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des noms vénérés, afin d'appuyer leurs erreurs, offrent un mélange de subtilités, d'allégories résultant de la combinaison des doctrines orientales et du développement sans contrôle de la pensée grecque dans tout ce que son allure a de plus libre, de plus hardi. N'ayant eu cours que dans le sein de quelques sectes éteintes pour la plupart dès le commencement du quatrième siècle, ces légendes hétérodoxes disparurent promptement; à peine en est-il demeuré les titres, à peine nous en a-t-il été conservé quelques phrases isolées. On peut déplorer leur perte, car les rêveries gnostiques sont maintenant sans danger, et parmi ces fictions, parmi ces rêves d'une imagination échauffée, il se trouverait maint détail fort utile à une histoire des plus curieuses et des plus dignes d'intérêt : celle de l'esprit humain pendant les premiers siècles de la régénération chrétienne.

Il y a une toute autre importance dans les légendes que l'Église rejeta, et avec raison, comme dénuées d'authenticité, mais qui du moins ne posaient aucun point de doctrine contraire à la foi. Celles-ci, l'église grecque les accueillit en partie; encore de nos jours les chrétiens de l'Égypte et de l'Asie ne les révoquent nullement en doute. Loin d'être restées stériles, elles ont eu, pendant une longue suite de siècles, l'action la plus puissante et la plus féconde sur le développement de la poésie et des arts; l'épopée, le drame, la peinture, la sculpture du moyen-âge n'ont fait faute d'y puiser à pleines mains. Laisser de côté l'étude des Évangiles apo

cryphes, c'est renoncer à découvrir les origines de l'art chrétien. Ils ont été la source où, dès l'extinction du paganisme, les artistes ont puisé toute une vaste symbolique que le moyen-âge amplifia. Diverses circonstances, rapportées dans ces légendes, et consacrées par le pinceau des grands maitres de l'école italienne, ont donné lieu à des attributs, à des types que reproduisent chaque jour les arts du dessin. Saint Joseph est-il constamment représenté sous les traits d'un vieillard? C'est d'après l'autorité d'un passage de son histoire écrite en arabe, et où il est dit que lorsque son mariage eut lieu, il avait atteint l'âge de quatre-vingt-dix ans. Dans une foule de toiles, ce même saint tient un rameau verdoyant; l'explication de cet attribut doit se chercher dans une circonstance que relatent le Protévangile de Jacques et l'Histoire de la nativité de Marie. C'est sur l'indication d'autres passages de ces mêmes légendes, que l'on représente les animaux qui sont dans l'étable et adorant le Sauveur, que l'on donne des habits sacerdotaux à Siméon dans les tableaux de la Présentation au temple (1).

Rédigés dans le style populaire des époques et des lieux qui les ont vus naître, de pareils écrits seront d'une grande naïveté de style. On voit qu'ils

(1) Parmi les ouvrages ou les dissertations que cite le docteur Thilo, nous signalerons les suivants comme dignes d'être consultés par les artistes: Molanus, Historia S. S. Imaginum, (Louvain, 1574); P. C. Kilscher. Disputatio de erroribus pictorum circa nativitatem Christi; Ph. Rohr, Dissertatio de pictore errante in historia sacra, (Leipzig, 1679); Ayala, Pictor christianus eruditus (Madrid, 1703).

ont été tracés par des hommes sans art; les rhéteurs de la turbulente Alexandrie, de la Grèce dégénérée, n'ont point passé par là. Beaucoup de redites, de répétitions, de simplicités, mais des détails touchants et naïfs, des images gracieuses, des miracles que l'on peut considérer comme des paraboles ingénieuses, parfois des morceaux vraiment grandioses et relevés. Le cantique dans lequel sainte Anne, devenue mère après une longue stérilité, célèbre le bonheur qu'elle éprouve, est sublime d'exaltation et de pieux entraînement.

Citons encore la seconde portion de l'évangile de Nicodème comme une excursion des plus remarquables dans les domaines de l'enfer, dans de mystérieuses et inaccessibles régions; l'auteur du Paradis perdu et celui de la Messiade s'en sont inspirés. Dans cette légende, ainsi que le remarque fort bien M. Douhaire, l'ampleur et l'éclat du récit atteignent à l'épopée, et l'on trouverait difficilement des scènes plus hardies de conception, d'une forme plus dramatique et plus vigoureuse, que cette solennelle confrontation des deux mondes, l'ancien et le nouveau, que cette vérification de la prophétie par les prophètes eux-mêmes, que ce réveil d'une génération de quatre mille ans au bruit de la voix perçante qu'elle avait entendue dans de surnaturelles communications. « Guidé par une imagination ardente, » observe M. Hase, « l'auteur a imité les couleurs sombres de l'Apocalypse. Se conformant à quelques traditions orientales ou gnostiques, il distingue le mauvais principe personnifié, du prince des enfers, le

quel, occupant un rang inférieur, tenait renfermés dans ses vastes cavernes les patriarches, les prophètes, et, en général, tous ceux qui étaient morts avant l'avènement du Christ. En lisant le récit de leur délivrance, de leur entrée dans la loi nouvelle, on ne peut manquer de reconnaître une énergie d'expression, une vigueur de pensées peu com

munes. >>

Notre traduction a été conçue et exécutée dans un système de fidélité rigoureuse; nous avons uniquement cherché à rendre le texte original que nous avions sous les yeux, sans l'embellir, sans lui prêter aucun ornement, sans en faire disparaître ce que l'on prendrait aujourd'hui pour des vices de rédaction littéraire.

Quelques notes ont été annexées lorsque nous avons jugé que certains passages réclamaient des éclaircissements, ou étaient susceptibles de donner lieu à des rapprochements qui pussent offrir de l'intérêt. Plusieurs fois nous nous sommes aidés des travaux des éditeurs nos devanciers, mais nous avons cru devoir élaguer les discussions théologiques, les minuties grammaticales, l'attirail des variantes, enfin tout ce dont les commentaires que nous avons consultés ont été grossis énormément.

Nous avons disposé ces légendes dans l'ordre qui nous a paru le plus logique, dans celui qui nous a semblé devoir présider à leur lecture; il s'écarte de la classification adoptée par les éditeurs. Fabricius a débuté par l'évangile de la Nativité de Marie, et Thilo par l'Histoire de Joseph. Celle-ci,

le savant hambourgeois l'avait placée parmi les légendes de l'Ancien Testament elle appartient toutefois exclusivement au Nouveau.

Chaque composition sera précédée d'un court avant-propos, dans lequel nous relaterons ce qui la concerne plus spécialement. Du reste, dans tout notre travail de critique et de glossateur, on ne peut voir qu'un précis des plus modestes et des moins prétentieux.

Nous allons maintenant donner sur l'ensemble de la collection quelques détails de bibliographie; quant à cette portion de nos recherches, nous lui avons donné des soins particuliers, d'abord afin de faciliter les investigations des personnes qui voudraient approfondir ce que nous avons dû nous borner à effleurer, et ensuite parce que la bibliographie, beaucoup trop souvent négligée, est un excellent instrument de travail, une science bien plus difficile qu'on ne croit, et dont l'importance est chaque jour mieux sentie.

Le mérite d'avoir le premier recueilli quelquesunes des légendes apocryphes relatives au Nouveau Testament, revient à Michel Neander, théologien allemand du seizième siècle; il les joignit à une édition grecque-latine du petit catéchisme de Luther, imprimée à Bâle en 1543, et reproduite en 1547 avec diverses additions. Une partie du travail de Neander reparut à Hambourg en 1594 par les soins de N, Glaser, qui l'accrut de quelques autres fragments. Plusieurs de ces écrits furent également insérés dans différentes collections volumineuses,

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