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que la vie toute fainte & la mort précieufe de celui que vous regrettez, ne nous permettent pas de douter qu'il ne reçoive maintenant dans le ciel la récompense de ses travaux: ainfi vous avez lieu d'efpérer que fes prieres pourront vous dédommager du plaifir que vous donnoit chaque année le récit de fes fuccès apoftoliques: comme nous efpérons de notre côté qu'elles attireront fur cette Miffion des bénédictions abondantes, & qu'au lieu que par fon habileté, par fa fageffe, & fur-tout par fon zèle & par fon éminente vertu, il en étoit un des plus excellens ouvriers; il en fera désormais dans le ciel un des plus fermes appuis, par les fecours qu'il aura foin de nous procurer.

Avant que de fe confacrer à la Miffion de la Chine, il s'étoit engagé par vœu à faire tout ce qu'il fçauroit être de la plus grande gloire de Dieu. Comme nous n'avions rien de caché l'un pour l'autre, & qu'il me découvroit avec fimplicité ce qui fe paffoit de plus fecret au fond de fon coeur, je puis vous affurer que fa fidélité a été auffi inviolable que fon engagement étoit héroïque. Toujours recueilli, il étoit attentif à fes moindres devoirs ; toujours uni à Dieu,

il ne perdit jamais de vue fa préfence au milieu de tous les embarras que lui donnerent fix établiffemens nouveaux qu'il a faits dans ce vafte Empire, & les autres foins attachés à l'emploi de Miffionnaire. J'admirois fur-tout fon égalité d'ame parmi les continuelles traverfes & les fâcheux contre-temps que Dieu fembloit lui ménager pour épurer davantage fa vertu. Il étoit fi dur à luimême que fes Supérieurs furent obligés de modérer fa ferveur, & de lui interdire une partie de fes auftérités. Il étoit accoutumé, depuis long-temps, à vaincre fes inclinations: pour ne manquer à rien, il avoit foin de marquer en détail toutes les chofes en quoi il pouvoit prefque à chaque moment fe renoncer lui-même. Par cette continuelle attention fur toutes fes démarches, il s'étoit rendu le maître abfolu de fes paffions, & il avoit acquis une douceur fi parfaite, que bien qu'il fût de fon naturel très-vif & plein de feu, on eût jugé qu'il étoit d'une complexion mélancolique. Sa patience l'avoit rendu en quelque forte infenfible à tout ce qui pouvoit lui arriver de pénible & d'humiliant. Comme il avoit beaucoup de pénétration, il découvroit, dès la premiere

vue, tous les artifices que les Chinois mettent en usage quand il s'agit de leurs intérêts cependant il les fupportoit avec une douceur & une modération dont ils étoient édifiés. Je me fouviens qu'il me difoit souvent: Nous avons obligation aux Chinois de nous avoir aidé à acquérir la patience. Les feules inclinations de fes Supérieurs étoient pour lui des ordres précis ; il obéiffoit promptement dans les chofes les plus oppofées à fes penchans, fans même repréfenter les obftacles que fon peu de fanté pouvoit apporter à ce qu'on demandoit de fon obéiffance,

Il étoit perfuadé que toues les vertus doivent céder en quelque forte à la charité & au zèle des ames, & qu'un homme occupé aux fonctions évangéliques, doit fe faire tout à tous au fens de l'Apôtre faint Paul. Ainfi comme la crainte des perfécutions ne put jamais l'arrêter dans la pourfuite de fes entreprifes; l'humilité, dont il eut toujours la pratique extrêmement à cœur, ne l'empêcha pas de s'accommoder à certains ufages du pays, qui, pour donner du crédit à la Religion, & nous faire écouter des Grands, nous obligent à ne pas refufer certains honneurs qu'on rend ici aux

fçavans. Il n'ignoroit pas les malignes interprétations qu'on a donné fi fouvent en Europe à cette conduite; mais il difoit, que de fçavoir fe laiffer juger, & condamner fans fujet, eft une des prin cipales vertus d'un homme apoftolique.

Quoiqu'il vécut d'une maniere trèspauvre & très-auftere, il prétendoit pouffer bien plus loin la pratique de la mortification chrétienne: dans l'efpésance qu'il avoit de fe trouver feul un jour, il s'étoit tracé un plan de vie, qui ne différoit prefque en rien pour l'auftérité de celle des anciens Peres du défert.

Son application à l'étude des livres Chinois étoit infatigable, & il y avoit déjà fait de grands progrès : l'attrait par ticulier qu'il avoit pour l'oraifon ne le détourna jamais d'un travail fi pénible & fi rebutant; il étoit convaincu que pour plaire à Dieu il ne devoit rien négliger de tout ce qui pouvoit le rendre plus utile aux peuples auxquels il étoit envoyé.

Il avoit une dévotion tendre envers l'adorable Sacrement de nos autels; c'eft ce qui entretenoit cette union fi intime qu'il avoit avec le Sauveur. Ses lettres étoient pleines des fentimens les plus

propres à augmenter le nombre des fervens adorateurs du facré coeur de Jefus. Son amour pour le Sauveur le rendoit ingénieux à inventer mille moyens pour le faire aimer des autres, & il ne trouvoit rien de difficile quand il s'agiffoit de lui gagner une feufe ame. Il fe perfuadoit même que la pratique du vœu qu'il avoit fait, pouvoit devenir commune parmi les fideles, tant il la croyoit jufte & raisonnable.

C'étoit fa coutume d'attribuer à fes péchés & à fes infidélités les événemens. & les contradictions, qui empêchoient ou qui retardoient l'oeuvre de Dieu Alors il fe puniffoit lui-même par de longs jeûnes au riz & à l'eau, ou bien il faifoit quelques jours de retraite, afin, difoit-il, de fe purifier devant Dieu, & de pouvoir enfuite lui offrir des prieres. capables de fléchir fa colere. Dieu a fouvent fait connoître combien cette conduite lui étoit agréable; c'eft ce qui parut finguliérement dans l'établiffement de Nimpo. Des gens mal intentionnés avoient déféré au grand tribunal des Rites, le deffein que nous avions de bâtir dans cette ville une maison & une églife on attendoit en tremblant la

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