l'empêchant par là de germer. Ainsila première nourriture n'est qu'une précaution pour l'avenir; et c'est la prudence, plutôt que le besoin, qui y détermine. Voilà le fonds incompréhensible d'industrie que Dieu a mis dans ce petit animal. Voilà cette espèce d'intelligence prophétique qu'il lui a donné pour nous forcer à remonter jusqu'à lui, à qui seul il appartient de faire de tels prodiges; et qui ne pouvoit, ce semble, nous montrer plus sensiblement qu'il est la source de la sagesse, qu'en en réunissant tant de traits dans un si petit volume de matière qui n'en a que l'apparence. Peut-on assez admirer l'industrie de certains animaux qui filent avec un art et une délicatesse inimitables, où tout paroît être l'effet de la pensée, et d'une méditation géométrique? Qui a enseigné à l'araignée, animal si méprisable d'ail leurs, à former des fils si déliés, si égaux, si adroitement suspendus? Qui lui a appris à commencer pas les attacher à des points fixes; à les réunir tous dans un centre commun; à les tirer d'abord en droite ligne, et à les affermir ensuite par des cercles exactement parallèles? Qui lui a dit ces filets seroient les piéges où se prendroit d'autres animaux qui ont des ailes, et qu'elle ne sauroit atteindre que par la ruse? Qui lui a marqué sa place dans le centre, où aboutissent toutes les lignes, et où elle est nécessairement avertie par le plus léger ébranlement, que quelque proie est tombée dans ses filets? Enfin qui lui a dit que son premier soin devoit être alors ner en le rongeant. Liv. 11. chap. 30. Cependant plusieurs main tenant contestent ce fait, et nient absolument que les fournis fassant des anos de bled, que d'embarrasser les ailes de cette imprudente proie par de nouveaux fils: de peur qu'elle ne conservât quelque liberté ou pour se dégager, ou pour se défendre? 'Tont le monde a vû le travail des vers à soie. Les plus habiles ouvriers ont-ils pu jusqu'ici l'imiter? Ont-ils trouvé le secret de former un fil si fin, si ferme, si égal, si brillant, si continu? Ont ils une matière plus précieuse que ce fil pour faire les plus riches étoffes ?. Savent-ils comment ce ver convertit le suc d'une feuille en des filets d'or? Peuvent-ils rendre raison de ce qu'une matière liquide avant qu'elle ait pris l'air, s'affermit et s'alonge à l'infini dès qu'elle l'a senti? Aucun d'eux peut-il expliquer comment ce ver est averti de se conformer une retraite sous les contours sans nombre de la soie dont il est le principe, et comment il trouve dans ce riche tombeau une espèce de résurrection qui lui donne des ailes, que sa première naissance lui avoit refu sés. Tout ce qui est ver, et qui a rampé, devient une espèche de mouche, de moucheron, de papillon et tout ce qui vole a rampé dans sa première origine, et a été une espèce de ver, de chenille, d'insecte, avant que d'avoir eu des ailes. Et l'état mitoyen entre ces deux extrémités d'élévation et de bassesse, est le temps où l'animal devient fève ou cocon, ce qui se fait en une infinité de façons, mais toujours d'une manière uniforme pour chaque espèce. Je terminerai ce traité par quelques observa tions sur un petit animal qui mérite toute notre admiration. Son nom est Formicaleo. Sa figure est laide, et ne paroît qu'ébauchée. Son inclination est cruelle, car il ne vit que du sang de sa proie; et son occupation unique est de lui tendre des piéges. On en voit mieux l'artifice quand on peut avoir dans son cabinet un tel animal. On le met dans un vase de terre plein d'un sable assez menu, où il se cache aussitôt. Quand il y est, il forme dans le sablela figure d'un cône renversé avec une proportion exacte et géométrique, et il va se loger dans le sommet du cône qui tient lieu de centre mais en demeurant couvert. Si quelque fourmi, ou quelque mouche à qui on a ôté les ailes, est placée à l'entrée du cône, ce petit animal, qu'on ne jugeroit pas capable du moindre effort, jette avec sa tête à coups redoublés du sable sur la proie qu'il a sentie, afin de l'étourdir, et de l'entraîner dans le fond où il se tient caché. Alors il sort de sa retraite, et après s'être désaltéré du sang, il rejette le cadavre qui pourroit faire soupçonner sa cruauté. Quand on veut avoir une seconde fois le plai-şir dele voir travailler, on comble son cône en agitant le vase: et l'on est étonné avec quelle diligence cette petite bête rétablit une nouvelle figure, aussi vaste et aussi régulière que la pre mière. Quels raisonnemens ne faudroit-il pas qu'elle fit, si son travail étoit fondé sur le raisonnement? Peut-on penser plus finement en mathématique, et connoître mieux la nature du cône, celle du sable, celles des mouvemens, et leur retentissement du centre à toutes les parties de la circonférence? Il est certain que c'est cette bête qui Kaisonne, ou quelqu'un pour elle. Mais la mer veille n'est pas, ni qu'elle raisonne; ni qu'un principe étranger raisonne pour elle: mais que ce principe fasse éxecuter tout cela par des organes qui se meuvent eux-mêmes, et qui paroissent n'agir que par un principe intérieur. Je ne dois pas omettre que le formicaleo, dont je viens de parler, se transforme en une grande et belle mouche, appelée démoiselle, de laid et de petit qu'il étoit auparavant, et il ne se souvient plus de son humeur sanguinaire, quand il a quitté sa première dépouille. Utilité de ces observations physiques. Il n'est pas necessaire que je fasse remarquer combien ces observations physiques, et une infinité d'autres pareilles, sont capables d'orner et d'enrichir l'esprit d'un jeune homme; de le rendre attentif aux effets de la nature qui sont sous nos yeux, et qui se présentent à nous presque à chaque moment, sans que nous y fassions réflexion; de lui apprendre mille choses curieuses qui regardent les sciences, les arts, les métiers, comme la chimie, l'anatomie, la botanique, la peinture, la navigation, l'imprimerie, etc; de lui donner du goût pour le jardinage, pour les arbres, pour la campagne, pour la promenade, ce qui n'est pas une chose indifférente; de le mettre en état de fournir agréablement à la conversation, et de n'être pas réduit ou à y garder le silence, ou àne savoir y parler que de bagatelles. J'ai appelé cette Physique, la Physique des enfans, parce qu'en effet on peut commencer à la leur apprendre dès l'âge le plus tendre, mais en se proportionnant à leur foiblesse, et ne leur pro I les faits, soit pour les réflexions qu'on y joint. Il est incroyable combien ce petit exercice, continué régulièrement depuis l'âge de 6 ou 7 ans jusqu'à l'âge de 12 ou 15 ans, mais continué sous l'idée et le nom de divertissement, et non d'étude, rempliroit l'esprit des jeunes gens de connoissances utiles et agréables, et les prépareroit à l'étude de la Physique, qui est propre aux savans. Mais, me dira-t-on, où trouver des maîtres capables de donner à un enfant ces instructions. inconnues souvent à ceux même qui sont les plus habiles, et qui demandent une étendue infinie de connoissances? La chose n'est pas si difficile pourroit se l'imaginer. Cicéron disoit en riant, dans un plaidoyer où il avoit entrepris de rabaisser l'étude de la Jurisprudence, i que si on le mettoit en colère, tout occupé qu'il étoit il deviendroit Jurisconsulte en trois jours. J'en pourrois dire à peu près autant, non de la Physique des savans, qui est une science très-profonde, mais de celle dont je parle ici. Il ne s'agit que de parcourir les livres où se trouvent ces sortes d'observations, tels que sont par exemple les Mémoires de l'Académie des Sciences, où l'on trouve sur toutes les matières une infinité de remarques extrêmement curieuses. J'ai vu de jeunes gens, qui répondoient publiquement sur le quatrième livre des Géorgiques de Virgile, faire un merveilleux usage de ce qui est dit dans ces Mémoires sur la petite mais admirable république des abeilles. Un maître curieux et studieux s'adresse à d'habiles gens pour savoir quels livres Itaque, si mihi, homini vehementer occupato, stomachum mo◄ veritis, triduo me jurisconsultum esse profitebor. Pro. Muren. 11. 28. |