joye. Celuy, qui mordoit les morceaux fanglants du corps de ce miferable, n'avoit jamais trouvé de mets plus délicat. Car dans l'ardeur de fe vanger, ne crois pas que le plaifir du goût foit celuy dont on foit touché davantage. Quand tout le corps fut mangé, celuy qui ne put en avoir fa part, eftant venu le dernier, receüilloit dans fa main le fang, qui en avoit efté répandu fur la terre, pour en boire du moins quelques goutes. On rapporte que les Gafcons fe conferverent autrefois la vie par ces mefmes aliments; mais il y a une grande difference; la fortune ennemie les y contraignoit: Ils fouffroient les derniers befoins d'une longue guerre. Ils étoient réduits à une furieufe extrémité. La longueur du fiege, qu'ils foûtenoient, les mettoit dans cet épouvantable neceffité. Ils font à plaindre d'avoir eu recours à une telle nourriture. Helas, aprés avoir confumé toutes les herbes, aprés avoir mangé tous les animaux, aprés s'étre fervi de ce que la faim leur faifoit prendre, leurs ennemis mefmes ne pouvant les voir pafles, maigres, deffaits, fans eftre touchés de pitié: En cet étrange état, il eft vray qu'étant preffés de tout ce que la faim a de plus furieux, ils mangerent la chair des morts, & qu'ils eftoient prefts à devorer une partie d'eux mefmes, pour empefcher l'autre de perir. Y a-t-il quelqu'un des hommes, ou des Dieux qui n'excufent pas ces peuples, qui n'ont pris ce funefte aliment qu'après avoir fouffert les plus grandes & les plus cruelles extremices Oüy; les Manes mefmes, dont ils mangeoient les corps pouvoient bien en cette rencontre étrange ne se pleindte pas sdicax muudby,neq el nove as we an up Ileft vray que Zenoh nous donne des confeils plus élevés!: car s'il y a beaucoup"ḍe chofes, quedo peur faire, pour fe conferver la vie il ne s'enfuit pas que tout foit permis. Mais comment un Gafcon auroit:llené Stofsaien principalement aur temps de l'ancien Metellus? Tout le monde a receu maintenant ce que nous avons appris nous mefmes des Grecs. La Gaule a enfeigné l'Eloquence aux Bretons On dit que la Norvege mefme parle de payer des gages à un Rheteur. Mais fi cette genereufe Nation, dont j'ay parlé, n'avoit pas toute la Philofophie des Grecs qu des Romains, avoit elle moins de courage, & de conftance que nous? Sagunthe mefme plus celebre par fes malheurs, ne l'a pas furpafléc 1 A ces L'Ægypte peut-elle fe deffendre par'cè grands exemples? L'Egypte, où l'on a veu plus de cruautés, qu'à l'Autel des Meotides. Car ce pays, tout barbare qu'il eft, & qui a inventé du Sacrifice fi terrible fi nous croyons tout ce qu'il plaift aux Poëtes d'en 1 a 1 Membrà aliena fame lacerabant, esse parati Viribus abnuerit Et quibus ipforum poterant ignofcere Manes, མ་ Quorum corporibus vefcebantur ? melius nos Zenonis præcepta monent, nec enim omnia quædam . ་་་་,་་་ Provita facienda putat. fed Cantaber unde nas. Gallia caufidicos docuit facunda Britannos, De conducendo loquitur jam rhetore Thyle. ¶ Nobilis ille tamen populus, quem diximus, & par اور Virtute atque fide, fed major clade Saguntus, Tale quid excufat. Maotide favior ara Ægyptus? quippe illa nefandi Taurica facri Inventrix, homines ( ut jam que carmina tradun #3}} #110&N UN G iiij Digna fide credas) tamen immolat. Vlterius nil Sauromataque truces, aut immanes Agathyrfi, Que lacrymas dedit, hæc noftri fenfus. pars optima Plorare ergo jubet caufam lugentis amici, Squaloremque rei, pupillum ad iura vocantem Circumfcriptorem, cujus manantia fletu dire) ayant immolé les hommes, ne porte point plus loin la fureur contre les victimes. Il répand leur fang; mais il ne s'en raffafie point. Or je demande maintenant, fi c'est quelque malheur impreveu, quelque famine violente, quelque guerre longue, & difficile, qui ayt contraint, qui ayt forcé ceux, dont je parle ici, à une chofe fi deteftable. Y a-t-il un crime, pour lequel ils meriteroient davantage, que les campagnes de Memphis fuffent feches, & fteriles, & que le Nil refusaft de les arrofer. Cette cruelle rage, dont les Cymbres fi terribles, les Bretons, les Sarmates fi fauvages, les Scythes les plus cruels de tous les peuples n'on jamais donné d'exemple, a efté dans le cœur d'un peuple lâche & faineant, qui s'occupe vainement à faire flotter fur les eaux de petites barques, embellies de peintures. Il n'y a point de punition affés grande pour un fi grand crime. Non, vous ne trouverés point de fupplice, qui châtie affés ce peuple furieux, qui fait pour fatisfaire je ne fçay quelle paffion, ce qui n'a jamais efté fait que dans le dernier befoin, & dans la faim la plus preffante. La nature, qui nous a donné les larmes, monftre bien qu'elle ne donne pas aux hommes un cœur endurci. Il n'y a rien de meilleur en nous que les fentiments de tendres |