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AVANT-PROPOS.

Nous offrons au public, dans une traduction fidèle, la première réunion complète des Évangiles apocryphes. Monuments des plus curieux, témoins irrécusables du mouvement des esprits à une époque particulièrement digne d'attention, ces récits, ces légendes naïves sont dignes souvent d'être comparés à ce que la poésie de tous les âges offre de plus beau ; ils ne se trouvaient que dans quelques ouvrages grecs ou latins, connus des seuls érudits de profession, difficiles à rencontrer, ou d'un prix inabordable. Le siècle dernier avait traduit, c'està-dire défiguré et tronqué certains fragments de cette littérature contemporaine du Christianisme à son berceau; une intention irreligieuse les avait presentés sous un faux jour. En fait de travaux en langue française sur le sujet qui nous occupe, nous n'avons à indiquer que les leçons de M. Dohaire, insérées dans l'Université Catholique plus d'une fois nous avons fait usage des appréciations de ce

judicieux critique. Nous le redirons avec lui : les légendes des cycles évangéliques sont de simples traditions trop crédules, souvent trop puériles; mais à chaque page brillent la candeur et la bonne foi. Dans ces narrations familières, dans ces anecdotes contées au foyer domestique, sous la tente, à l'ombre des palmiers au pied desquels s'arrête la caravane, le tableau des mœurs populaires de l'église primitive se déroule en toute sincérité. L'âme et la vie de la nouvelle société chrétienne sont là, et elles y sont tout entières. Ces récits sont maintes fois dénués de vraisemblance; nous en convenons ; ils manquent d'exactitude historique ; la chose est certaine quant à de nombreux détails; mais les usages, les pratiques, les habitudes, les opinions dont ils conservent les traces, voilà ce qui réunit le mérite de l'intérêt à celui de la fidélité.

Ces légendes étaient les poèmes populaires des premiers néophytes du culte nouveau; la foi et l'imagination les embellissaient sans cesse; l'on y rencontre encore des lambeaux reconnaissables de compositions en vers, et qui étaient certainement chantées.

Un écrivain instruit l'a déjà remarqué; des mémoires qui nous révèleraient l'état un peu complexe de la société chrétienne dans les premiers moments de sa naissance, seraient d'un prix inestimable. Ces récits existent; mais ils avaient été oubliés, perdus de vue; ce sont les actes des martyrs, les histoires des apôtres et de leurs disciples, les faux Évangiles des premiers siècles. En

même temps, ces mémoires sont de petites épopées empreintes d'un caractère de crédulité naïve; elles ont pour descendants les grands poèmes épiques chrétiens, Dante, Milton et Klopstock.

Si vous cherchez la cause de la faveur démesurée dont ces légendes ont été l'objet durant quatorze siècles, si vous demandez le motif de leur multiplicité, interrogez ce besoin de merveilleux dont l'homme a constamment subi l'influence (1), qui s'est à chaque époque manifesté dans l'Orient avec une vivacité toute particulière, et dont la société nouvelle ne pouvait se défendre malgré la sévérité, malgré la gravité de ses croyances immuables. Ces gentils encore imbus des fables de la mythologie, ces juifs convertis, mais la tête pleine des merveilles qu'enfantait l'imagination des rabbins, ces néophytes d'hier, épars à Jérusalem, à Alexandrie, à Éphèse, ne pouvaient si vite vaincre leur penchant pour les fictions. Ce fut toujours le propre des peuples d'Orient d'entremêler le conte, la parabole aux matières les plus graves. Aussi, dans les légendes que nous allons reproduire, retrouve-t-on

(1) C'est une chose remarquable de voir le même esprit sous l'influence duquel ont été composés les récits que nous recueillons aujourd'hui, se reproduire à dix-sept siècles de distance, dans l'histoire de la douloureuse passion de Jésus-Christ, par la sœur Catherine Emmerich. L'œuvre de cette extatique allemande, devenue célèbre, a occasionné une vive sensation chez les populations catholiques d'au-delà du Rhin. M. de Cazalès n'a pas jugé ces écrits indignes de l'attention des lecteurs français; et il en a donné une traduction aussi fidèle qu'é égante. L'analogie dont nous venons de parler nous a paru susceptible d'être signalée aux hommes sérieux.

l'empreinte remarquable et profonde de cette fusion opérée entre les opinions anciennes et les dog

mes nouveaux.

Parmi les écrits apocryphes, il importe de distinguer ceux qui ont été l'œuvre de quelques imposteurs, et ceux qu'à la fin du premier siècle, ou au commencement du deuxième, rédigèrent, avec plus de piété que de critique, quelques disciples jaloux de rassembler les traditions qui se rattachaient à l'origine du christianisme; ils cherchaient ainsi avec zèle à conserver les paroles, les sentiments attribués au Sauveur.

A partir du règne paisible d'Adrien et des Antonins, les bizarreries de la magie, les subtilités de la cabale, les rêveries des théosophes commencent à se mêler aux doctrines philosophiques et religieuses; les sectes pullulent; les discussions, les schismes offrent un aliment inépuisable à ce besoin de nouveauté dont l'homme combat difficilement l'attrait. Les écrits apocryphes surgissent de toute part; il y en a qui sont mis sous le nom d'un des apôtres; d'autres s'annoncent comme l'œuvre des premiers successeurs des disciples immédiats de Jésus-Christ. Des historiens pseudonymes viennent raconter, chacun à sa manière, les prédications, les voyages, les aventures de leurs prétendus maîtres on y mêle les anecdotes les plus controuvées, les épisodes les plus dépourvus d'authenticité.

Les écrits dogmatiques, que quelques-uns des hérésiarques primitifs ont voulu faire circuler sous

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