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pable de découvrir la vérité lors même qu'elle est cachée et enveloppée, et de la respecter sous quelque forme qu'elle paroisse. Si on ne surmonte cet éloignement et ce dégoût qu'il est facile à tout le monde de concevoir de toutes les choses qui paroissent un peu subtiles et scolastiques, onétrécit insensiblement son esprit, et on le rend incapable de comprendre ce qui ne se connoît que par l'enchaînement de plusieurs propositions. Et ainsi, quand une vérité dépend de trois ou quatre principes qu'il est nécessaire d'envisager tout à la fois, on s'éblouit, on se rebute, et l'on se prive par ce moyen de la connoissance de plusieurs choses utiles, ce qui est un défaut considérable. La capacité de l'esprit s'étend et se resserre par l'accoutumance; et c'est à quoi servent principalement les mathématiques, et généralement toutes les questions épineuses et abstraites. Car elles donnent une certaine étendue à l'esprit et elles l'exercent à s'appliquer davantage, et à se tenir plus ferme dans ce qu'il connoît.

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On ne sauroit croire combien cette sorte d'étude est propre à donner aux jeunes gens une force, une justesse, une pénétration d'esprit, qui les conduisent peu à peu à entendre par eux-mêmes et à débrouiller les questions les plus abstraites et les plus embarrassées. J'ai vu pratiquer au collège une coutume, qui a toujours eu beaucoup de succès: c'étoit pour les écoliers les plus forts. Outre les cahiers de la classe, on leur faisoit lire soit en public, soit en particulier, cerLaine partie de traités de philosophie: comme les six livres de la Recherche de la vérité du P. Mal

cipes de Physique et après qu'on avoit lu avec eux et qu'on leur avoit expliqué ces traités, onleur en faisoit faire des extraits et des précis, chacun à leur manière, mais toujours avec un certain ordre et une certaine méthode en établissant d'abord bien clairement l'état de la question, posant les principes, apportant les différentes preuves sur lesquelles ils sont appuyés, rappor tant exactement toutes les difficultés qu'on y peut opposer, et en donnant la solution. Le Maître voyoit ensuite ces extraits; et s'il y avoit quelque endroit qu'il fallût ou retrancher, ou ajouter, ou étendre, ou abréger, il le faisoit remarquer, et en apportoit les raisons.

Voilà certainement ce qui est bien capable de donner aux jeunes gens un esprit d'ordre, d'exactitude, de précision, de pénétration, qualités si nécessaires pour tous les emplois de la vie; ce qui les met en état de soutenir un travail ou un examen d'affaires long et pénible, sans se laisser rebuter par l'obscurité des questions, ni par la multiplicité des pièces qu'il faut discuter; et ce qui leur apprend à saisir dans les affaires les plus embrouillées le point décisif, à ne le perdre jamais de vue, à y rappeler tout le reste, et à en mettre les preuves dans un jour et dans un ordre, qui en fassent sentir toute la force.

Sans parler d'une infinité de connoissances rares et curieuses que donne la philosophie, croiton que deux années employées à acquérir les talens dont je viens de parler (et j'ai vu plusieurs écoliers en tirer ce fruit), soient un temps perdu, et qu'on doive le regretter? Des parens sensés et raisonnables peuvent-ils jamais se repentir d'a

voir

voir fait instruire leurs enfans de la sorte ? et si par une précipitation aveugle et inconsidérée qui ne devient que trop commune, ils retranchent ou abrègent le temps destiné à la philosophie, n'ont-ils pas lieu de se reprocher de leur avoir retranché la partie des études (j'ose l'assurer, et mon goût déclaré pour les belles-lettres ne peut pas ici me rendre suspect ) la partie des études la plus importante, la plus nécessaire, la plus décisive pour les jeunes gens, et celle dont la perte se peut le moins couvrir, et est la plus irréparable.

Je conclus de tout ceci, que les parens qui aiment véritablement leurs enfans, doivent leur faire faire le cours entier de la philosophie; leur procurer pendant ce temps tous les secours nécessaires pour avancer dans cette étude, et pour la leur faciliter, les engager à faire de temps en temps enleur présence des répétitions, où leurs maîtres président;et surtout leur déclarer dès le commencement du cours, que leur intention est qu'ils soutiennent publiquement tous les actes qu'on a coutume de soutenir en philosophie. Cette dé pense n'est pas grande sur le pied où sont maintenant les choses dans l'Université, et l'on nesauroit la réduire à une trop grande simplicité. Mais quand elle seroit plus considérable, elle est d'une si grande importance pour leurs enfans, et elle met une si notable différence dans leur étude par l'obligation indispensable qu'elle leur impose de s'appliquer sérieusement à un travail suivi, qu'ils ne devroient pas certainement l'épargner,

ARTICLES III ET IV.

La Philosophie sert à orner l'esprit d'une infinité de connoissances curieuses.

Elle sert aussi à inspirer un grand respect pour la religion.

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Je joins ici ces deux choses ensemble, parce qu'en effet elles ont une liaison naturelle et que l'une doit conduire à l'autre, comme on le verra par ce que j'ai à dire sur ce sujet.

Il est étonnant que l'homme, placé au milieu de la nature qui lui offre le plus grand spectacle qu'il soit possible d'imaginer, et environné de tous côtés d'une infinité de merveilles qui sont faites pour lui, ne songe presque jamais ni à considérer ces merveilles si dignes de son attention et de sa curiosité, ni à se considérer soi-même. Il vit au milieu du monde, dont il est le roi, comme un étranger, pour qui tout ce qui s'y passe seroit indifférent, et qui n'y prendroit aucun intérêt. L'univers, dans toutes ses parties, annonce et montre son auteur; mais, pour le plus grand nombre, c'est à des sourds et à des aveugles, qui ont des oreilles sans entendre, et des yeux sans voir.

Un des plus grands services que la philosophie puisse nous rendre, c'est de nous réveiller de cet assoupissement, et de nous tirer de cette léthargie, qui déshonore l'humanité, et qui nous rabaisse en quelque sorte au-dessous des bêtes, dont la stupidité n'est que la suite de leur nature, et non l'effet de l'oubli ou de l'indifférence. Elle pique notre curiosité, elle excite notre attention, et nous conduit comme la main dans toutes les parties de la nature,

par

pour nous en faire étudier et approfondir les merveilles.

Elles présentent à nos yeux l'univers comme un grand tableau, dont chaque partie a son usage, chaque trait sa grâce et sa beauté: mais dont le tout ensemble est encore plus merveilleux. En nous montrant un si beau spectacle, elle nous fait observer avec quel ordre, quelle symétrie, quelle proportion tout y est placé; avec quelle égalité cet ordre général et particulier s'observe et se maintient: et par-là elle nous fait reconnoître l'intelligence et la main invisible qui règlent tout.

La Philosophie, en conduisant ainsi l'homme de merveilles en merveilles, et le promenant pour ainsi dire dans tout l'univers, ne souffre pas qu'il 'demeure étranger par rapport à lui-même, ni qu'ilignore le fond de son propre être, où Dieu s'est peint lui-même d'une manière infiniment plus sensible et plus parfaite que dans le reste des créatures.

On voit bien que je parle ici principalement de cette partie de la philosophie qu'on appelle physique, parce qu'elle s'occupe à considérer la nature. Je l'examinerai sous deux faces. J'appellerai l'une la Physique des savans, et l'autre la Physique des enfans. Celle-ci n'est attentive qu'aux objets mêmes, et à ce qui frappe les sens; au lieu que la première en examine à fond la nature, et tâche d'en découvrir les causes.

PHYSIQUE DES SAVANS.

La considération du monde, et des différentes parties qui le composent, a toujours fait l'étude des Philosophes : et rien certainement ne

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