DE MONTAIGNE SUIVIS DE SA CORRESPONDANCE ET DE LA SERVITUDE VOLONTAIRE D'ESTIENNE DE LA BOËTIE ÉDITION VARIORUM ACCOMPAGNÉE D'UNE NOTICE BIOGRAPHIQUE ET D'UN INDEX ANALYTIQUE PAR CHARLES LOUANDRE TOME TROISIÈME PARIS CHARPENTIER, LIBRAIRE-ÉDITEUR 28, QUAI DE L'ÉCOLE, 28 1862 DE MICHEL DE MONTAIGNE LIVRE SECOND SUITE CHAPITRE XIII. DE IUGER DE LA MORT D'AULTRUY. Quand nous iugeons de l'asseurance d'aultruy en la mort, qui est sans doubte la plus remarquable action de la vie humaine, il se fault prendre garde d'une chose, Que malayseement on croit estre arrivé à ce poinct. Peu de gens meurent, resolus que ce soit leur heure derniere; et n'est endroict où la piperie de l'esperance nous amuse plus : elle ne cesse de corner aux aureilles : « D'aultres ont bien esté plus malades sans mourir; l'affaire n'est pas si desesperee qu'on pense; et, au pis aller, Dieu a bien faict d'aultres miracles. » Et advient cela, de ce que nous faisons trop de cas de nous : il semble que l'université des choses souffre aulcunement de nostre aneantissement, et qu'elle soit compassionnee à nostre estat; d'autant que nostre veue alteree se represente les choses abusivement, et nous est advis qu'elles lui |