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cation. A Worms, par exemple, aux termes d'un règlement des écoles, en date de 1260, le disciple pouvait, dans le cas où son maître l'aurait battu, blessé, et lui aurait entièrement rompu les os, quitter ce premier maître sans le payer et passer à un autre. De là ces haines d'Annibal contractées dès l'enfance sur des bancs de douleur par les Érasme, les AldeManuce, etc., qui firent surtout explosion à l'époque de la Renaissance, dans les écrits de ces hommes illustres. » Ce n'était pas la dureté des maîtres seulement que les disciples avaient à redouter, mais celle de leurs camarades. « Rappelons, dit M. de Viriville, une ancienne coutume qui persista longtemps dans les universités ainsi que dans les colléges, et dont tous les auteurs ont successivement parlé. Il s'agit des persécutions que les anciens ont de tout temps fait subir aux nouveaux venus, que l'on désignait universellement au moyen âge sous le nom de béjaunes. Au XVIe siècle, dans les écoles de Cologne, de Bâle, et d'autres universités d'Allemagne, le béjaune, saisi à son arrivée, était coiffé de cornes en papier, puis poursuivi par ses camarades qui faisaient mine de le tondre, de le planer et de le percer à l'aide de haches et de tarières de bois, afin qu'il apprît, dit un ancien auteur, à réprimer les cornes de la vanité, à aplanir son naturel, et à déboucher les conduits de son intelligence.» De semblables usages paraissent inexplicables, et pourtant ces violences, et d'autres bien plus odieuses, se renouvellent chaque jour, sous le nom de brimades, dans plusieurs écoles françaises. Mais laissons là ces tristes peintures, et reprenons par un côté plus joyeux l'histoire de l'enseignement chez nos pères. « Les fêtes de sainte Catherine et de saint Nicolas étaient celles de toute la jeunesse ; les plus petits écoliers y prenaient part, comme à Troyes, en chantant des chansons accompagnées de processions et de mystères par personnages (1436). A Paris, aux jours de ces deux saints, les enfants des petites écoles élisaient entre

eux un évêque et le promenaient par les rues avec pompe et cortége, en dansant au son des flûtes, violons et tambourins. Ces solennités, souvent défendues, par l'autorité, le furent encore en 1725, etc. »

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Nous venons de voir que les écoliers du xv siècle jouaient entre eux des mystères. Les représentations dramatiques sont de bien vieille date dans les colléges'. Elles s'y maintinrent longtemps, et quelquefois sous les formes les plus bizarres. D'Alembert (article Collége, Encyclopédie) félicite Rollin d'avoir plus que personne contribué à proscrire les tragédies dans les colléges. Elles étaient, dit le philosophe, l'occasion regrettable d'une perte de temps pour les écoliers et pour les maîtres; c'est bien pis, ajoute-t-il, « quand on y joint d'autres appendices plus ridicules, comme des explications d'énigmes, des ballets et des comédies tristement ou ridiculement plaisantes. Nous avons sous les yeux un ouvrage de cette dernière espèce, intitulé: La défaite du Solecisme, par Despautère, représentée plusieurs fois dans un collége de Paris: le chevalier Pretérit, le chevalier Supin, le marquis des Conjugaisons, et d'autres personnages de la même trempe, sont les lieutenants généraux de Despautère, auquel deux grands princes, Solecisme et Barbarisme, déclarent une guerre mortelle. Tels étaient les plaisirs très-innocents des enfants, nos ancêtres. Et ce n'était pas en France seulement que la jeunesse se livrait à ces divertissements allégoriques. On les retrouverait à peu près partout. M. Villemain nous dit, à propos de Cromwell (Histoire de Cromwelt, t. I, p. 6): « Il étudia d'abord à l'école de Huntingdon, sous un docteur puritain, qui, malgré l'austérité de sa secte, composait des pièces de théâtre,

1. Voy. sur les représentations dramatiques des colléges des jésuites un chapitre intéressant du P. Daniel, dans son remarquable ouvrage intitulé : Des études classiques dans la société chrétienne. Paris, Ch. Douniol,

et en faisait jouer à ses élèves. Dans un de ces drames allégoriques et pédantesques intitulé: le Combat de la Langue et des cinq Sens, Cromwell, enfant, fut chargé d'un rôle principal; il représenta le Toucher, auquel le Mensonge venait offrir une couronne, etc. L'allégorie, on le voit, prolongeait jusqu'au XVIIe siècle son influence toute-puissante dans le moyen âge. Mais ce sont là des jeux de l'imagination; venons aux applications sérieuses de l'intelligence, à la partie grave de notre sujet.

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Nous regrettons de ne pouvoir analyser les chapitres pleins d'intérêt que M. de Viriville a consacrés à l'époque brillante de la Renaissance, à Rennes, surtout aux jésuites, et à Port-Royal. Disons quelques mots seulement de la société de Jésus. La célèbre compagnie se déclara dès sa naissance l'ennemie et la rivale de l'Université. A travers bien des fortunes, cette concurrence s'est maintenue jusqu'à nos jours. Quelle a été l'influence des pères sur les générations confiées à leurs soins? En morale d'abord : écoutons comment M. de Viriville apprécie leur système « Exempt de tout attachement de nation, de justice, de famille', le jésuite apportait à l'exercice de l'enseignement une sorte de facilité cosmopolite; sévère pour les élèves jésuites, mais en fait très-conciliant pour les autres, il ménageait aisément chez eux des sentiments qui ne l'atteignaient pas. C'est ainsi, véritables Protées, qu'on les vit se faire tour à tour monarchistes dans les monarchies, républicains dans les républiques, oligarchistes dans les oligarchies. Les jésuites n'exigeaient même, sous le rapport religieux, que peu de

1. M. de Viriville cite en note un passage d'un des règlements de la société « Il est sage de ne pas s'habituer à dire : J'ai des parents ou j'ai des frères, mais j'avais des parents, etc. » Il faut voir dans la Vie de saint Ignace, par Bouhours (p. 518 et 519), comment le saint reçut un jour quelqu'un qui venait lui parler d'un mariage pour la fille de son frère. Le père répondit qu'il ne prenait nulle part au mariage de sa nièce. Le fondateur observait les règlements de son ordre.

soumission de leurs élèves laïques; ne contraignant personne et se bornant à obtenir un certain respect extérieur; concession d'autant plus facile qu'ils excellaient dans l'art de s'attacher la jeunesse. Les écoles des jésuites se distinguaient par les soins donnés aux élèves malades, par l'heureuse proportion des récréations et du travail, par mille recherches intelligentes, qui caressaient la tendresse des mères et flattaient l'amour-propre des parents. Chez eux on enseignait l'escrime, la danse, la musique; chez eux d'imposantes solennités soutenaient le zèle, élevaient l'effort; les distributions de prix, honorées des plus augustes présences, étaient célébrées par des harangues, par des comédies, des tragédies et même des ballets, que représentaient ou dansaient les élèves. » Un tel programme semble peut-être un peu mondain aux lecteurs qui entendent certaines gens regretter chaque jour l'influence austère et chrétienne de l'éducation donnée par les jésuites à nos pères, et déplorer les effets de l'enseignement universitaire, avec une sorte de douleur triomphante : δακρύσεν γελάσασα.

M. de Viriville, qui a rendu justice à l'enseignement moral de la compagnie, traite peut-être avec trop de faveur son système d'éducation. « Ce qui spécifie et recommande le mieux leur règle, dit-il, c'est un éclectisme nouveau pour le choix et le perfectionnement des moyens ainsi que des méthodes. Par un phénomène bien digne d'attention, cette société, dont le vice essentiel aux yeux de la philosophie moderne est d'avoir méconnu, dans son application générale, la loi de changement et de progrès qui régit l'humanité, fut la première qui rendit un hommage aussi éclatant et aussi fécond à ce grand principe, circonscrit à la culture intellectuelle de la jeunesse. En des temps de routine, où l'Église enseignante, tremblait devant la langue ancienne, les jésuites prescrivirent hardiment l'étude du latin, du grec, de l'hébreu. » Nous ne pouvons accepter ce jugement

sans réserve. Il nous paraît douteux qu'une pensée de progrès ait inspiré le programme d'études du célèbre institut1. Qui devons-nous en croire plus que le fondateur de l'ordre lui-même? Nous avons sur ce point sa profession formelle. On lit dans sa Vie, par le P. Bouhours (p. 251) : « S'il apprenait que quelques-uns des professeurs d'Espagne, d'Italie et de Sicile suivissent des opinions particulières, écartées de celles qui sont communément reçues dans l'école, il les retirait des études, quelques bons esprits que ce fussent, et il disait que, s'il vivait mille ans, il ne cesserait de crier contre les nouveautés qui s'introduisent dans la théologie, dans la philosophie et dans la grammaire. » La perfectibilité n'a jamais été plus hautement réprouvée par personne. Sur ce point, d'ailleurs, les conséquences sont d'accord avec les prémisses, les faits répondent aux principes. Si nous en croyons M. de Viriville, les jésuites avaient prescrit hardiment l'étude de l'hébreu et du grec. Ils ne tardèrent point à se repentir de leur audace, à propos du moins de cette dernière langue. Lancelot venait de publier le Jardin des racines grecques. Le P. Labbe composa un livre intitulé: Les étymologies de plusieurs mots français contre les abus de la secte des hellénistes de Port-Royal. Au dire du P. Labbe, cette damnable secte qui s'appelait légion comme le démon, semblait vouloir, en infectant de grec les jeunes esprits, empêcher le commerce que nos Français avaient eu avec Rome depuis douze cents ans. De nos jours, M. de Maistre a tenu en beau français précisément le même langage. Dans la science, les jésuites ne redoutaient pas moins le perfectionnement (nous rappelons l'expression de M. de Viriville). Condorcet, racontant que La Condamine fit sa philosophie sous le P. Brisson ajoute Il y avait plus de trente ans que le

1. Voy. un article de la Liberté, 1849.

2. Voy. le Pape, p. 156 et suiv.

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