Obrázky na stránke
PDF
ePub

vastes contrées. On n'y voit plus que triomphes sur triomphes, et conquêtes sur conquêtes. Un seul coup abat Philippe. Un autre coup chasse d'Asie le grand Antiochus. Dans la même année un mois lui suffit pour faire la conquête de la Macédoine, une autre pour faire celle du royaume d'Illyrie, et pour mettre aux fers leurs deux rois. Un seul de ses Capitaines, 2 dans le cours d'une même expédition, soumet à son pouvoir l'Arménie, le Pont, la Syrie, la Palestine, l'Arabie, les Albaniens, les Ibères, et porte les bornes de sa domination jusqu'à la mer Caspienne et à la mer Rouge. Et ce qui est bien remarquable, ajoute le même Auteur, c'est que cet heu. reux génie de Rome ne l'a pas favorisée seulement pour quelques jours, et pour un court espace de temps, ni simplement ou par terre ou par mer, ni après de lents efforts et de longs délais, et ne l'a point quitté rapidement, comme tout cela est arrivé dans les autres Empires: mais né en quelque sorte et accru avec Rome, il y a établi et fixé sa demeure, a toujours présidé à son gouvernement, en a toujours réglé la conduite, et lui a constamment procuré de glorieux succès, en guerre et en paix, par terre et par mer, contre les Barbares et contre les Grecs.

Cet établissement de l'Empire Romain, le plus grand et le plus puissant qui ait jamais été, ne fut point, dit Polybe [page 64.], l'effet du hasard. Ce fut le fruit du mérite et de la vertu : ce fut la suite de desseins concertés avec sagesse, exécutés avec courage, et conduits à leur finavec une habileté et une attention qui ne se démentit ¡Persée et Gentius, Pompée.

jamais. Il est donc utile et important, continuet-il [pag. 160.], d'examiner quels furent du côté des vainqueurs les principes de conduite avant et après la victoire, quelles furent les dispositions des peuples à leur égard; et ce qu'on pensoit de ceux qui tenoient le gouvernail de la république.

Nous avons vu quels ont été les grands hommes qui ont contribué pendant cet intervalle de temps à l'agrandissement de l'Empire Romain. Il nous reste à considérer quel a été l'esprit et le caractère du peuple Romain même.

1

Nous en trouvons un magnifique portrait dans Salluste. << Il ne faut pas croire, fait-il dire à Ca<< ton, que ce soit par de nombreuses armées que << nos ancêtres ont si fort augmenté la puissance << de Rome. D'autres avantages les ont rendus vé<< ritablement grands, et la république avec eux: «< au dedans, une vie laborieuse; au dehors, un «< gouvernement juste et sage; dans les délibéra«<tions, un esprit exempt de passions et de vi«< ces... Dans le camp, comme dans la ville, dit «< ailleurs le même Historien, les bonnes mœurs << et les bonnes maximes dominoient ; et le sou<< verain empire qu'avoient sur les Romains la « justice et la vertu, étoit moins l'effet des lois, « que de leur bon naturel. Enfin ils se soutenoient « eux et la république par deux moyens: en guer

Nolite existimare majores nostros armis remp. ex parva magnam fecisse... Alia fuere, quo illos magnos fecere, quoe 110bis nulla sunt; domi industria, foris justum imperium; animus in consulendo liber, neque delicto neque lubidini obnoxius. Sailust. in bello Catillin.

Dom militiaque boni mores colebantur... Jus bonumque apud eos non legibus magis quàm natura valebat... Ducbus his artibus, audacia in bello, ubi pax evenerat æquitate, seque remque publicam curabant. Ibid.

«re, par la hardiesse et le courage; en paix, par la justice et la modération ».

Il ne faut pas conclure de ce que dit ici Salluste de ces belles années de la république, et de ce que nous en dirons nous-mêmes dans la suite que tous les Romains alors, ni même le plus grand nombre, fussent tels. C'étoit-là l'esprit de la république, l'esprit de ceux qui gouvernoient: 1 et ce petit nombre entraînoit tous les autres, et produisoit ces merveilleux effets.

I

Il ne faut pas non plus s'imaginer que les vertus que nous faisons tant valoir ici, fussent bien pures et bien solides. Nous les donnons pour ce qu'elles valent, c'est à-dire pour des vertus Romaines, et non pour des vertus chrétiennes. Et cependant quelque imparfaites qu'elles fussent, Dieu, selon la remarque de S. Augustin, les a couronnées par l'empire du monde: récom. pense digne des Romains, qui n'en attendoient point d'autre, et aussi vaines que leurs vertus. Receperunt mercedem suam, dit l'Evangile : vani vanam, pourroit-on ajouter avec un Père, qui parle ainsi de ces illustres païens.

Après avoir pris ces précautions, et employé ces préservatifs, il ne me reste plus qu'à rapporter les principales vertus des Romains dans la guerre. Je le ferai le plus succinctement qu'il me sera possible.

I. Equité et sage lenteur pour entreprendre et pour déclarer la guerre.

Les Romains ne s'engageoient pas légèrement ni témérairement dans une guerre. Avant tout ils

Ac mihi multa agitanti constabat, paucorum civium egregiam virtutem cuncta patravisse. Ib.

I

songeoient à se rendre les dieux favorables, n'attendant le succès que de leur protection, 1 et persuadés que, comme ils présidoient d'une manière particulière à l'événement des guerres, ils faisoient toujours pencher la victoire du côté qui avoit pour lui la justice et le bon droit. De là venoit que jamais ils ne prenoient les armes, sans avoir envoyé chez les ennemis des hérauts, qu'on nommoit Féciales, pour leur exposer leurs griefs, et leurs sujets de plainte; et ce n'étoit que sur le refus qu'ils faisoient de donner satisfaction, qu'on leur déclaroit la guerre. Ce fut pour ne point manquer à ces cérémonies, qui chez eux faisoient partie de la religion, qu'ils laissèrent périr misérablement Sagonte, dont la ruine, comme l'avoit prédit un sage Carthaginois, retomba sur Carthage même, et entraîna sa perte. Les Romains usèrent de la même retenue à l'égard de Philippe, d'Antiochus, et de Persée, quoique ces Princes fussent les agresseurs, et qu'ils eussent depuis long-temps violé les traités par plusieurs infractions manifestes.

2. Fermeté et constance dans une résolution une fois prise et arrétée.

2 Plus les Romains agissoient d'abord avec lenteur et maturité, plus ils étoient vifs et persévérans dans l'exécution. Le siége de Capoue senl en seroit une grande preuve. Il avoit été résolu chez les Romains d'attaquer cette importante ville, dont la révolte laissée impunie depuis

Vicerunt dii hominesque ; et id, de quo verbis ambigebatur, uter populus fœdus rupisset, eventus belli, velut æquus judex, unde jus stabat, ei victoriam dedit. Liv. lib. 21.n. 10.

2

Quo leniùs agunt, segniùs incipiunt : eo, cùm cæperint, vereor ne perseverantiùs sæviant. L. 21. n. 10.

plusieurs années, sembloit être la honte de Rome. Dans le temps que l'Italie étoit ravagée par un ennemi tel qu'Annibal, et que les horreurs de la guerre s'y faisoient le plus sentir, ils abandonnèrent tout, et quittèrent Annibal Ini-même pour assiéger Capoue, et ils y envoyèrent les deux Consuls avec chacun une armée. Le siège dura plus d'un an. Il n'y eut point d'efforts que ne fit Annibal pour sauver cette ville qui devoit lui être si chère. 'Enfin, pour dernière tentative il marche vers Rome avec une armée nombreuse. Il n'y a point, dit un citoyen de Capoue, de « bête si acharnée à sa proie, à qui on ne la fasse « lâcher, si l'on va vers son antre pour enlever «< ses petits. Mais pour les Romains, ni le siège « de Rome, niles cris et les gémissemens de leurs « femmes et de leurs enfans, qu'ils entendoient « presque de leur camp, n'ont pu les arracher « du siège de Capoue ». 2 La prise et la punition. exemplaire de cette ville rebelle, firent connoître à l'univers la persévérance des Romains à poursuivre la vengeance d'Alliés infidèles, et l'impuissance d'Annibal pour secourir une ville qui s'étoit mise sous sa protection.

Mais où ce caractère de fermeté et de constance me paroît le plus admirable dans les Romains, c'est lorsqu'il s'agissoit de traiter de paix avec les ennemis. Dès le commencement de la guerre ils en marquoient les conditions, et nul événement ensuite n'étoit capable d'y apporter aucun changement. Ni des échecs qu'ils recevoient quelquefois n'en faisoient rien relâcher nides victoires considérables qu'ils remportoient 1 Liv. lib. 26. n. 13. — Ibid. n. 16.

;

« PredošláPokračovať »