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n'y faisoient rien ajouter: tant ce Peuple étoit ferme et invariable dans ses résolutions, parce qu'il les croyoit fondées en raison et en équité. Les traités qu'ils firent avec les Carthaginois, et avec les trois Princes dont la défaite suivit celle des Carthaginois, furent tous de cette sorte. 3. Accoutumance aux pénibles travaux et aux exercices militaires; sévérité incroyable pour la discipline; diverses récompenses du mérite.

1

On peut bien dire que les Romains étoient un peuple de soldats, né et formé pour la guerre, dont il tiroit toute sa gloire et toute sa puissance, comme il en faisoit sa principale occupation. Ce n'étoient point des troupes ramassées au hasard, mais des citoyens établis à Rome ou à la campagne, qui combattoient pour eux-mêmes en combattant pour l'Etat. Ils étoient endurcis aux travaux militaires dès l'âge le plus tendre: Robustus acri militia puer condiscat, etc. [Horat. lib. 3. ode 2.] C'est une chose étonnante de voir de quels fardeaux ils étoient chargés dans une marche. Chaque soldat portoit des vivres pour plusieurs jours, un pieu et quelquefois plusieurs, et tout ce qui lui étoit nécessaire pour l'usage de la vie; sans parler du bouclier, de l'épée, du casque, qu'on ne comptoit point parmi les fardeaux, parce que les armes faisoient comme partie du soldat et étoient regardées comme ses membres. Les longs sièges, les marches pénibles, les expéditions éloignées, le poids extraordinaire de leurs armes, de leurs bagages, et de leurs munitions, le travail ordinaire de fortifier le camp pour les séjours très-courts, et plusieurs exerciCic. Tusc. quæst. lib. 2.n. 37.

ces de cette nature très-fatigans, ne pouvoient vaincre leur amour pour la gloire de leur patrie; et une patience si invincible les mettoit en état de vaincre toute la terre.

Il est aisé de juger quelle impression avoient faite sur les esprits ces sanglantes exécutions, I où des pères et des Consuls, pour maintenir et assurer la discipline militaire, qu'ils regardoient comme le principal appui de l'Etat, s'étoient crus obligés de répandre le sang de leurs propres enfans, et des premiers officiers de l'armée. Après de tels exemples, un simple soldat ne pouvoit pas se flatter que sa désobéissance pût demeurer impunie.

Mais ce qui rendoit les 'armées Romaines invincibles, étoit ce grand principe établi anciennement et gardé inviolablement parmi les troupes, que c'étoit une honte ineffaçable et un crime impardonnable pour un Romain, que de livrer ses armes, et de se rendre volontairement à l'ennemi: principe qui ne laissoit aucun milieu entre la victoire et la mort. Aussi, quand après la bataille de Cannes on proposa dans le Sénat de racheter les soldats qui s'étoient rendus à Annibal au nombre de plus de huit mille, quelque instance que fissent leurs parens; et quelque besoin qu'eût alors de troupes la république, 2 on s'en tint à la maxime ancienne de ne point racheter les captifs, comme absolument nécessaire dans la conjoncture présente pour affermir et

Quandoquidem... quantum in te fuit, disciplinam militarem, qua stetit ad hanc diem Romana res, solvisti... nos potiùs nostros delicto plectemur, quàm respublica tanto suo damno nostra peccata luat. Triste exemplum, sed in posterum salubre juventuti erimus. Lib. 8. n. 7.

2 Lib. 22. 11, 60.

conserver la discipline militaire, et l'on aima mieux armer un pareil nombre d'esclaves, que de donner la moindre atteinte à un principe qui faisoit la sûreté de l'état. On comprit bien, dit Polybe, [pag. 500.] que la vue d'Annibal, dans l'offre qu'il faisoit de rendre les prisonniers pour une certaine rançon, n'étoit pas tant de tirer une somme d'argent considérable dont pourtant il avoit un extrême besoin, que d'ôter aux troupes Romaines ce sentiment et cet aiguillon d'honneur et de gloire qu'elles portoient au combat en leur faisant entrevoir une ressource et une espérance de salut pour ceux qui cédoient à l'ennemi. Mais le Sénat, en rejettant absolument cette proposition, voulut par ce refus confirmer authentiquement la loi ancienne des Romains, ou de vaincre ou de mourir dans le combat. Une telle fermeté, ajoute Polybe, et une telle grandeur d'âme, déconcertèrent Annibal, et lui causèrent plus de crainte et de frayeur, que sa victoire ne Tui avoit causé de joie et d'espérance.

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Ajoutez à ces différens motifs les marques d'honneur et les récompenses qui se donnoient publiquement après une bataille ou après quelque action importante, les louanges que les Généraux se faisoient un devoir d'accorder aux officiers et même aux simples soldats, comme Tite-Live le remarque de Scipion, les témoignages glorieux qu'ils rendoient en plein Sénat au retour de la campagne à ceux qui s'étoient le plus distingués. Tout cela jetoit dans les troupes une ardeur, une émulation, un courage qu'on ne peut exprimer. Par-là de simples officiers acquéroient le inérite d'un Général, comme on le vit dans

une occasion importante qui conserva l'Espagne aux Romains. Après la mort des deux Scipions, les affaires paroissoient absolument désespérées. 1 Un simple Chevalier Romain encore fort jeune, mais d'un courage et d'une grandeur d'âme au-dessus de son âge et de sa condition, qui avoit servi plusieurs années sous Cn. Scipion, et avoit appris sous lui la science militaire, fut choisi d'un commun consentement pour Chef, et par une hardiesse accompagnée de prudence sauva l'armée. C'est ce Marcius, dont notre Scipion fit tant de cas quand il fut arrivé en Espagne, et qu'il distingua toujours dans la suite d'une manière particulière. Voilà comment d'habiles officiers se formoient sous d'habiles Commandans.

4. Clémence et modération dans la victoire.

C'étoit la maxime des Romains, de traiter avec bonté et avec clémence les peuples et les Princes qui se soumettoient, comme aussi de faire sentir tout le poids de leur grandeur et de leur puissance à ceux qui osoient résister. C'est ce que le Poëte a si bien inarqué par ce vers, qu'on peut regarder comme la devise du peuple Romain. Parcere subjectis, te debellare superbos. En. 1. 8: v. 853.

1.° Quelque irrités qu'ils fussent contre les Carthaginois, quand leurs députés parurent dans le Sénat en qualités de supplians, et que d'un ton humble et touchant ils implorèrent la miséricorde du Peuple Romain, alors les sentimens de vengeance et de colère firent place à ceux de bonté et de clémence; et la paix leur fut accordée, quoiqu'assurément il n'eût pas été difficile

› Lib. 25. n. 37.

aux Romains de détruire Carthage, et d'achever la conquête de l'Afrique. Ce fut dans cette orcasion qu'Asdrubal, surnommé Hoedus, qui portoit la parole comme Chef des députés, fit un discours si flatteur pour le Peuple Romain. «< ' Il « est bien rare, dit il, que la prospérité et la « modération se rencontrent ensemble, et qu'il « soit donné aux hommes d'être en même temps << heureux et sages. Le Peuple Romain est invin«< cible, parce qu'il ne se laisse point avengler « par la bonne fortune. Et il faudroit, ajouta-t-il, s'étonner, s'il agissoit autrement. Car la prospérité ne transporte de joie et n'éblouit que ceux pour qui elle est nouvelle, au lieu que <«<les Romains sont si accoutumés à vaincre, qu'ils « ne sont presque plus sensibles au plaisir que « cause la victoire; et qu'on peut dire à leur hon«neur, qu'ils ont en un sens plus augmenté leur empire en pardonnant aux vaincus, qu'en rap«portant des victoires «.

2.0 2 Les Romains ne retinrent rien des conquêtes qu'ils avoient faites sur Philippe de Macédoine. Pour tout fruit de leurs victoires ils ne se réservèrent que le plaisir d'enrichir leurs Alliés, et la gloire de rendre la liberté à la Grèce. Et afin que cet présent si magnifique;si délicat, siinoui, n'eût rien de suspect, et ne pût être sujet au repentir, ils retirèrent leurs garnisons de toutes les villes, sans en excepter une seule.

Rarò simul hominibus bonam fortunam boramque mentem dari. Populum Romanum eo invictum esse quòd in secundis rebus sapere et consulere meminerit. Et hercule mirandum fuisse, si aliter facerent. Ex insolentia, quibus nova bona fortuna sit, impotentes lætitia insanire: populo Romano usitata ac prope jam obsoleta ex victoria gaudia esse ; ac plus penè parcendo victis, quàm vincendo, imperium auxisse. Lib. 30.11. 42.

2 Liv. lib. 33. 5. 20.

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