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d'hui à des jeux moins dramatiques et moins mondains, on élevait une vaste tente, et les rhétoriciens d'alors y représentaient en costume les tragédies et les comédies de leurs maîtres, écrites en beau latin, devant leurs mères émues et ravies, comme on l'a dit finement, de voir leurs fils déclamer si bien ce qu'elles ne comprenaient pas. L'un des poëtes les plus habiles de cette école classique et pieuse, le P. Porée, dans une comédie appelée doctement Misoponus, ou le Paresseux, a représenté avec beaucoup d'agrément et de vérité la jeunesse de son temps. Misoponus s'est débarrassé le plus vite possible de ses études, pour pratiquer en paix son système de philosophie, composé de deux préceptes fondamentaux: s'amuser le plus qu'on peut, travailler le moins possible. Il a fondé une académie de paresseux, dont il est le président, et où l'on n'est admis qu'avec des titres bien établis et des certificats de parfait épicurien. Il vit au jour le jour, faisant l'esprit fort et le désabusé, persiflant son tuteur Timante et son grand-père Tisagore, se raillant de tout ce qu'on respecte, de la religion, de la vertu, de la gloire, de l'honneur, mais non pas de l'argent, et courant sans cesse, c'est le P. Porée qui parle, les cafés et les théâtres, à tel point que le bon Tisagore, dans une superbe tirade contre les cafés, s'écrie: « Malheur à tous les buveurs d'eau chaude qui vont puiser dans le fond de leur tasse je ne sais quelle ironie impertinente qu'il est impossible de tolérer. Voilà, messieurs, le jeune homme de ce temps-là peint au vif par un des maîtres, et, qui plus est, par un des confesseurs de la jeunesse. Avouez que le portrait n'a pas complétement vieilli, et que si, dans nos lycées devenus plus austères, on jouait la comédie, vous entendriez avec profit cette morale sensée de Tisagore: «Croyez, mes amis, espérez, travaillez, ayez des illusions, de l'enthousiasme, des déceptions même ; cela vaut mieux que de rire de tout, de ne croire qu'au plaisir, et de présider l'académie des paresseux. »

Tisagore a raison, messieurs. Rien de plus funeste que cet esprit sec et positif qui est le caractère des jeunes gens d'aujourd'hui. Le regard de la jeunesse, sachez-le bien, est fait pour voir le monde plus beau qu'il n'est l'illusion est pour elle un don de la Providence. Notre œil serait hors de son état naturel, si, au lieu de voir brisé un bâton dans l'eau, il le voyait tout droit. Ce serait voir plus juste, mais ici la justesse même serait le signe d'un dérangement de la vue. De même c'est un mauvais symptôme de la santé morale d'un jeune homme, quand il prétend voir la vie et le monde tels qu'ils sont. A votre âge, messieurs, l'illusion est plus vraie que la réalité.

D'ailleurs, si le rayon de l'idéal ne vient pas tout illuminer autour de vous, comment supporterez-vous les épreuves de la vie, le travail, la pauvreté peut-être, la lutte contre le présent, et les vaillants efforts qui fondent l'avenir? Quand vous aurez rencontré par hasard quelque opulent équipage, où l'un de vos anciens camarades promènera son oisiveté, ne remonterez-vous pas, le cœur serré, le long escalier de votre modeste chambre d'étudiant, si vous ne pouvez vous écrier comme le poëte de la Jeune Captive:

L'illusion féconde habite dans mon sein;
J'ai les ailes de l'espérance.

Pour que ces années presque inévitables d'humbles travaux, de privations et d'obscurité, vous soient faciles et légères, ne faut-il pas qu'en regardant les murs mélancoliques. de votre cellule, vous vous disiez au fond du cœur: « C'est de ce réduit, où brille si tard ma lumière vigilante, que sont sortis avant moi tant d'hommes de bien et de talent, qui aujourd'hui honorent la France; c'est ici que sont venus avant moi travailler, rêver, espérer, méditer sous ces toits, combien de poëtes, d'artistes, de savants, d'orateurs, de

politiques aujourd'hui célèbres! Cette mansarde est froide et nue; mais au delà, quel horizon! Et moi aussi je suis un poëte, et moi aussi je suis un savant, et moi aussi je suis un peintre! Je n'ai qu'à ouvrir ma fenêtre pour voir briller au soleil le dôme de l'Institut! »

Ah! messieurs, heureux le jeune homme qui se tient à lui-même ce noble langage, en marchant à grands pas dans son étroit logis, et qui frappe son front, comme Chénier, en s'écriant : « J'ai quelque chose là.» Enthousiasme charmant! rêve des cœurs généreux qui promet d'honorables vies! doux éclat du matin qui annonce un beau jour!

Vous le voyez, messieurs, ma morale se résume en deux mots Sachez vous rajeunir. Il n'est pas besoin pour cela du talisman des fées. Les baguettes magiques qui changeaient les vieillards en de beaux jeunes princes sont depuis longtemps perdues; mais, ce qui ne l'est pas, ce qui s'offre à vous tous les jours, ce sont les conseils du bon sens, et le bon sens vous dit en excellents vers:

Qui n'a pas l'esprit de son âge,

De son âge a tout le malheur.

Ce qui ne vous abandonnera pas non plus, ce sont aussi les conseils de vos maîtres, et ils vous protégeront contre cette littérature sensuelle et aride de nos jours, qui vous dessécherait et vous donnerait une si fausse idée de la vie; ils vous ramèneront aux sources plus pures du grand siècle, où les âmes se retrempent et se désaltèrent. Enfin, à la voix de la morale chrétienne, cette ennemie divine de l'égoïsme, vous arracherez de vos cœurs tous les germes clandestins semés par cette morale de l'intérêt, qui se glisse partout avec l'air qu'on respire; peu à peu vous vous dépouillerez de ce caractère factice, qui, vous vieillissant avant l'âge, fait de vous des anachronismes vivants; vous

reviendrez aux généreuses, aux vraies passions de la jeunesse, vous les prêcherez aux générations qui vous succéderont, et quand un jour vos fils viendront vous remplacer sur ces bancs, peut-être aurez-vous la tardive satisfaction. d'entendre quelque voix prudente, comme la mienne, leur répéter ce refrain par où commençait ce discours: « Mes enfants, vos pères valaient mieux que vous. »

ÉTUDES

LITTÉRAIRES

ET MORALES.

HOMÈRE,

Poëme par M. Ponsard.

Il y a deux sortes de paganisme : l'un qui est bien mort, mais qu'aurait infailliblement ressuscité, s'il avait pu revivre, la guerre entreprise récemment contre lui; je veux parler du paganisme mythologique et de son usage en littérature, de la fable en un mot. Personne ne croit plus avec Boileau qu'il n'y a pas de poésie si l'on ôte leurs ciseaux aux Parques, et si l'on chasse les Tritons de l'empire des eaux personne ne se persuade avec Voltaire

Qu'on chérira toujours les erreurs de la Grèce,

sous prétexte que l'almanach est païen, et que l'Olympe ancien a donné leurs noms aux jours de la semaine. Si ce mot célèbre : « Les dieux s'en vont, » fut jamais une vérité, c'est de nos jours dans la littérature. La nature les a remplacés: il n'y a plus de Sylvains ni de Naïades; il n'y a que des arbres et des rivières. Plaise à Dieu que nous n'allions pas

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