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livre des Principes de Newton avait paru, et le cartésianisme, que cet ouvrage avait détruit, ne s'était pas même encore introduit chez les jésuites.... Ce fut en 1717 que le P. Brisson enseigna le premier chez eux la philosophie de Descartes : il avait choisi M. de La Condamine pour soutenir une thèse publique, dédiée à l'Académie des sciences!» Marmontel dit aussi dans ses Mémoires : « Dès ma seconde année de philosophie, n'ayant pu engager les professeurs jésuites à nous enseigner la philosophie newtonienne, je pris mon parti d'aller étudier à une autre école.

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Mais revenons à l'histoire de l'Université. Nous la reprenons aux approches de 89. « La grande institution, dit M. de Viriville, était alors en pleine décadence. Moins ennemie du progrès que les jésuites ses adversaires, elle se montrait pourtant trop peu empressée de marcher en avant. C'est dans cette espèce d'incertitude et d'hésitation qu'elle fut surprise par le terrible mouvement qui venait changer toutes choses. Il fallait améliorer l'instruction publique. Les novateurs s'en chargèrent violemment, selon leur usage. En matière de réforme administrative, les révolutions n'ont qu'un procédé, et il est ancien, c'est celui des filles de Pélias, tuer pour rajeunir. Ils immolèrent donc l'enseignement pour le préparer à une vie nouvelle. Cette résurrection se fit un peu attendre. Plusieurs essais étaient demeurés sans résultats; des tentatives plus sérieuses de création s'accomplirent après la chute de Robespierre. On commença par fonder l'École normale (30 octobre 1794). Le désordre contemporain des choses et des idées se révèle par la singulière organisation de ce grand établissement : « M. de Lacépède, raconte Cuvier, s'y trouvait sur les bancs avec M. de Bougainville, septuagénaire, • officier général de terre et de mer, écrivain et géomètre également fameux; avec le grammairien de Wailly, non - moins âgé, et auteur devenu classique depuis quarante

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ans, avec notre savant collègue M. Fourier. M. de La « Place lui-même, et c'est tout dire, y parut d'abord comme « élève, et aux côtés de pareils hommes siégeaient des vil« lageois, qui savaient à peine lire couramment1. »

Voilà une école bien étrangement constituée. Mais pouvait-on attendre beaucoup mieux de cette époque bizarre ? Une anecdote racontée par Cuvier achève de la peindre. « Un ministre du Directoire avaít officiellement inspecté le Muséum. Au retour il parlait de l'intérêt de cette visite et de certains animaux curieux, la girafe, par exemple. « Sans doute, lui dit-on, vous avez vu Lacépède? On ne me « l'a pas montré,» répondit le ministre mécontent de cette négligence. » Heureusement à une telle administration en succéda bientôt une autre, capable de fonder, et dont l'œuvre subsiste encore. M. de Viriville a raconté avec un véritable talent l'histoire de l'Université impériale, et ses vicissitudes sous la Restauration et la dernière royauté. Nous n'avons pas le temps d'abréger son intéressant récit. Mais. avant de le quitter, nous dirons un mot de l'élégance typographique et des précieux dessins qui relèvent le mérite de son ouvrage. Cette histoire est à la fois un livre d'étude et un livre d'art, un savant travail et un album. L'érudition ainsi illustrée doit plaire à tout le monde; l'histoire de l'instruction publique, sous ce costume élégant et mondain, peut se présenter dans tous les salons.

(Revue de l'Instruction publique, 13 avril 1854.)

1. Cuvier, Eloge de Lacepède.

DE L'ÉDUCATION DANS LA FAMILLE ET AU COLLÉGE,

par Th. H. Barrau.

Un écrivain honnête homme, qu'il faut toujours citer quand on parle d'éducation, Rollin, a dit : « Les livres admirables sont rares; les livres estimables le sont bien plus.» Je m'empresse d'annoncer à nos lecteurs un`ouvrage qu'aurait estimé Rollin lui-même: c'est le livre de M. Barrau sur l'éducation.

L'auteur s'adresse aux pères de famille. De tous côtés on se plaint de l'éducation publique, on lui attribue les malheurs du siècle; chacun propose son projet de réforme ; chacun offre de sauver la société dans l'espace de vingtquatre heures, et par le moyen le plus simple: une révolution dans l'enseignement. Il n'y a rien là qui doive étonner personne. Toutes les fois que les hommes mûrs font des folies que leurs enfants imitent à leur tour, ils ne manquent pas de se plaindre de l'éducation qu'on leur a donnée. Depuis quelque soixante ans, les pères de famille ont fait nombre de révolutions; ils s'écrient douloureusement aujourd'hui que l'enseignement public a produit des révolutionnaires : ils oublient modestement que ce qui a produit les fils, c'est le mauvais exemple des pères. La société l'oublie comme eux, et cherche un remède aux vices présumés de l'éducation; on travaille à la réformer; on multiplie les systèmes, et l'on ne songe pas que s'il est un sujet où les expériences sont dangereuses, c'est l'éducation, parce qu'elles s'y font sur des êtres vivants, sur des âmes, et qu'il n'est pas permis d'exposer, même au profit de la science pédagogique, la vie morale de plusieurs générations.

Au milieu des théories plus ou moins aventureuses d'enseignement que la dernière révolution a enfantées, c'est une vraie consolation pour le bon sens public de compter deux livres qui n'ont la prétention ni de sauver le monde, ni de bouleverser l'enseignement, mais qui rappellent avec autorité, avec talent, quelques vérités oubliées ou méconnues. Le premier, à peine commencé, celui de Mgr l'évêque d'Orléans, doit être un traité complet : il résoudra toutes les questions que cet immense sujet de l'éducation embrasse. Le volume qui a déjà paru est un exposé singulièrement élevé des devoirs de l'enseignement public, et une étude pénétrante de ses imperfections. On y remarque, malgré des déclamations regrettables, la clairvoyance d'un homme supérieur qui a longtemps vécu entre les jeunes gens et les maîtres, et cette finesse d'observation morale qui est propre aux écrivains illustres du clergé. Ils sont en général de profonds moralistes: Bourdaloue connaît mieux le cœur de l'homme que La Rochefoucauld; c'est qu'ils ont un avantage que ne donnent ni la connaissance du monde, ni l'expérience de la vie : confidents et directeurs des âmes, ils les voient dans les moments où elles songent le moins à se déguiser; et s'ils jugent si finement les hommes, c'est qu'ils se bornent souvent à dire tout haut ce que les hommes leur ont dit d'eux-mêmes tout bas. C'est cette profondeur et cette justesse dans l'observation morale qui donnent un attrait si vif au livre inachevé de Mgr l'évêque d'Orléans.

Le second livre est celui de M. Barrau : je ne veux pas le comparer à celui de Mgr Dupanloup; car ce n'est pas un traité complet d'éducation, c'est plutôt un appel éloquent, une leçon sévère donnée aux pères de famille: il n'a de commun avec celui de Mgr l'évêque d'Orléans que l'élévation et la pureté de l'inspiration chrétienne, la connaissance profonde de la jeunesse, l'amour du bien. La

nouveauté de son point de vue, c'est qu'il veut faire l'éducation des pères avant de commencer celle des enfants. On a répété à l'envi depuis quelque temps le mot de Leibnitz : « Si l'on réformait l'éducation, on réformerait le genre humain. » Mais Leibnitz, et ceux qui pensent comme lui, oublient que l'éducation qui doit réformer le genre humain, c'est apparemment le genre humain qui la donne, et qu'en dernière analyse l'éducation est, aussi bien que la littérature, l'expression de la société. M. Barrau prend l'inverse de la pensée de Leibnitz : « Réformons le genre humain, dit-il, et l'éducation sera réformée. » Maintenant la question est de savoir s'il est plus facile de réformer le genre humain que l'éducation, ou, pour parler plus simplement, de corriger les pères que les enfants. Je l'ignore; mais ce qui est sûr, c'est que les enfants ne s'amenderont pas tant qu'ils auront pour excuse la conduite des pères. Que peuvent les préceptes en face des exemples? que peuvent les maîtres, même les meilleurs, quand ils ont contre eux la puissance de l'exemple paternel? « Vous vous imaginez, dit judicieusement aux familles M. Barrau, qu'une génération est le produit de l'éducation qu'elle reçoit, et, quand une génération n'est pas bonne, vous rendez l'éducation responsable. Vous comptez-vous donc pour rien? » Et il fait leur procès aux pères qui ne remplissent pas leurs devoirs religieux, et se plaignent de n'avoir pas pour fils de petits saints; qui les laissent lire les romans nouveaux, et veulent qu'ils en tirent la morale de l'Évangile; qui leur parlent sans cesse de devenir riches, et s'étonnent qu'ils ne songent pas à devenir bons; qui leur prêchent perpétuellement l'arithmétique, et se scandalisent s'ils aiment l'argent; qui sèment au printemps la cupidité, l'ambition, l'égoïsme, et s'indignent de ne pas récolter toutes les vertus chrétiennes au temps de la moisson. M. Barrau a parfaitement raison. Mais qu'il y prenne garde : parmi

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