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Tes Officiers qui l'avoient aidé dans fes preftiges. C'eft ainfi que ce Prince eft tombé dans le précipice qu'il avoit creufé à un frere, que fa qualité de fils d'une Impératrice légitime mettoit au-deffus de lui, quoiqu'il fut l'aîné.

Voilà, mon Révérend Pere, quel eft l'état préfent de la Cour. Jamais, comme vous voyez, l'Empereur n'a fait éclater davantage le prodigieux afcendant que la rature,l'expérience,la politique, & un regne des plus longs & des plus heureux lui ont donné fur fes fujets. Mais après tout, ceux que le Seigneur,dans l'écriture, veut bien appeller du nom de Dieux (1), font fouvent forcés de reconnoître, dans l'exercice même le plus étendu de leur puiffance, qu'ils font hommes & mortels comme les autres. Je me perfuade que l'Empereur, éclairé comme il eft, sera entré dans ce fentiment au fort de fa douleur ; & comme je fçai que le temps des difgraces eft plus propre à nous faire réfléchir fur nous-mêmes, que celui des grandes profpérités, j'ai exhorté tous les Miffionnaires à offrir le faint facrifice de la Meffe, & à renouveller leurs prieres

(1) Ego dixi: Dii eftis, & ficut homines morie

pour la converfion de ce grand Prince.

Voici une réflexion qu'il a déja faite & qui, aidée de la grace, pourroit l'approcher du royaume de Dieu. Ayant appellé à fon Palais ceux à qui il avoit confié l'éducation des Princes, il s'eft plaint amérement de ce qu'ils fouffroient que fes enfans s'adonnaffent à la magie, & à des fuperftitions qui mettoient le trouble & la divifion dans fa famille. Heureux s'il approfondiffoit un peu plus cette penfée, & s'il venoit à couper jufqu'à la racine d'un tel défordre en banniffant de fon Empire les fauffes fectes & en y établiffant la feule Religion, qui eft la véritable.

Cependant la maladie de l'Empereur, qui augmentoit chaque jour, l'avoit réduit dans un état de foibleffe qui ne laiffoit plus d'efpérance aux Médecins Chinois. Ils étoient au bout de leur art, lorfqu'ils eurent recours aux Européens; ils avoient oui dire que le Frere Rhodès entendoit bien la pharmacie, & ils jugerent qu'il pourroit foulager l'Empereur. Ce Frere a en effet de l'habileté & de l'expérience; & je vous dirai en paffant, que comme il eft d'un âge affez avancé, nous fouhaitons fort qu'on nous en envoie quelqu'un d'Europe qui puiffe

le remplacer quand nous viendrons à le perdre. Ses fervices ne contribueront pas peu à l'avancement de la Religion.

fut par

Dieu, qui a fes deffeins, & qui, dans les triftes conjonctures où nous nous trouvons, a peut-être ménagé cette occafion de nous affectionner davantage l'Empereur pour le bien du Chriftianifme, bénit les remedes que le Frere Rhodes employa pour fa guérifon. Ce le moyen de la confection d'Alkermès, qu'il fit d'abord ceffer ces palpitations violentes de coeur qui l'agitoient extraordinairement: il lui confeilla enfuite l'ufage du vin de Canarie. Les Miffionnaires, à qui on en envoie tous les ans de Manille pour leurs Meffes, eurent foin de le fournir; en peu de temps fes forces fe rétablirent, & il jouit d'une fanté parfaite. Il en a voulu convaincre fes fujets, en paroiffant pour la feconde fois de fon regne dans les rues fans faire retirer le peuple, comme c'est la coutume de l'Empire; coutume qui infpire, pour la majefté royale, un refpect prefque religieux.

C'eft à cette occafion que l'Empereur a voulu faire connoître, par un acte authentique, l'idée qu'il avoit des Miffion

duite, & de leur attachement à fa perfonne, eft conçu en ces termes: Vous, Européens, dit-il, que j'emploie dans l'intérieur de mon palais, vous m'avez toujours fervi avec zèle & affection, fans qu'on ait eu jufqu'ici le moindre reproche à vous faire. Bien des Chinois fe défient de vous, mais pour moi qui ai fait foigneulement observer toutes vos démarches, & qui n'y ai jamais rien trouvé qui ne fût dans l'ordre, je fuis fi convaincu de votre droiture & de votre bonne-foi, que je dis hautement qu'il faut fe fier à vous & vous croire. Il parle enfuite de la maniere dont fa fanté a été rétablie par le foin des Européens.

Ces paroles de l'Empereur, exprimées dans un acte public, ne femblent-elles pas donner quelque lueur d'efpérance de fa converfion? Peut-être me flattai-je d'un vain espoir; il me femble pourtant qu'il eft naturel d'écouter des gens en faveur de qui on eft ainfi prévenu; ce que dit ce Prince, qu'on doit se fier à à nous, qu'on doit nous croire, a déja fervi à la converfion de plufieurs de fes fujets.

Avant que cet acte Impérial parût, le Pere Parennin m'avoit averti qu'on avoit donné des ordres fecrets aux Vicerois de Canton & de Kiangfy, de recevoir le vin & les autres chofes que les Eu

topéens leur apporteroient pour l'ufage de l'Empereur, & de les envoyer inceffamment à la Cour; pourvu que tout ce qui feroit envoyé, fût fcellé du cachet de l'Européen; car cette circonftance étoit expreffément recommandée; ce qui eft une nouvelle preuve de la confiance dont l'Empereur veut bien nous honorer.

Ne foyez pas furpris, mon Révérend Pere, fi je compte pour beaucoup tous ces petits avantages. Comme nous n'avons traversé tant de mers, que pour faire connoître Jefus-Christ à un grand peuple qui l'ignore, & que c'eft-là l'unique fin de tous nos travaux, nous faisons attention jufqu'aux moindres chofes qui font capables de favorifer un fi grand deffein.

Mais ce qui vous intéreffe le plus, & ce que fans doute vous exigez de moi préférablement à tout le refte, c'eft que je vous inftruise de l'état préfent de nos églifes. J'ai la douleur de ne pouvoir vous contenter que dans trois ou quatre mois, qui eft le temps que les Miffionnaires ont accoutumé de m'écrire. Tout ce que je puis faire maintenant, c'est de vous communiquer ce que j'ai appris par

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