en Europe. Vers la fin de juillet de l'année 1709, nous arrivâmes à un village qui n'eft éloigné que de quatre petites lieues du Royaume de Corée, & qui eft habité par les Tartares qu'on nomme Calca - tatze. Un de ces Tartares alla chercher fur les montagnes voisines quatre plantes de gin-feng, qu'il nous apporta toutes entieres dans un panier. J'en pris une au hafard que je deffinai dans toutes fes

dimenfions, le mieux qu'il me fut poffible. Je vous en envoye la figure que j'expliquerai à la fin de cette lettre.

Les plus habiles Médecins de la Chine ont fait des volumes entiers fur les propriétés de cette plante; ils la font entrer dans prefque tous les remedes qu'ils donnent aux grands Seigneurs ; car elle eft d'un trop grand prix pour le commun du peuple. Ils prétendent que c'est un remède fouverain pour les épuifemens caufés par des travaux exceffifs de corps ou d'efprit, qu'elle dif fout les flegmes, qu'elle guérit la foibleffe des poulmons & la pleurefie, qu'elle arrête les vomiffemens, qu'elle fortifie l'orifice de l'eftomac & ouvre l'appétit, qu'elle diffipe les vapeurs, remédie à la refpiration foible & précipitée en fortifiant la poitrine, qu'elle fortifie les efprits vitaux, & produit de la lymphe dans le fang; enfin qu'elle eft bonne pour les vertiges & les éblouiffemens, & qu'elle prolonge la vie aux

vieillards.

On ne peut gueres s'imaginer que les Chinois & les Tartares fiffent un fi grand cas de cette racine, fi elle ne produifoit conftamment de bons effets. Ceux même qui fe portent bien, en ufent

fouvent pour fe rendre plus. robuftes. Pour moi je fuis perfuadé qu'entre les mains des Européens qui entendent la Pharmacie, ce feroit un excellent remede, s'ils en avoient aflez pour en faire les épreuves néceffaires, pour en examiner la nature par la voie de la Chymie, & pour l'appliquer dans la quantité convenable, fuivant la nature du mal, auquel elle peut être falutaire.

Ce qui eft certain, c'eft qu'elle fubtilife le fang, qu'elle le met en mouvement, qu'elle l'échauffe, qu'elle aide la digeftion, & qu'elle fortifie d'une maniere fenfible. Après avoir deffiné celle que je décrirai dans la fuite, je me tâtai le pouls pour fçavoir en quelle fituation il étoit je pris enfuite la moitié de cette racine toute crue, fans aucune préparation, & une heure après je me trouvai le pouls beaucoup plus plein & plus vif, j'eus de l'appétit, je me fentis beaucoup plus de vigueur, & une facilité pour le travail que je n'avois pas auparavant.

Cependant je ne fis pas grand fond fur cette épreuve, perfuadé que ce changement pouvoit venir du repos que nous prîmes ce jour-là. Mais quatre jours après me trouvant fi fatigué & fi épuisé de

travail, qu'à peine pouvois-je me tenir à cheval; un Mandarin de notre troupe qui s'en apperçut, me donna une de ces racines: j'en pris fur-le-champ la moitié, & une heure après je ne reffentis plus de foibleffe. J'en ai ufé ainfi plufieurs fois depuis ce temps-là, & toujours avec le même fuccès. J'ai remarqué encore que la feuille toute fraî che, & fur-tout les fibres que je mâchois, produifoient à-peu-près le même effet.

Nous nous fommes fouvent fervi de feuilles de gin-feng à la place de thé, ainfi que font les Tartares, & je m'en trouvois fi bien, que je préférerois, fans difficulté, cette feuille à celle du meilleur thé. La couleur en eft auffi agréable, & quand on en a pris deux ou trois fois, on lui trouve une odeur & un goût qui font plaifir.

Pour ce qui eft de la racine, il faut la faire bouillir un peu plus que le thé, afin de donner le temps aux efprits de fortir; c'eft la pratique des Chinois quand ils en donnent aux malades, & alors ils ne paffent gueres la cinquieme partie d'une once de racine feche. A l'égard de ceux qui font en fanté, & qui n'en ufent que par précaution, ou pour quelque legere incommodité, je ne vou

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